Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Siemens Lease Services a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Oiseaux à lui verser la somme de 88 685,60 euros au titre de l'indemnité de résiliation des contrats de location de photocopieurs conclus avec cet établissement, avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 16 mars 2018, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, la somme de 72 149,55 euros sur le terrain extracontractuel.
Par un jugement no 1804155 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'EHPAD Les Oiseaux à lui verser la somme de 29 710,80 euros TTC au titre des loyers échus, la somme de 480 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ces sommes étant assorties des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé et la somme de 10 948,98 euros au titre de l'indemnité de privation de jouissance et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 27 juillet 2020 et le 30 juin 2021, l'EHPAD Les Oiseaux représenté par Me Lapisardi, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Siemens Lease Services devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros TTC ;
4°) de mettre à la charge de la société Siemens Lease Services la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen selon lequel la demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire était sans objet, les contrats ayant été résiliés unilatéralement par la société Siemens et ces conclusions, qui relèvent d'une logique de droit privé, étant sans objet ;
- le jugement attaqué est également irrégulier en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de signature et de paraphe des conditions générales de location ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en faisant application d'un contrat nul ;
- il a retenu une conception extensive de la loyauté des relations contractuelles en la faisant prévaloir sur les graves irrégularités entachant les contrats ;
- les contrats étaient dépourvus de cause, l'établissement exposant disposant déjà de huit photocopieurs à la date de leur conclusion et ses besoins étant déjà largement satisfaits ; le jugement est entaché d'erreur de fait dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir que ces contrats allaient se substituer à des contrats antérieurs ; il n'avait nullement besoin de trois photocopieurs supplémentaires, ses besoins étant en réalité de six photocopieurs ; le contrat conclu en mars 2016 concernait exactement les mêmes prestations que le contrat conclu en 2015 ;
- la clause de prix prévue aux contrats constitue une libéralité illicite au profit de la société Siemens qui entache de nullité ces contrats ; le prix d'acquisition des photocopieurs et les loyers ont été très largement surfacturés ; la clause de prix, qui ne repose sur aucune réalité économique, constitue une libéralité ; elle entraîne la nullité des contrats dès lors qu'elle n'est pas divisible de ces contrats ;
- la société Siemens Lease Services a volontairement vicié le consentement de l'exposant ; elle a commis des manœuvres dolosives en louant des matériels à des prix quatorze fois supérieurs à leur valeur réelle ; le contrat a été signé à la suite d'une action de démarchage de la société Siemens alors que l'exposant n'avait pas défini ses besoins et fait jouer la concurrence ; il n'a pas eu connaissance de l'étendue de son engagement avant de signer les contrats qui se présentaient sous la forme de contrats types ; les conditions générales de location n'ont été ni signées, ni paraphées ; les clauses contractuelles étaient, en tout état de cause, illisibles ;
- l'absence totale de publicité et de mise en concurrence doit conduire à l'annulation des contrats ;
- les contrats ont prévu une date d'effet antérieure à leur signature ;
- plusieurs clauses sont irrégulières, en particulier la clause de tacite reconduction, la clause de cession de contrat et la clause d'indemnisation pour privation de jouissance qui est disproportionnée ;
- le tribunal ne pouvait accorder le paiement des loyers échus impayés à la société Siemens sur le fondement d'une clause nulle ;
- le tribunal ne pouvait accorder une indemnité de privation de jouissance sur le fondement d'une clause nulle et alors que la société Siemens était seule responsable de la reprise tardive des matériels ;
- le tribunal ne pouvait pas accorder une indemnité forfaitaire de recouvrement à la société Siemens ; elle ne peut en obtenir six fois le paiement ; elle ne justifie pas avoir engagé des frais de recouvrement ; la demande d'indemnité de recouvrement étant fondée sur une clause d'indemnisation nulle, elle ne peut prospérer ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en accordant des intérêts moratoires, l'indemnisation au titre des loyers échus étant fondée sur une clause nulle et ces intérêts ne pouvant s'ajouter à l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
- l'indemnisation sollicitée au titre des dépenses utiles doit être rejetée dès lors que le consentement de l'exposant a été vicié ;
- les sommes dont la société Siemens demande l'indemnisation n'ont pas été utiles ; la valeur réelle des matériels était déjà amortie avant la résiliation ; en tout état de cause, il a cessé d'utiliser le matériel faisant l'objet des contrats en litige depuis le mois de janvier 2018 ; à cette date, la société Siemens aurait pu récupérer ce matériel ce qu'elle n'a pas fait ; elle aurait pu le revendre ;
- en tout état de cause, le calcul des dépenses utiles est erroné dès lors qu'il a versé 17 612,34 euros en exécution des contrats et non 12 391,50 euros ;
- la société Siemens n'a droit à aucune autre indemnité dès lors que la faute qu'elle a commise est la seule cause directe de son préjudice ;
- elle ne justifie pas d'un gain manqué ;
- il sollicite la condamnation de la société Siemens sur un fondement extracontractuel à lui verser la somme de 2 250,40 euros correspondant au montant des loyers versés moins la valeur réelle des matériels ; elle a commis une faute, les contrats étant nuls en raison d'une surfacturation exorbitante.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 16 novembre 2020 et 30 septembre 2021, la société Siemens Lease Services, représentée par Me Cam, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions et porter la somme que l'EHPAD est condamné à lui verser à la somme de 88 685,60 euros ou, à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats, à la somme de 72 149,55 euros sur un terrain quasi-contractuel ;
3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire n'était pas sans objet ou inutile ;
- le tribunal administratif n'a pas retenu une conception extensive du principe de loyauté des relations contractuelles ;
- les contrats n'étaient pas entachés de nullité ;
- la clause résolutoire doit être appliquée ; l'indemnité de résiliation doit lui être versée ; le cas échéant, elle pourrait être réduite à concurrence de la valeur d'occasion du matériel ;
- les loyers échus et l'indemnité de recouvrement sont dus ;
- à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats pour absence de cause, l'EHPAD a commis une faute et son préjudice s'établit au montant des loyers à percevoir moins celui des loyers payés et des pré-loyers, soit 72 149,55 euros ;
- en cas de nullité pour non-respect des règles de publicité et de mise en concurrence, elle doit également recevoir la même indemnité ;
- l'EHPAD ne démontre pas que son consentement a été vicié et l'existence des manœuvres qu'il impute à la société exposante ; les dépenses ont été utiles à l'EHPAD ; l'indemnisation est due lorsque le contrat est annulé ; le quantum de l'indemnité est justifié.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Obrero, pour l'EHPAD Les Oiseaux.
Considérant ce qui suit :
1. L'EHPAD Les Oiseaux relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 en tant que le tribunal l'a condamnée à verser à la société Siemens Lease Services les sommes de 29 710,80 euros TTC au titre des loyers échus et impayés des deux contrats de location de photocopieurs conclus entre eux en 2015 et 2016, la somme de 480 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ces deux sommes étant assorties des intérêts moratoires, et la somme de 10 948,98 euros au titre de l'indemnité de privation de jouissance. Il demande en outre à la cour de condamner la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros en réparation de son préjudice. Par la voie de l'appel incident, la société Siemens Lease Services demande à la cour de porter la somme que l'EHPAD Les Oiseaux est condamné à lui verser à la somme de 88 685,60 euros au titre des indemnités prévues par les stipulations contractuelles ou, à titre subsidiaire, si la cour constatait la nullité des contrats, à la somme de 72 149,55 euros sur un fondement quasi-contractuel.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de l'EHPAD Les Oiseaux :
2. Les conclusions de l'EHPAD Les Oiseaux tendant à la condamnation de la société Siemens Lease Services à lui verser la somme de 2 250,40 euros TTC, présentées directement devant la cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Siemens Lease Services ayant demandé au tribunal administratif de " constater l'acquisition de la clause résolutoire ", l'EHPAD a soutenu qu'elle avait elle-même résilié les contrats et que ces conclusions relevaient d'une " logique de droit privé " et étaient " sans objet devant le juge administratif ". Si l'EHPAD soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, il résulte toutefois des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal n'a pas " constaté l'acquisition de la clause résolutoire " mais a implicitement regardé, dans le cadre de son office, les conclusions de la société Siemens Lease Services comme tendant à l'application des stipulations de l'article 9 des contrats de location litigieux relatives à la clause résolutoire et a examiné dans quelle mesure cette dernière pouvait être indemnisée sur ce fondement. Il a ainsi suffisamment motivé sa décision, alors même qu'il n'a pas expressément répondu à l'argument invoqué en défense par l'EHPAD Les Oiseaux.
4. En deuxième lieu, si dans ses écritures en défense, l'EHPAD Les Oiseaux a soutenu que " les conditions générales de location ne sont signées ou paraphées ni par l'EHPAD, ni par la société Siemens ", le tribunal administratif a suffisamment répondu à ce moyen en relevant au point 7 du jugement attaqué que " l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la SAS Siemens Lease Services en signant leur première page où il est mentionné que son signataire a pris connaissance des conditions générales de location figurant à la page suivante ". Ainsi, le moyen doit être écarté.
5. Enfin, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit au motif que le tribunal administratif a fait une application erronée du principe de loyauté des relations contractuelles et que plusieurs irrégularités graves auraient dû le conduire à écarter l'application des contrats, est sans incidence sur la régularité de ce jugement et doit être écarté.
Au fond :
En ce qui concerne la nullité des contrats :
6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va toutefois autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
7. En premier lieu, une convention peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite.
8. En l'espèce, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux conclus avec la société Siemens Lease Services sont dépourvus de cause dès lors, d'une part, que ses besoins étaient amplement satisfaits et, d'autre part, que le contrat conclu en janvier 2016 concernait exactement les mêmes prestations que celui conclu en avril 2015. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que l'EHPAD Les Oiseaux disposait déjà, à la date de conclusion du premier des deux contrats litigieux, le 8 juin 2015, de huit autres photocopieurs, il est constant que ces derniers ont été loués auprès d'autres entreprises que la société Siemens Lease Services et que ces locations ont été souscrites dans des conditions différentes de celles ayant fait l'objet des contrats litigieux. De même, les trois photocopieurs loués auprès de la société Siemens Lease Services en 2015 et 2016 étaient au moins en partie différents, les conditions financières de ces deux contrats n'étant d'ailleurs pas les mêmes. En outre et en tout état de cause, la seule circonstance que la passation des deux contrats litigieux auprès de la société Siemens Lease Services a résulté d'une mauvaise appréciation de ses besoins par l'EHPAD, ceux-ci étant déjà satisfaits par les huit photocopieurs déjà loués auprès d'autres entreprises, n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder ces contrats comme dépourvus de cause, ceux-ci ayant d'ailleurs été exécutés pendant plus quelques mois sans que l'établissement n'en remette en cause l'utilité. Dès lors, le moyen tiré de la nullité des contrats litigieux en raison de leur absence de cause doit être écarté.
9. En deuxième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats de location litigieux comportent une libéralité illicite de nature à entraîner leur annulation. Il se prévaut, au soutien de ce moyen, d'un rapport sur les conditions financières de location de photocopieurs par l'EHPAD Les Oiseaux établi à sa demande le 20 juillet 2020 selon lequel, d'une part, le prix auquel la société a acheté les matériels faisant l'objet des contrats litigieux aurait été surfacturé de 258 % à 793 % par rapport à leur valeur réelle et, d'autre part, les loyers pratiqués par la société Siemens Lease Services auraient eux-mêmes été surfacturés de 458,4 % à 1 462 % par rapport aux loyers réels constatés. Toutefois, la société Siemens Lease Services a produit les factures d'achat des photocopieurs concernés de son fournisseur. Si elle ne justifie pas avoir acquitté ces factures, il n'est pas établi ni même allégué que ces factures sont fictives ou que la société Siemens Lease Services et son fournisseur se seraient entendus pour surfacturer ces achats et en répercuter le coût auprès de l'EHPAD Les Oiseaux. Ainsi, les loyers résultant des contrats litigieux n'étant pas sans rapport avec le coût d'acquisition du matériel par la société Siemens Lease Services, l'EHPAD Les Oiseaux n'est pas fondé à soutenir que les contrats de location litigieux comportaient une libéralité illicite en faveur de son cocontractant.
10. En troisième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient également que la société Siemens Lease Services a volontairement vicié son consentement lors de la signature des contrats litigieux, en lui louant en toute connaissance de cause des matériels à des prix jusqu'à quatorze fois supérieurs à leur valeur réelle, en effectuant un démarchage auprès de lui alors qu'il n'avait pas défini ses besoins et fait jouer la concurrence et en ne lui permettant pas d'avoir connaissance de l'étendue de son engagement. Toutefois, il résulte de ce qui précède que la société Siemens Lease Services ne peut être regardée comme ayant loué du matériel à l'EHPAD Les Oiseaux pour un prix jusqu'à quatorze fois supérieur à sa valeur réelle dès lors que ce prix n'est pas sans rapport avec le montant des factures d'achat de son fournisseur. En outre, si la société Siemens Lease Services a effectué un démarchage commercial auprès de l'EHPAD Les Oiseaux et lui a fait souscrire des contrats conformes à un modèle type sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence applicables, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait livrée à des manœuvres dolosives pour obtenir leur signature malgré les conditions financières particulièrement désavantageuses qu'ils impliquaient pour l'établissement. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes des contrats litigieux que l'EHPAD Les Oiseaux a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société Siemens Lease Services en signant la première page de chacun de ces deux contrats qui mentionnaient notamment que " le locataire déclare avoir pris connaissance des conditions générale de location ". Ainsi, le signataire ne pouvait ignorer le contenu et la portée des conditions générales et particulières de location. Si les parties n'ont pas paraphé les conditions générales de location et si ces conditions étaient rédigées en caractères de petite taille au verso du contrat signé, cette circonstance ne peut cependant être regardée comme ayant affecté le consentement de l'EHPAD. Par suite, le moyen tiré de ce que le consentement de l'EHPAD Les Oiseaux aurait été volontairement vicié par la société Siemens Lease Services manque en fait et doit être écarté.
11. En quatrième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que l'absence totale de publicité et de mise en concurrence préalable entache les contrats de location litigieux de nullité. Toutefois, si compte tenu de leur montant, la passation de ces contrats devait être précédée de procédures de publicité et de mise en concurrence, un tel vice, qui est d'ailleurs au moins en partie imputable à l'administration, n'est pas, en l'espèce, compte tenu de sa gravité ou des circonstances dans lesquels il est intervenu, de nature à entraîner l'annulation des contrats litigieux.
12. En cinquième lieu, l'EHPAD Les Oiseaux fait valoir que les contrats ont prévu une date de prise d'effet antérieure à leur signature, ceux-ci étant ainsi entachés de rétroactivité illégale. Toutefois, cette rétroactivité n'entraîne pas la nullité de ces contrats mais conduit seulement le juge, le cas échéant, à reporter la date d'effet des contrats litigieux lors de leur signature.
13. Enfin, en cas de divisibilité de clauses illicites d'un contrat, le juge peut régler le litige dans le cadre contractuel en écartant l'application de ces seules clauses.
14. A l'appui de sa requête, l'EHPAD Les Oiseaux soutient que les contrats litigieux comportaient plusieurs clauses illicites, en particulier une clause de reconduction tacite, une clause de cession de contrat au profit du bailleur et une clause de privation de jouissance sans rapport avec le préjudice subi par ce dernier. Toutefois, si les contrats litigieux comportaient effectivement de telles clauses illicites dans leurs articles 3, 8 et 10, celles-ci n'affectent pas l'économie générale de ces contrats, sont divisibles de ceux-ci et peuvent être écartées. Par suite, l'illégalité de ces clauses n'entraîne pas la nullité de ces contrats.
En ce qui concerne les loyers échus impayés :
15. Aux termes de l'article 9.2 des conditions générales contrats litigieux : " En cas de résiliation du contrat pour quelle cause que ce soit, le locataire restituera l'équipement sur simple demande du bailleur et versera immédiatement au bailleur, sans mise en demeure préalable, outre les loyers échus impayés et tous leurs accessoires, une indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, taxes en sus (...) ".
16. L'EHPAD Les Oiseaux soutient que cette clause est nulle en ce qu'elle conduit à accorder au bailleur une indemnité disproportionnée par rapport au préjudice subi et que le tribunal administratif ne pouvait en faire application pour l'indemniser au titre des loyers échus impayés. Toutefois, à supposer que cette clause puisse être regardée, dans son ensemble, comme conduisant à faire supporter à l'administration une indemnité disproportionnée en cas de résiliation, elle est divisible en ce qu'elle stipule, d'une part, le paiement des loyers impayés au jour de la résiliation et, d'autre part, une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin des contrats. Les modalités de calcul du tribunal administratif n'étant pas contestées en appel, le moyen tiré de ce que la société Siemens Lease Services ne pouvait être indemnisée au titre des loyers échus impayés sur le fondement d'une clause doit être écarté.
En ce qui concerne l'indemnité de privation de jouissance :
17. Aux termes de l'article 10.2 des conditions générales des contrats litigieux : " A défaut de restitution immédiate de l'équipement en fin de contrat ou après résiliation, le bailleur pourra mettre en recouvrement auprès du locataire, sans mise en demeure préalable, une somme égale au montant du dernier loyer facturé pour une période équivalente, à titre d'indemnité de privation de jouissance, sans que son paiement entraîne pour autant remise dans le bénéfice du bail (...) ".
18. Cette indemnité de privation de jouissance ne tient pas compte de la valeur résiduelle des matériels loués à la date de résiliation du contrat et donc des profits qu'il serait possible de tirer des matériels récupérés. Ainsi, elle excède le montant du préjudice subi par la société Siemens Lease Services. Dans ces conditions, la clause d'indemnisation prévue à l'article 10.2 des contrats en cause, qui est divisible des autres clauses du contrat, doit être regardée comme entachée de nullité. Par suite, son application doit être écartée.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :
19. Aux termes de l'article 14.5 des conditions générales des contrats litigieux : " Tout retard de règlement donnera également lieu de plein droit et sans qu'aucune mise en demeure ne soit nécessaire au paiement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros ".
20. Il résulte de l'instruction que la société Siemens Lease Services a sollicité le versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour chacun des six loyers impayés par l'EHPAD Les Oiseaux entre le 31 octobre 2016 et le 1er avril 2018, date à laquelle les contrats ont été résiliés. Alors même qu'il s'agit d'une indemnité forfaitaire, l'EHPAD était ainsi fondé à en demander le versement pour chacun de loyers impayés, soit au total à concurrence de la somme de 240 euros par contrat, soit 480 euros au total. L'absence de justificatif des frais de recouvrement effectivement exposés par la société Siemens Lease Services est sans incidence sur le bien-fondé de cette indemnité. Cette dernière étant fondée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à solliciter le versement des loyers échus impayés, elle était également fondée à solliciter le versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement y afférente.
En ce qui concerne les intérêts moratoires :
21. Aux termes de l'article 14.4 des conditions générales des contrats litigieux : " Toute somme due au titre du titre du contrat par le locataire au bailleur ou cessionnaire du contrat, portera intérêt au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter du jour de sa date d'exigibilité, sans qu'il soit besoin de mise en demeure, et il sera fait application de l'article 1154 du code civil ".
22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la société Siemens Lease Services étant fondée à demander le versement des loyers échus impayés, elle est également fondée à solliciter le versement des intérêts moratoires y afférents.
23. En second lieu, les intérêts moratoires stipulés à l'article 14.4 des conditions générales des contrats litigieux ne s'ajoutent pas à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement stipulée à l'article 14.5 précitée. Par suite, leur application doit être écartée en ce qui concerne cette indemnité.
En ce qui concerne l'indemnité contractuelle de résiliation :
24. Aux termes de l'article 9.2 précité des conditions générales des contrats litigieux, cette indemnité est " égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, taxes en sus (...) A titre de pénalité pour inexécution du contrat, le locataire paiera en sus au bailleur une somme égale à 10 % du montant hors taxe de l'indemnité de résiliation stipulée ci-dessus (...) ".
25. Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, l'allocation au cocontractant d'une indemnisation excédant le montant du préjudice qu'il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu'il a normalement exposées et qui n'ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat.
26. En l'espèce, l'indemnité prévue par l'article 9.2 des conditions générales des contrats litigieux ne tient compte ni des éventuelles charges dont la résiliation des contrats a dispensé la société Siemens Lease Services, ni des profits qu'il lui était possible de tirer de la location des matériels récupérés. Par suite, une telle indemnité excède le préjudice subi par cette société du fait des deux résiliations litigieuses. Cette clause d'indemnisation, qui est divisible des autres stipulations de ces contrats, doit ainsi être regardée comme entachée de nullité. La société Siemens Lease Services n'est pas donc fondée à demander le versement d'une indemnité de résiliation sur ce fondement contractuel.
27. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EHPAD Les Oiseaux est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser à la société Siemens Lease Services une indemnité de privation de jouissance d'un montant de 10 948,98 euros ainsi que des intérêts moratoires sur l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Par ailleurs, les conclusions d'appel incident de la société Siemens Lease Service doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EHPAD Les Oiseaux, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Siemens Lease Service la somme de 2 000 euros sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1804155 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 est annulé.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1804155 du tribunal administratif de Versailles du 28 mai 2020 est annulé en tant qu'il assortit la somme de 480 euros du versement d'intérêts moratoires.
Article 3 : La société Siemens Lease Services versera la somme de 2 000 euros à l'EHPAD Les Oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EHPAD Les Oiseaux et les conclusions d'appel incident de la société Siemens Lease Services sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Oiseaux et à la société Siemens Lease Services.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.
Le rapporteur,
G. CamenenLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE01761 2