Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme B... C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur enfant A... C..., ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à les indemniser des préjudices subis du fait des conditions de la naissance de leur enfant dans cet établissement. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de F... a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours.
Par un jugement n° 1600646-1601655 du 26 décembre 2018, le tribunal administratif a condamné le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à verser à M. et Mme C... la somme de 130 273 euros, ainsi qu'une rente trimestrielle au titre des frais futurs d'assistance par tierce personne, à partir du 26 décembre 2018 et jusqu'à la majorité de A... C..., et une somme de 16 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres. Il a également condamné le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à verser à E... de F... les sommes de 302 880 euros au titre des débours exposés et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un arrêt n° 19VE00730, 19VE00732 du 23 juin 2022, la cour administrative d'appel de Versailles, sur les appels du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et de M. et Mme C..., a condamné le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, d'une part, à verser à M. et Mme C... une indemnité de 298 349,45 euros au titre des préjudices subis par A... C..., deux rentes trimestrielles au titre, respectivement, des frais d'assistance par tierce personne et du coût des protections de A... C..., et la somme de 10 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres, d'autre part, à verser à E... de F... la somme de 190 716,13 euros.
Par une décision n° 466788-466885 du 2 janvier 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de pourvois présentés pour E... de F... et pour M. et Mme C..., a annulé cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de M. et Mme C... et ramène à 190 716,13 euros la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à indemniser E... de F..., et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 février, 22 mars et 3 décembre 2019, 7 janvier 2021 et 1er mars 2022, et après cassation les 24 avril et 13 mai 2024, sous le n°24VE0090, le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 1600646 - 1601655 du 26 décembre 2018 du tribunal administratif de Versailles et de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme C... et par E... de F... devant le tribunal ;
2°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par les consorts C... et par la caisse primaire d'assurance maladie de F... ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.
Le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de mise en œuvre d'une césarienne dès 20 heures 15 constituait une faute ;
- en tout état de cause, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le retard à procéder à une césarienne avait fait perdre à l'enfant une chance d'éviter tout ou partie des séquelles dont il reste atteint ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la perte de chance de l'enfant de naître sans handicap pouvait être évaluée à 80%, dès lors que les lésions neurologiques ne peuvent avoir pour seule origine le retard à pratiquer une césarienne ; le taux de cette perte de chance doit être fixé à 50% ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment informée pour fixer le taux de perte de chance, il y aurait lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
- la demande des consorts C... tendant au remboursement des frais correspondant à l'achat de deux ventilateurs doit être rejetée, faute de lien direct avec la faute commise par l'hôpital ;
- les frais d'aménagement du logement ne sauraient donner lieu à une évaluation supérieure à la somme de 7 000 euros, avant application du taux de perte de chance, faute de justification de ce que la totalité de la somme demandée correspond à des dépenses en lien avec le handicap de l'enfant ;
- c'est à bon droit que le tribunal a écarté la demande de prise en charge des frais d'hygiène pour la période de la naissance aux trois ans de l'enfant et a évalué l'indemnité due pour la période allant des trois ans de l'enfant à la date du jugement sur la base d'un coût unitaire de 0,50 euros ; les consorts C... ne justifient pas, pour la période postérieure à la date du jugement, de la réalité de l'engagement de cette dépense pendant les périodes où l'enfant était pris en charge à l'hôpital San Salvadour et ne sauraient obtenir le remboursement des frais correspondant que dans la limite des jours où l'enfant était à domicile ;
- la demande d'indemnisation des frais correspondant à l'assistance par une tierce personne présentée par les consorts C... dans leurs écritures avant cassation est excessive, le taux horaire devant être fixé par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance, en distinguant selon qu'il s'agit d'une tierce personne active ou passive, en excluant les périodes pendant lesquelles la victime a été prise en charge dans des établissements spécialisés ou à l'hôpital et alors qu'il convient de déduire l'ensemble des aides perçues par la famille pour couvrir ces frais ; aucune indemnité ne saurait être allouée pour la période antérieure aux trois ans de l'enfant, le besoin d'assistance n'étant alors pas distinct de celui de tout enfant du même âge ; pour la période du 22 mai 2006 au 22 mai 2009, il convient d'estimer que le besoin d'assistance s'élevait à trois heures par jour, tout comme pour la période de prise en charge par un institut médico-éducatif ; la rente annuelle sollicitée au titre des frais futurs est également excessive, le besoin permanent n'étant pas justifié, et alors qu'il convient également de prévoir un versement au prorata des périodes effectivement passées au domicile et de déduire le montant des aides perçues par la famille ;
- les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire subi par A... et du préjudice d'affection subi par chacun de ses parents ;
- E... de F... n'est pas recevable à demander en appel le remboursement de frais exposés antérieurement au jugement attaqué ; la réalité, le montant et le lien direct avec la faute de l'hôpital des différents frais dont le remboursement est demandé n'est pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, et après cassation, le 25 avril 2024, E... de F..., représentée par Me Bourdon, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, à la réformation de l'article 5 du jugement et à la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser une provision de 445 466,93 euros à valoir sur les dépenses de santé exposées du 23 mars 2006 au 31 décembre 2015 puis du mois de janvier 2018 au mois d'août 2021, assortie pour les sommes excédant 302 880 euros des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
2°) à titre subsidiaire, à la réformation de l'article 5 du jugement et à la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser une provision de 80 % de la somme de 445 466,93 euros, assortie pour les sommes excédant 302 880 euros des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) à ce que le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion que le CHI a été condamné à lui verser soit porté à la somme correspondant au montant maximal prévu le jour de l'arrêt à intervenir ;
4°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
E... de F... soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute de préciser que l'indemnité qui lui a été accordée a un caractère provisionnel dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de l'enfant ;
- étant auparavant dans l'incapacité d'évaluer l'intégralité des débours en lien avec la faute, elle s'est limitée devant le tribunal à demander une provision et est donc recevable à compléter sa demande en appel à hauteur des sommes exposées entre les mois de janvier 2018 et août 2021 ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le taux de perte de chance devait être fixé, compte tenu du rapport d'expertise, à 80 %.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2019, 11 août 2020, 20 janvier 2021 et 25 janvier 2022, et après cassation, un mémoire enregistré le 21 mai 2024, et un mémoire récapitulatif enregistré le 25 juin 2024, après l'invitation prévue à l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. et Mme C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de A... C..., désormais représentés par Me Abraham, avocate, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures résultant de leur mémoire récapitulatif :
1°) de rejeter la requête d'appel du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il retient un taux de perte de chance de 80 % et procède à une indemnisation définitive, et de condamner le CHI à leur verser une provision de 800 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de A... C... ainsi que le versement à eux-mêmes d'une provision de 16 000 euros chacun à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il leur octroie des indemnités à titre définitif alors qu'ils avaient sollicité une indemnisation provisionnelle dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de A... ;
- compte tenu des éléments cliniques présentés par la mère et par l'enfant, l'absence de réalisation d'une césarienne dès l'admission de Mme C... à l'hôpital le 21 mai 2003 constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHI ;
- la surveillance de la grossesse de Mme C... à compter de son admission, et l'absence d'information quant à la possibilité de réaliser une césarienne, est également fautif ;
- le retard de réalisation de la césarienne est à l'origine directe et certaine des lésions neurologiques dont est atteint l'enfant, dès lors notamment qu'aucun état antérieur à l'accouchement ne peut expliquer la souffrance fœtale ; la réparation du dommage doit dès lors être intégrale ; c'est donc à tort que les premiers juges se sont limités à retenir une réparation au titre de la perte de chance à hauteur de 80% ;
- la consolidation de la victime n'ayant toujours pas été constatée par un expert, il n'est pas possible d'évaluer définitivement les préjudices, et il y a lieu de condamner en l'état le CHI à leur verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de la victime, qui sera demandée après qu'une nouvelle expertise, sollicitée auprès du tribunal administratif de Versailles, aura constaté la consolidation et évalué l'ensemble des préjudices définitifs ; le montant de cette provision a vocation à couvrir la perte de gains professionnels futurs, qui peut être évaluée à la somme de 980 000 euros, le déficit fonctionnel permanent, qui peut être évalué à la somme minimale de 513 000 euros, le préjudice sexuel, qui peut être évalué à la somme de 15 000 euros ainsi que le préjudice d'établissement, qui peut être évalué à la somme de 50 000 euros.
II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 février 2019, 11 aout 2020, 20 janvier 2021 et 25 janvier 2022, et après cassation, un mémoire enregistré le 21 mai 2024, sous le n° 24VE0097, et un mémoire récapitulatif enregistré le 25 juin 2024, après l'invitation prévue à l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. et Mme C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de A... C..., désormais représentés par Me Abraham, avocate, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures résultant de leur mémoire récapitulatif :
1°) de réformer le jugement en tant qu'il retient un taux de perte de chance de 80 % et procède à une indemnisation définitive, et de condamner le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à leur verser une provision de 800 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de A... C... ainsi que le versement à M. et Mme C... d'une provision de 16 000 euros chacun à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;
2°) de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il leur octroie des indemnités à titre définitif alors qu'ils avaient sollicité une indemnisation provisionnelle dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de A... ;
- compte tenu des éléments cliniques présentés par la mère et par l'enfant, l'absence de réalisation d'une césarienne dès l'admission de Mme C... à l'hôpital le 21 mai 2003 constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHI ;
- la surveillance de la grossesse de Mme C..., à compter de son admission, et l'absence d'information quant à la possibilité de réaliser une césarienne, est également fautif ;
- le retard de réalisation de la césarienne est à l'origine directe et certaine des lésions neurologiques dont est atteint l'enfant, dès lors notamment qu'aucun état antérieur à l'accouchement ne peut expliquer la souffrance fœtale ; la réparation du dommage doit dès lors être intégrale ; c'est donc à tort que les premiers juges se sont limités à retenir une réparation au titre de la perte de chance à hauteur de 80 % ;
- la consolidation de la victime n'ayant toujours pas été constatée par un expert, il n'est pas possible d'évaluer définitivement les préjudices, et il y a lieu de condamner en l'état le CHI à leur verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de la victime, laquelle sera demandée après qu'une nouvelle expertise, sollicitée auprès du tribunal administratif de Versailles, aura constaté la consolidation et évalué l'ensemble des préjudices définitifs ; le montant de cette provision a notamment vocation à couvrir la perte de gains professionnels futurs, qui peut être évaluée à la somme de 980 000 euros, le déficit fonctionnel permanent, qui peut être évalué à la somme minimale de 513 000 euros, le préjudice sexuel, qui peut être évalué à la somme de 15 000 euros ainsi que le préjudice d'établissement, qui peut être évalué à la somme de 50 000 euros.
Par des mémoires enregistrés les 22 mars et 15 juillet 2019, et après cassation, le 25 avril 2024, E... de F..., représentée par Me Bourdon, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, à la réformation de l'article 5 du jugement et à la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser une provision de 445 466,93 euros à valoir sur les dépenses de santé exposées du 23 mars 2006 au 31 décembre 2015 puis du mois de janvier 2018 au mois d'août 2021, assortie pour les sommes excédant 302 880 euros des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
2°) à titre subsidiaire, à la réformation de l'article 5 du jugement et à la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser une provision de 80 % de la somme de 445 466,93 euros, assortie pour les sommes excédant 302 880 euros des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) à ce que le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion que le CHI a été condamné à lui verser soit porté à la somme correspondant au montant maximal prévu le jour de l'arrêt à intervenir ;
4°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
E... de F... soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute de préciser que l'indemnité qui lui a été accordée a un caractère provisionnel dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de l'enfant ;
- étant auparavant dans l'incapacité d'évaluer l'intégralité des débours en lien avec la faute, elle s'est limitée devant le tribunal à demander une provision et est donc recevable à compléter sa demande en appel à hauteur des sommes exposées entre les mois de janvier 2018 et août 2021 ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le taux de perte de chance devait être fixé, compte tenu du rapport d'expertise, à 80%.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2019, 7 janvier 2021 et 1er mars 2022 et, après cassation, les 23 avril et 13 mai 2024, le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1600646 - 1601655 du 26 décembre 2018 du tribunal administratif de Versailles et de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme C... et par E... de F... devant le tribunal ;
2°) de rejeter les conclusions présentées devant la cour par les consorts C... et par la caisse primaire d'assurance maladie de F... ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.
Le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de mise en œuvre d'une césarienne dès 20 heures 15 constituait une faute ;
- en tout état de cause, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le retard à procéder à une césarienne avait perdre à l'enfant une chance d'éviter tout ou partie des séquelles dont il reste atteint ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que la perte de chance de l'enfant de naître sans handicap pouvait être évaluée à 80 %, dès lors que les lésions neurologiques ne peuvent avoir pour seule origine le retard à pratiquer une césarienne ; le taux de cette perte de chance doit être fixé à 50 % ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment informée pour fixer le taux de perte de chance, il y aurait lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
- la demande des consorts C... tendant au remboursement des frais correspondant à l'achat de deux ventilateurs doit être rejetée, faute de lien direct avec la faute commise par l'hôpital ;
- les frais d'aménagement du logement ne sauraient donner lieu à une évaluation supérieure à la somme de 7 000 euros, avant application du taux de perte de chance, faute de justification de ce que la totalité de la somme demandée correspond à des dépenses en lien avec le handicap de l'enfant ;
- c'est à bon droit que le tribunal a écarté la demande de prise en charge des frais d'hygiène pour la période de la naissance aux trois ans de l'enfant et a évalué l'indemnité due pour la période allant des trois ans de l'enfant à la date du jugement sur la base d'un coût unitaire de 0,50 euros ; les consorts C... ne justifient pas, pour la période postérieure à la date du jugement, de la réalité de l'engagement de cette dépense pendant les périodes où l'enfant était pris en charge à l'hôpital San Salvadour et ne sauraient obtenir le remboursement des frais correspondant que dans la limite des jours où l'enfant était à domicile ;
- la demande d'indemnisation des frais correspondant à l'assistance par une tierce personne présentée par les consorts C... dans leurs écritures avant cassation est excessive, le taux horaire devant être fixé par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance, en distinguant selon qu'il s'agit d'une tierce personne active ou passive, en excluant les périodes pendant lesquelles la victime a été prise en charge dans des établissements spécialisés ou à l'hôpital et alors qu'il convient de déduire l'ensemble des aides perçues par la famille pour couvrir ces frais ; aucune indemnité ne saurait être allouée pour la période antérieure aux trois ans de l'enfant, le besoin d'assistance n'étant alors pas distinct de celui de tout enfant du même âge ; pour la période du 22 mai 2006 au 22 mai 2009, il convient d'estimer que le besoin d'assistance s'élevait à trois heures par jour, tout comme pour la période de prise en charge par un institut médico-éducatif ; la rente annuelle sollicitée au titre des frais futurs est également excessive, le besoin permanent n'étant pas justifié, et alors qu'il convient également de prévoir un versement au prorata des périodes effectivement passées au domicile et de déduire le montant des aides perçues par la famille ;
- les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire subi par A... et du préjudice d'affectation subi par chacun de ses parents ;
- E... de F... n'est pas recevable à demander en appel le remboursement de frais exposés antérieurement au jugement attaqué ; la réalité, le montant et le lien direct avec la faute de l'hôpital des différents frais dont le remboursement est demandé n'est pas établi.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Abraham, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., prise en charge au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Poissy Saint-Germain-en Laye, a donné naissance par césarienne dans la nuit du 22 mai 2003 à un enfant en état de mort apparente, qui a été réanimé et présente une infirmité cérébrale motrice entraînant une dépendance complète. M. et Mme C... ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France, qui a prescrit la réalisation d'une expertise. Par un avis rendu le 16 octobre 2013 sur la base de cette expertise, la CRCI a conclu que le CHI de Poissy- Saint-Germain-en-Laye avait commis une faute ayant entraîné une perte de chance de 80 % pour l'enfant d'éviter les séquelles neurologiques qu'il a subies. M. et Mme C... ont alors recherché la responsabilité du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à raison des fautes commises lors de la surveillance de la grossesse et de l'accouchement de Mme C.... Par un jugement du 26 décembre 2018, retenant un taux de perte de chance de 80%, le tribunal administratif a condamné le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à verser à M. et Mme C... la somme de 130 273 euros ainsi qu'une rente trimestrielle à verser jusqu'à la majorité de A... C..., et la somme de 16 000 euros chacun au titre des préjudices propres de M. et Mme C.... Il a également condamné le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à verser à E... de F... les sommes de 302 880 euros au titre des débours exposés et 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un arrêt du 23 juin 2022, la cour administrative d'appel de Versailles, sur les appels du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et de M. et Mme C..., a condamné ce CHI, d'une part, à verser à M. et Mme C... une indemnité de 298 349,45 euros au titre des préjudices de A... C..., deux rentes trimestrielles au titre des frais d'assistance par tierce personne et du coût des protections de A... C... et 10 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres, d'autre part, à verser à E... de F... la somme de 190 716,13 euros. Par une décision du 2 janvier 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de M. et Mme C... et ramène à 190 716,13 euros la condamnation du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à indemniser E... de F..., et a renvoyé l'affaire devant la cour.
2. Il y a lieu de joindre les requêtes d'appel formées par le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, d'une part, et par M. et Mme C..., d'autre part, pour statuer par le même arrêt.
Sur l'étendue du litige :
3. En premier lieu, M. et Mme C..., dans les mémoires récapitulatifs qu'ils ont produits le 25 juin 2024, après la cassation prononcée par le Conseil d'Etat, en réponse à l'invitation de la cour en application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, demandent à la cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il liquide de manière définitive les indemnités correspondant aux préjudices invoqués en première instance et de condamner le centre hospitalier à leur verser une provision de 800 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de A... C..., ayant vocation à couvrir la perte de gains professionnels futurs, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement, et à leur verser à chacun une provision de 16 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices propres, en précisant qu'ils entendent former une nouvelle demande indemnitaire lorsque la nouvelle expertise sollicitée auprès du juge des référés du tribunal administratif de Versailles, pour se prononcer sur la consolidation de l'état de santé de A... et sur l'évaluation de ses préjudices définitifs, aura été réalisée. Les requérants sont donc réputés avoir limité le montant des conclusions indemnitaires soumises à la cour à la demande du versement de provisions à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de A... C... et de leurs préjudices propres.
4. En deuxième lieu, lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel, la caisse ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement ou celles portant sur des prestations dont elle était dans l'impossibilité de justifier le montant avant cette date. Il n'en va différemment que si le tribunal a, à tort, omis de mettre la caisse en cause devant lui, auquel cas celle-ci peut obtenir, le cas échéant d'office, l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les préjudices au titre desquels elle a exposé des débours et présenter ainsi, pour la première fois devant le juge d'appel, des conclusions tendant au paiement de l'ensemble de ces sommes.
5. En l'espèce, E... de F..., partie aux deux instances ayant donné lieu au jugement attaqué, a demandé au tribunal le remboursement des prestations servies à A... C... du 23 mars 2006 au 10 septembre 2015. En appel, sa demande de remboursement porte également sur des prestations servies du 5 février 2018 au 12 août 2021, correspondant à des frais hospitaliers pour les périodes du 28 janvier au 5 mai 2018, puis du 31 mars 2019 au 3 avril 2019, puis pour le 2 juillet 2020, à des frais médicaux pour la période du 25 mars 2019 au 28 août 2021, à des frais pharmaceutiques pour la période du 5 février 2018 au 12 août 2021 et à des frais de transport pour la période du 16 juin 2020 au 8 avril 2021. Ses conclusions nouvelles en appel ne sont recevables qu'en ce qui concerne les prestations servies après le 26 décembre 2018, date du jugement attaqué, en l'absence de toute justification de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de faire état des frais antérieurs auparavant. Ainsi, en excluant les frais correspondant au séjour hospitalier du 21 janvier au 5 mai 2018 et en évaluant, au prorata, le montant des frais pharmaceutiques exposés pour la seule période du 27 décembre 2018 au 12 août 2021 à la somme de 3 561 euros, les conclusions présentées pour la première fois en appel par E... de F... ne sont recevables qu'à hauteur de la somme de 17 382,84 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. Il ressort de leurs écritures de première instance que M. et Mme C... ont demandé devant le tribunal une indemnisation provisionnelle des préjudices subis par leur fils et de leur préjudice propre, dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de A.... En procédant à la réparation intégrale, à titre définitif, de ces préjudices qui restaient susceptibles d'évoluer avec l'état de A..., le tribunal a statué au-delà des conclusions dont il était saisi. M. et Mme C... sont donc fondés à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Dès lors, ce jugement doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement.
7. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. et Mme C... et par E... de F....
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la faute :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 2 septembre 2013 à la demande de la CRCI d'Ile-de-France, que lorsque Mme C... s'est présentée le 21 mai 2003 à 19h30 à la maternité du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, l'intéressée a signalé à l'équipe médicale des contractions douloureuses, plus ou moins régulières, ainsi qu'une diminution des mouvements actifs du fœtus et une sensation de perte de liquide amniotique. La sage-femme a alors pratiqué un monitoring du rythme cardiaque du fœtus pendant trente minutes, dont le relevé n'a pas été produit pendant les opérations d'expertise ou en cours d'instance, mais qui a mis en évidence, d'après le rapport d'expertise, une tachycardie à 170 battements par minute avec un tracé microvolté sans aucune accélération, qui a alors conduit le médecin de garde à qualifier le rythme cardiaque du fœtus de " suspect ". L'hôpital ne conteste pas le caractère pathologique du rythme cardiaque à l'admission. Une échographie a également été réalisée à l'admission de Mme C..., pendant laquelle la sage-femme n'a relevé aucun mouvement du fœtus et a constaté une quantité insuffisante de liquide amniotique, ainsi qu'en attestent les mentions portées dans le dossier médical de la patiente, faisant état d'un anamnios et d'une absence de mouvements pendant l'examen. Le rapport d'expertise estime qu'au vu du tableau clinique ainsi présenté à l'admission, caractérisé par une diminution des mouvements actifs du fœtus, un anamnios et un rythme cardiaque fœtal anormal, une naissance rapide était nécessaire et qu'il n'était pas possible qu'elle ait lieu dans ces conditions par voie basse. Si le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye fait valoir que le dossier médical fait apparaître des mouvements du fœtus à raison d'un rythme de six mouvements par heure, de tels mouvements n'ont été constatés qu'à compter de 20h23, soit après le premier bilan de l'état qui a conduit les experts à estimer qu'une césarienne s'imposait dès 20h15. Si l'hôpital conteste également la réalité de l'anamnios, il n'apporte aucun élément de nature à contredire la pertinence des constatations opérées par la sage-femme au cours de l'échographie réalisée à l'admission de Mme C.... Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments qui traduisaient une souffrance fœtale, en ne mettant pas en œuvre la réalisation d'une césarienne à l'issue des premiers examens pratiqués après l'admission de Mme C..., le CHI de de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne la perte de chance :
9. Les experts désignés par la CRCI d'Ile-de-France ont indiqué que la pathologie cardio-respiratoire post natale extrêmement sévère de l'enfant est la conséquence d'une période prolongée de bas débit sanguin cérébral, d'une hypertension artérielle pulmonaire et d'une inhalation méconiale anténatale. Ils ont précisé dans leur rapport que les lésions cérébrales à l'origine des séquelles neurologiques se sont probablement constituées avant l'admission de Mme C..., puis pendant l'accouchement puis après la naissance. Ils ajoutent que le retard de quatre heures pour réaliser la césarienne a fait perdre à l'enfant une chance d'éviter la constitution de ces lésions, qu'ils évaluent à 80 %.
10. Si l'hôpital fait valoir que les séquelles neurologiques à l'origine du handicap de A... C... n'ont pas été causées par un défaut d'oxygénation survenu pendant l'accouchement, mais avant celui-ci, en se prévalant notamment d'avis de médecins qu'il a consultés estimant que la pathologie présentée par l'enfant à la naissance est liée à l'inhalation du liquide méconial survenue en amont de l'accouchement, le rapport d'expertise du 2 septembre 2013 a déjà pris en compte le fait que l'absence d'atteinte des noyaux gris centraux révélée par les IRM montrant que l'anoxie prénatale n'est pas survenue de façon aiguë lors de l'accouchement, mais s'est traduite par une diminution prolongée du débit sanguin cérébral, présente dès l'admission de Mme C..., et que l'enfant a inhalé du liquide méconial. Ce rapport prend également en considération le fait que les soins lourds de réanimation ont pu jouer un rôle dans la constitution des dommages.
11. En revanche, alors que CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye admet que l'enfant était en état de souffrance fœtale avant l'arrivée de Mme C... à l'hôpital, celui-ci ne fournit aucun élément précis de nature, d'une part, à contredire les affirmations du rapport du 2 septembre 2013 selon lesquelles le retard à faire naître l'enfant a pu aggraver la souffrance fœtale et empêcher d'éviter que la pathologie à l'origine de cette souffrance n'entraîne des lésions neurologiques sévères, d'autre part, à remettre en cause le taux de perte de chance proposé par ce rapport.
12. Il y a ainsi lieu d'estimer, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, que la réalisation d'une césarienne dès l'admission de Mme C... à l'hôpital aurait permis de raccourcir la durée du défaut d'oxygénation fœtale et aurait ainsi probablement permis d'éviter la constitution des lésions à l'origine du handicap de l'enfant. Il y a donc lieu d'estimer que la faute du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a compromis les chances de l'enfant de naître sans handicap, et de fixer l'ampleur de cette perte de chance à 80 %.
S'agissant de l'évaluation des différents préjudices :
Quant aux dépenses de santé :
13. Afin de respecter l'ensemble des exigences résultant de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au juge pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent. A ce titre, l'ensemble des dépenses directement liées à l'atteinte corporelle résultant de l'accident doivent être comptabilisées, qu'elles aient été prises en charge par un organisme de sécurité sociale ou soient demeurées à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice. Il convient alors de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.
14. Il résulte du relevé des débours, établi le 4 août 2017, que E... de F... a exposé pour le compte de A... C... des frais hospitaliers pour la période du 23 mars 2006 au 31 décembre 2015, des frais médicaux pour la période du 1er janvier au 13 octobre 2015, des frais pharmaceutiques pour la période du 1er janvier 2005 au 11 décembre 2015, des frais d'appareillage le 25 juin 2013 et des frais de transport pour la période du 7 au 10 septembre 2015, pour un montant total de 381 432, 26 euros. Il résulte également du relevé des débours, établi le 21 février 2022, que E... de F... a exposé pour le compte de A... C... des frais hospitaliers pour les périodes du 31 mars 2019 au 3 avril 2019, puis le 2 juillet 2020, à des frais médicaux pour la période du 25 mars 2019 au 28 août 2021, à des frais pharmaceutiques pour la période du 26 décembre 2018 au 12 août 2021 et à des frais de transport pour la période du 16 juin 2020 au 8 avril 2021, pour un montant total de 17 382,84 euros. L'ensemble de ces frais est en lien avec la faute commise par le centre hospitalier.
15. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. et Mme C... ont exposé des dépenses pour des séances de psychomotricité et d'ostéopathie, pour un montant de 3 180 euros resté à leur charge. Ils justifient également de la nécessité pour leur fils de porter des couches en raison de son incontinence, à raison de cinq par jour. Le coût total de ces fournitures, sur la période antérieure au 12 août 2021, doit être pris en compte et peut être déterminé à partir du taux unitaire de 0,92 euros, eu égard aux factures produites par M. et Mme C..., et en estimant que le besoin journalier s'élevait au nombre de 5 de 2006 à 2009, l'enfant étant alors à domicile hormis quelques heures de scolarisation par semaine, qu'il était de 2 lorsque A... était pris en charge en institut médico éducatif, du 1er septembre 2009 au 6 avril 2014, et de 5 les jours où, au cours de cette période, il restait à domicile, que le besoin s'élevait à 8 couches par semaine lorsque A... rentrait au domicile de ses parents au cours de la période où il était hospitalisé à l'hôpital San Salvadour, du 8 avril 2014 au 20 mars 2020, et qu'il était de 5 unités par jour entre le 21 mars 2020 et le 12 août 2021, période pendant laquelle il vivait au domicile de ses parents. Le coût total de ces fournitures peut donc être évalué à la somme de 16 327,44 euros jusqu'au 12 août 2021. Le montant total des dépenses de santé restées à la charge de M. et Mme C... s'élève ainsi à la somme de 19 507 euros.
16. Par suite, le montant total des dépenses de santé s'élève à la somme de 418 323 euros et celui de l'indemnité susceptible d'être mise à la charge du CHI de Poissy- Saint- Germain-en-Laye est, compte tenu du coefficient de perte de chance, de 334 658 euros. M. et Mme C... n'ayant pas, dans leur mémoire récapitulatif, demandé à être indemnisés des dépenses de santé restées à leur charge, il y a seulement lieu d'accorder à E... de F... la différence constituée entre ce total et la part qui aurait dû être attribuée par préférence à la victime, soit la somme de 315 151 euros.
Quant au préjudice d'affection des parents de la victime :
17. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu d'allouer à M. et Mme C..., au titre de leur préjudice d'affection, une indemnité provisionnelle de 16 000 euros chacun à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices propres.
Quant à l'indemnité provisionnelle sollicitée au titre des préjudices de la victime :
18. En premier lieu, le rapport d'expertise du 10 mai 2023 a estimé que le taux d'incapacité permanente de la victime ne pourrait être inférieur à 80%, compte tenu " du déficit intellectuel sévère, des troubles autistiques, des troubles moteurs, de la cécité gauche et de l'épilepsie pharmacorésistante avec risque de chute permanent ". Si ce rapport indique que les lésions à l'origine de ces symptômes sont fixées, il précise que le taux d'incapacité permanente devra être réévalué. Il y a donc lieu d'estimer que le déficit fonctionnel permanent de M. A... C... ne pourra être évalué à une somme inférieure à 336 000 euros après application du coefficient de perte de chance.
19. En deuxième lieu, eu égard au jeune âge de M. A... C..., son préjudice sexuel peut être évalué à la somme de 16 000 euros après application du coefficient de perte de chance.
20. En troisième lieu, eu égard à son handicap et à son jeune âge, la capacité de M. A... C... à réaliser un projet de vie familiale est nécessairement réduite. Le préjudice d'établissement subi peut être évalué à la somme de 80 000 euros après application du coefficient de perte de chance.
21. En quatrième lieu, lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'exercer un jour une activité professionnelle, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme présentant un caractère certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive. Il y a en principe lieu de réparer ce préjudice par l'octroi à la victime, à compter de sa majorité et sa vie durant, d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de sa majorité et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Doivent être déduites de cette rente les sommes éventuellement perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés.
22. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 10 mai 2023, que le handicap de M. A... C... le place dans l'incapacité totale et définitive d'exercer un jour une activité professionnelle. Il est, par suite, fondé à se prévaloir à ce titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de ses droits à pension. Eu égard au montant du salaire mensuel médian net, qui s'établissait en 2021, année de la majorité de M. A... C..., à 2 010 euros, le montant de son préjudice professionnel ne pourra être évalué, après application du coefficient de perte de chance, à une somme inférieure à 368 000 euros.
23. Par suite, il y a lieu d'allouer à M. et Mme C... une provision de 800 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices de leur fils A....
Sur les droits de M. et Mme C... et de E... de F... :
24. Il résulte de tout ce qui précède que E... de F... est seulement fondée à demander que le montant de l'indemnité que le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a été condamné à lui verser soit porté à la somme de 315 151 euros. E... de F... demande que la somme excédant celle de 302 880 euros, correspondant à l'indemnité accordée par le tribunal administratif de Versailles, soit assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 29 décembre 2015. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 mars 2019, date d'enregistrement de la requête d'appel présentée par E... qui formule pour la première fois en appel une demande d'indemnisation des frais exposés du 5 février 2018 au 12 août 2021. Les intérêts sur cette somme de 12 271 euros seront capitalisés à compter du 22 mars 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
25. Il résulte également de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à demander qu'une somme de 800 000 euros leur soit versée à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices de leur fils A... C... et qu'une somme de 16 000 euros leur soit versée à chacun à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs propres préjudices.
26. Si M. et Mme C... demandent que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, toute décision juridictionnelle prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts. Ces conclusions sont donc dépourvues d'objet et doivent être rejetées.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
27. Le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale a été réévalué postérieurement au jugement attaqué, il y a lieu de porter le montant de la somme allouée à ce titre par le tribunal à la somme de 1 191 euros.
Sur les frais de l'instance :
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye le versement à M. et Mme C... de la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance et à E... de F... la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600646-1601655 du 26 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Le CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à M. et Mme C..., en leur qualité de représentants légaux de A... C..., une indemnité provisionnelle d'un montant de 800 000 euros et, à chacun d'entre eux, une indemnité provisionnelle de 16 000 euros chacun à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices propres.
Article 3 : Le CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à E... de F... la somme de 315 151 euros. La somme de 12 271 euros portera intérêt à compter du 22 mars 2019. Les intérêts de cette somme échus à la date du 22 mars 2020 puis à chaque échéance annuelle éventuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion mise à la charge du CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye est porté à la somme de 1 191 euros.
Article 5 : Le CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye versera à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le CHI de Poissy Saint-Germain-en-Laye versera à E... de F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye, à M. D... C... et Mme B... C..., et à la caisse primaire d'assurance maladie de F....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
La rapporteure,
E. TROALEN La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
C. DROUOT
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 24VE00090, 24VE00097002