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11/02/2025 | FRANCE | N°20VE02032

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 11 février 2025, 20VE02032


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., épouse E..., M. D... C..., Mme H... C..., et M. F... C... agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit G... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Montreuil, de condamner l'Etat à verser la somme de 100 240 euros aux ayants droit G... C..., de 4 516 351,14 euros à F... C..., de 1 204 088,75 euros à Mme A... épouse E..., de 45 000 euros à M. D... C... et de 45 000 euros à Mme H... C..

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Par un jugement n° 1704394 du 2 juillet 2020, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse E..., M. D... C..., Mme H... C..., et M. F... C... agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit G... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Montreuil, de condamner l'Etat à verser la somme de 100 240 euros aux ayants droit G... C..., de 4 516 351,14 euros à F... C..., de 1 204 088,75 euros à Mme A... épouse E..., de 45 000 euros à M. D... C... et de 45 000 euros à Mme H... C... .

Par un jugement n° 1704394 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a ordonné une expertise pour évaluer certains chefs de préjudice subis par M. F... C..., a condamné l'Etat à verser à M. F... C... la somme de 2 854,86 euros, à verser à Mme A... épouse E... la somme de 15 432,12 euros, à verser à D... C... et H... C... la somme de 2 000 euros, et a réservé jusqu'en fin d'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas expressément statué.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2020 et 14 décembre 2022, un mémoire récapitulatif enregistré le 22 octobre 2024, et un mémoire enregistré le 18 novembre 2024, Mme E... et autres, représentés par Me Joseph-Oudin, avocat, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en ce qu'il a limité le montant des indemnités réparatrices en deçà des demandes présentées ;

2°) de condamner l'Etat à verser :

- aux ayants droit G... C... une somme de 100 240 euros ;

- à M. F... C..., une indemnité de 5 127 493,46 euros ;

- une indemnité de 425 000 euros à Mme E... ;

- une indemnité de 45 000 euros à M. D... C... ;

- une indemnité de 45 000 euros à Mme H... C....

3°) de réserver les droits indemnitaires pour les postes de préjudice sur lesquels il ne peut être statué à ce stade de la procédure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police sanitaire ; le directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé agit au nom de l'Etat ; l'agence doit évaluer les bénéfices et risques des médicaments, notamment lorsqu'un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l'évaluation initiale ;

- l'Etat doit être condamné solidairement à réparer l'entier préjudice et ne peut s'exonérer par la faute d'un tiers ;

- le risque tératogène de la Dépakine était connu dès les années 1970 ;

- il en est de même des risques de troubles neuro-développementaux ;

- un simple doute suffit pour appliquer le principe de précaution alors même que l'effet n'est pas certain ;

- ce n'est qu'en 2006 que la notice de la Dépakine le déconseille aux femmes enceintes ;

- les préjudices subis par les enfants G... et F... sont imputables à la prise de Dépakine pendant la grossesse ;

- les parents et les frères et sœurs ont subi divers préjudices en tant que victimes indirectes.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier 2022 et 10 décembre 2024, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en 1981, il n'existait pas de consensus officiel sur le lien de causalité entre la Dépakine et les troubles malformatifs ;

- le risque de retards de développement psychomoteur n'a été confirmé qu'à la fin des années 2000 ;

- il n'y a pas lieu de statuer sur les préjudices de M. D... C... et de Mme H... C..., qui ont signé un protocole transactionnel d'indemnisation ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices de souffrance, esthétique et sur du déficit fonctionnel temporaire sont irrecevables car seul le jugement avant-dire droit a été contesté ;

- l'ONIAM n'a retenu la responsabilité de l'Etat qu'à hauteur de 10 % ;

- les préjudices résultant de l'assistance par tierce-personne, le préjudice scolaire et universitaire ne sont pas en lien avec les malformations ; les requérants n'établissent pas un taux supérieur à 5 % de déficit fonctionnel permanent ; le préjudice d'agrément n'est pas établi.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2021, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, représentée par Me Schmelck, avocate, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'Agence du médicament n'a été instituée qu'en 1993 ; elle ne peut donc être mise en cause pour une période antérieure ;

- les risques tératogènes liés à la Dépakine pendant la grossesse figuraient dans le dictionnaire Vidal dès 1982.

Une mise en demeure de produire des observations a été adressée en application de l'article R.612-3 du code de justice administrative à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées Orientales le 14 avril 2021.

La requête a été communiquée à la société Sanofi. Par des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2024 et 13 décembre 2024, la société Sanofi Winthrop Industrie, représentée par Me Aviges, avocat, demande la confirmation du jugement en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices G... C... et des préjudices liés aux retards neuro-développementaux de F... C..., et l'annulation du jugement en tant qu'il a retenu une exonération de la responsabilité de l'Etat pour les troubles malformatifs de F... C..., du fait d'un tiers.

Elle soutient que :

- lors de la grossesse G..., le lien entre la Dépakine et les malformations n'était pas mis en évidence ;

- lors de la grossesse de F..., l'état des connaissances scientifiques ne permettait pas de mettre en évidence le lien entre la Dépakine et les troubles neuro-développementaux ;

- le risque de malformations figurait dans les documents d'information de 1984 et 1985 ;

- une faute d'une particulière gravité est nécessaire de la part du contrôlé pour exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité en matière de police sanitaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce; le risque de malformations figurait dans les documents d'information (dictionnaire Vidal) dès 1984.

Le mémoire récapitulatif des consorts E... ainsi que le mémoire en observations du 4 novembre 2024 de la société Sanofi Winthrop Industrie ont été communiqués à l'office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2024, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, avocate, précise qu'une procédure d'indemnisation amiable est en cours : M. F... C... et Mme H... C... ont accepté les offres de l'ONIAM les 19 et 21 février 2024. Une offre d'indemnisation est en cours d'envoi pour M. F... C... et ses parents.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2024, les consorts C... déclarent se désister de l'instance.

Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2024, la société Sanofi Winthrop Industrie demande que l'instance se poursuive en dépit du désistement des requérants.

Elle soutient que poursuivre l'instance est le seul moyen lui permettant de s'opposer au jugement qui préjudicie à ses droits.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique;

- le décret n° 82-682 du 30 juillet 1982 relatif à l'organisation de la pharmacovigilance ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Gars,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Aviges, représentant la société Sanofi Winthrop Industrie, et de Me Welsch, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées par les consorts E... :

1. Mme A..., épouse E..., née le 21 décembre 1959, souffrant d'épilepsie depuis son adolescence, a bénéficié d'un traitement de Dépakine 500 mg depuis 1978, poursuivi durant ses grossesses. Elle a donné naissance à D... C..., né le 7 juillet 1978, H... C..., née le 2 septembre 1979, à G... C..., née le 5 avril 1981 et décédée le 13 avril 1981 d'une myéloméningocèle, ainsi qu'à F... C..., né le 17 février 1985, qui présente depuis sa naissance des malformations physiques et des troubles neurologiques, cognitifs et comportementaux. Mme E..., M. D... C..., Mme H... C... et M. F... C... agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit G... C..., ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis leur demande au tribunal administratif de Montreuil, de condamner l'Etat à les indemniser des fautes commises par l'Etat dans ses activités de contrôle de la mise sur le marché de la Dépakine Chrono 500 mg. Ils relèvent appel du jugement n° 1704394 du 2 juillet 2020 en tant que le tribunal n'a pas fait droit à l'ensemble de leur demande.

2. Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2024, Mme E... et les consorts C... déclarent se désister de l'instance. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions présentées par la société Sanofi Winthrop Industrie :

3. La société Sanofi Winthrop Industrie demande la poursuite de l'instance en dépit du désistement des requérants. Toutefois, la communication de la requête d'appel à la société Sanofi Winthrop Industrie, afin de recueillir ses observations, n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'instance pouvant présenter des conclusions propres. Par ailleurs, ses conclusions tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu le fait d'un tiers pour exonérer partiellement l'Etat de son entière responsabilité ne peuvent être regardées comme s'associant à celles de l'Etat. Si la société soutient que le jugement contesté préjudicie à ses droits, il est constant toutefois qu'il ne condamne que l'Etat au paiement d'une indemnité réparant les préjudices subis par les consorts C... et ne met aucune indemnisation à la charge de la société Sanofi Winthrop Industrie. Ses conclusions, ne peuvent, par suite et en tout état de cause, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de Mme E... et autres.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Sanofi Winthrop Industrie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à M. D... C..., à M. F... C..., à Mme H... C..., au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées Orientales, à la société Sanofi Winthrop Industrie et à l'office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente-assesseure,

Mme Hameau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

La rapporteure,

A.C. Le GarsLa présidente,

F. VersolLa greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 20VE02032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02032
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Santé publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL DANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;20ve02032 ?
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