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13/02/2025 | FRANCE | N°24VE00073

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 13 février 2025, 24VE00073


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C..., née A..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office.



Par un jugement n°2310368 du 12 décembre 2023, le tribunal administratif

de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territori...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., née A..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n°2310368 du 12 décembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2024 le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

Il soutient que la décision portant refus de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que celle-ci peut bénéficier du regroupement familial.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2024, Mme C..., représentée par Me Hug, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, à titre principal, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que la décision de refus de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa vie privée et familiale se trouve désormais en France et, à titre subsidiaire, que :

- le rejet de ses conclusions de première instance méconnaîtrait le caractère exécutoire du jugement de référé qui a suspendu l'exécution de l'arrêté contesté ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée de l'examen de sa situation, dès lors qu'il n'a pas examiné la demande de regroupement familial sur place présentée par la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le préfet n'a pas fait droit à sa demande de regroupement familial sur place ;

- c'est à tort que le préfet lui a refusé le bénéfice des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa vie privée et familiale se trouve désormais en France et que les délais d'instruction des demandes de regroupement familial sont extrêmement longs ;

- la décision de refus de titre méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que son exécution aurait pour conséquence de séparer leur enfant de son père pendant une durée indéterminée ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'interruption de ses études n'a été que momentanée et indépendante de sa volonté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire ;

- cette décision est illégale, dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant refus de séjour qui est elle-même illégale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office est illégale car elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Tar a été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., née A..., ressortissante centrafricaine née le 19 juillet 1992, est entrée sur le territoire français le 16 octobre 2019, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ". Il lui a été attribué un titre de séjour en qualité d'étudiante, valable du 21 octobre 2020 au 20 octobre 2022. Le 27 septembre 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office. Par une ordonnance du 16 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de la décision de cet arrêté lui refusant un titre de séjour. Le préfet du Val-d'Oise, après avoir abrogé l'arrêté du 14 novembre 2022 et accordé à Mme C... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 16 août 2023, par un arrêté du 20 juillet 2023, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office. Par une ordonnance du 25 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de la décision de refus de séjour contenue dans ce second arrêté. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement du 12 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce second arrêté.

2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Toutefois, le moyen tiré d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait donc pas annuler l'arrêté contesté pour ce motif.

3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par Mme C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

4. Le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la situation personnelle de Mme C... est opérant, dès lors que le préfet du Val-d'Oise a examiné l'atteinte que sa décision était susceptible de porter à la vie privée et familiale de l'intéressée.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... réside en France depuis octobre 2019, qu'elle s'est mariée, le 9 juillet 2022, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 26 août 2031 avec lequel elle a eu une enfant née le 25 mars 2022. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C..., qui était inscrite à l'Institut de formation paramédicale et sociale de la Fondation œuvre de la Croix Saint-Simon pour suivre une formation d'aide-soignante du 6 septembre 2021 au 29 juillet 2022 et a dû l'interrompre en raison de sa grossesse le 24 décembre 2021, l'a reprise à compter du 31 août 2022 et a obtenu son diplôme le 14 décembre 2023. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de sa présence en France et de sa volonté d'intégration à la date de la décision attaquée, le préfet du Val-d'Oise, en lui refusant le séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée. Mme C... est donc fondée à soutenir que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour et, par suite, à demander l'annulation du refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet et également, par voie de conséquence, des autres décisions contestées, prises à son encontre.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme C..., que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 20 juillet 2023.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Val-d'Oise et à Mme B... C..., née A....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

G. TarLa présidente,

F. Versol

La greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24VE00073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00073
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET HUG & ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24ve00073 ?
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