LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
COUR DE CASSATION
BD4
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 21 juin 2023
IRRECEVABILITÉ
M. SOMMER, président
Arrêt n° 801 FS-B
Affaire n° M 23-40.007
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023
La cour d'appel de Versailles (6e chambre civile) a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 30 mars 2023 (ordonnance du conseiller de la mise en état rectifiée par ordonnance du 20 avril 2023), la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 3 avril 2023, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
1°/ la société LRMD, nouvellement dénommée Monoprix Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Monoprix, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ la société Aux Galeries de la Croisette, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ la société Monoprix exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ la société SMC et compagnie, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],
D'autre part,
1°/ la Fédération CGT commerce distribution services, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la Fédération des employés et cadres force ouvrière, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ l'établissement Fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ la Fédération nationale CFE-CGC de l'encadrement du commerce et des services, dont le siège est [Adresse 4],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Monoprix Holding, Monoprix, Aux Galeries de la Croisette, Monoprix exploitation, SMC et compagnie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération CGT commerce distribution services, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Le 11 décembre 2019, un accord relatif au travail de nuit entre 21 heures et 22 heures 30 a été signé entre les syndicats CFDT et CFE-CGC et certains établissements de l'UES Monoprix, composée des sociétés LRMD, nouvellement dénommée Monoprix Holding, Monoprix, Aux Galeries de la Croisette, Monoprix exploitation, et SMC et compagnie (les sociétés de l'UES Monoprix).
2. Le 7 février 2020, les syndicats Fédération CGT commerce distribution services et Fédération des employés et cadres force ouvrière ont fait assigner les signataires de l'accord devant la juridiction civile à l'effet d'obtenir son annulation et l'interdiction, sous astreinte, aux sociétés de l'UES Monoprix d'employer des salariés après 21 heures au sein des magasins situés hors zones touristiques internationales (ZTI) qu'elles exploitent.
3. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé l'accord litigieux et fait interdiction aux sociétés composant l'UES Monoprix d'employer, en application de cet accord, des salariés après 21 heures au sein des magasins qu'elles exploitent, situés hors ZTI, sous astreinte provisoire.
4. Le 10 mars 2021, les sociétés de l'UES Monoprix ont interjeté appel.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Par ordonnance du 30 mars 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a déclaré la question prioritaire de constitutionnalité recevable et a ordonné la transmission de la question suivante :
« La jurisprudence constante depuis 2014 de la chambre criminelle et de la chambre sociale de la Cour de cassation, retenant une interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-32) du code du travail, qui interdit de facto le recours au travail de nuit aux entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire s'agissant de l'ouverture au public de nuit, est-elle conforme à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. L'article L. 3122-1 du code du travail est applicable au litige, qui concerne la validité d'un accord collectif relatif au travail de nuit dans des sociétés exerçant l'activité de commerce alimentaire souhaitant ouvrir au public la nuit.
7. L'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu l'article L. 3122-1 du même code après cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 rendue par le Conseil constitutionnel.
8. Depuis cette décision, aucun changement de circonstances de droit n'est intervenu dans la mesure où les arrêts de la Cour de cassation (Crim., 2 septembre 2014, pourvoi n° 13-83.304 ; Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.851, Bull. 2014, V, n° 205 ; Crim., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-83.674 ; Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 18-83.074, publié ; Crim., 10 mars 2020, pourvoi n° 18-85.832 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-24.130) n'ont fait que tirer les conséquences s'inférant des limitations encadrant le recours au travail de nuit.
9. Sous le couvert de critiquer l'interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-1) donnée par la Cour, la question posée se borne à contester ces arrêts.
10. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.