LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1111 F-D
Pourvoi n° X 23-14.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
1°/ La Société touristique et thermale d'[Localité 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la Société immobilière et d'exploitation de l'Hôtel du Lac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ la société Pavlac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° X 23-14.694 contre l'arrêt rendu le 16 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la fédération des employés et cadres CGT-FO, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société touristique et thermale d'[Localité 6], de la Société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac et de la société Pavlac, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 février 2023), la Société touristique et thermale d'[Localité 6], la Société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac et la société Pavlac (les sociétés), appartenant au groupe Lucien Barrière, et les organisations syndicales ont conclu le 31 mars 2019 un accord collectif de rémunération prévoyant notamment pour leur personnel, à l'exception des personnels de jeux rémunérés au pourboire, une prime de fin d'année dite de treizième mois.
2. A la suite du premier confinement résultant de l'épidémie de la Covid-19, la direction du groupe Lucien Barrière et les partenaires sociaux ont signé le 29 mai 2020 une charte de reprise.
3. Lors du second confinement à compter du 30 octobre 2020, le directeur des ressources humaines groupe a, dans une note d'information du 4 décembre 2020, annoncé la proratisation de la prime de treizième mois pendant les périodes d'activité partielle de novembre et décembre 2020.
4. Le 15 janvier 2021, la fédération CGT des personnels de commerce, de la distribution et des services a saisi un tribunal judiciaire de demandes en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'accord collectif du 31 mars 2019 et de la charte du 29 mai 2020. La fédération des employés et cadres CGT-Force ouvrière est intervenue volontairement à la procédure.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris ses sixième et septième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches
Enoncé du moyen
6. Les trois sociétés font grief à l'arrêt de dire que l'accord d'entreprise du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 29 mai 2020 leur imposent de ne pas tenir compte des périodes d'activité partielle dans la détermination de la prime de fin d'année ou dite de treizième mois, qu'elles n'ont pas respecté les termes de l'article 5 de l'accord du 31 mars 2019 et la charte de reprise du 20 mai 2020, que ce non-respect porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, de les condamner à payer à chacune des fédérations syndicales certaines sommes à titre de dommages-intérêts, à l'exception de la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel, alors :
« 1°/ qu' un accord collectif, s'il manque de clarté, doit être interprété comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte ; que la cour d'appel ne pouvait retenir que la charte de reprise du 29 mai 2020 conclue au niveau du groupe Barrière a continué à produire ses effets en l'absence de reprise totale d'activité à compter du 30 octobre 2020 au motif que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes et que la recherche de la commune volonté des parties relève du pouvoir souverain des juges du fond ; que par ce refus d'analyser tant de la lettre du texte que son objectif social comme l'y invitaient les sociétés appelantes, la cour d'appel a violé les dispositions de la Charte de reprise ainsi que celles de l'article L. 2222-4 du code du travail, ensemble les principes qui régissent l'interprétation d'un accord collectif ;
2°/ que, d'autre part, en l'absence de disposition légale exigeant que la durée prévue soit énoncée par une stipulation expresse de l'accord collectif, celle-ci peut résulter implicitement des termes mêmes de l'accord et de son objet ; qu'il résulte des termes de la charte de reprise d'activité du groupe Barrière que son application était prévue pour faciliter la reprise "tant qu'une reprise totale ne peut pas être envisagée", un volontariat étant organisé pour cette reprise partielle et progressive" jusqu'à la reprise totale d'activité" ; qu'il apparaît ainsi que la charte a été conclue pour l'organisation de la reprise progressive d'activité qui s'est ouverte à l'issue du premier confinement, en juin 2020, et qui a pris fin avec le début du second confinement, période au cours de laquelle aucune activité n'a pu avoir lieu au sein des entreprises de l'UES du Resort Barrière d'[Localité 6] et aucun volontariat être organisé ; qu'en jugeant qu'en l'absence de reprise totale d'activité à compter du 30 octobre 2020, "la charte a continué à produire ses effets notamment s'agissant du paiement du treizième mois sans réduction de la prime du fait de l'absence d'activité en novembre et décembre 2020", la cour d'appel a fait une fausse interprétation des dispositions de la charte de reprise du groupe Barrière, qu'elle a ainsi violée ;
3°/ qu'au surplus, les dispositions conventionnelles prévues pour les périodes de reprise partielle d'activité, avec appel au volontariat supposant une égalité de traitement entre les salariés volontaires et ceux qui ne l'étaient pas, n'avaient pas vocation à s'appliquer aux périodes de fermeture totale des établissements de l'UES Resort Barrière d'[Localité 6] ; qu'en jugeant que le paiement du treizième mois était intégralement dû aux salariés sans réduction de cette prime nonobstant l'arrêt complet des activités des entreprises de l'UES d'activité au cours des mois de novembre et décembre 2020, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les conditions d'application de cet accord, a violé les dispositions de la charte de reprise du groupe Barrière ;
4°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel ne pouvait juger, comme elle l'a fait, que le paiement du treizième mois était intégralement dû aux salariés, y compris pour les mois de novembre et décembre 2020, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions des sociétés appelantes, si la charte de reprise n'imposait pas de distinguer une période de reprise progressive d'activité avec appel au volontariat de la succession d'une période de reprise progressive d'activité et d'une période d'arrêt total d'activité ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche et en jugeant que la charte de reprise du 29 mai 2020 imposait aux sociétés constituant l'UES Resort Barrière d'[Localité 6] de ne pas tenir compte des périodes d'activités partielles dans la détermination de la prime de fin d'année, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette charte de reprise du 29 mai 2020 ;
5°/ encore que la cour d'appel ne pouvait juger comme elle l'a fait que le paiement du treizième mois était intégralement dû à l'ensemble des salariés sans réduction de cette prime prorata temporis, en raison des mois d'arrêt complet des activités des entreprises de l'UES, sans rechercher comme elle était invitée à le faire si les dispositions protectrices de la charte du groupe, relative aux droits des salariés et notamment au maintien du treizième mois, n'étaient pas réservées aux salariés qui avaient fait le libre choix de ne pas reprendre leur travail, dans la seule hypothèse d'une reprise d'activité partielle et progressive avec recours au volontariat ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de la Charte de reprise du groupe Barrière. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que la charte de reprise du 29 mai 2020 était un accord collectif et relevé qu'elle ne prévoyait pas de durée et n'avait pas fait l'objet d'une révision ou d'une dénonciation et qu'elle était destinée à régler la reprise d'activité partielle fondée sur le volontariat des salariés du groupe Lucien Barrière, et ce jusqu'à une reprise totale d'activité, laquelle n'était pas intervenue immédiatement du fait du deuxième confinement imposé à compter du 30 octobre 2020, en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par le moyen pris en sa première branche et sans être tenue de procéder à la recherche invoquée par le moyen pris en sa cinquième branche que ses constatations rendaient inopérante, que cet accord avait continué à produire ses effets, notamment s'agissant du paiement aux salariés du treizième mois sans réduction, en novembre et décembre 2020.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société touristique et thermale d'[Localité 6], la Société immobilière et d'exploitation de l'hôtel du Lac et la société Pavlac aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.