LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 770 F-B
Pourvoi n° A 23-10.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
1°/ La société [N] développement, société civile, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3],
2°/ M. [I] [N], domicilié [Adresse 2], [Localité 3],
ont formé le pourvoi n° 23-10.695 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Air Midi Centre, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société [N] développement et de M. [N], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Air Midi Centre, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,18 octobre 2022), la société à responsabilité limitée à capital variable Air Midi Centre (la société AMC) a notamment pour associés la société [N] développement (la société [N]) et M. [N].
2. Le 3 avril 2018, la société [N] et M. [N] ont notifié à la société AMC qu'ils faisaient usage de la faculté de retrait prévue à l'article 15.1 des statuts et lui ont demandé de procéder au remboursement de leurs parts, sur la base des comptes de l'exercice 2018.
3. Le 21 juin 2018, l'assemblée générale de la société AMC a, par une résolution n° 6, refusé les retraits de la société [N] et de M. [N].
4. Le 16 avril 2019, la société [N] et M. [N] ont assigné la société AMC en nullité de cette résolution. La société AMC a, reconventionnellement, demandé la condamnation de la société [N] et de M. [N] à leur payer certaines sommes au titre de factures émises les 1er juin 2018 et 1er janvier 2019, et d'abonnements correspondant à des heures de vol prépayées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société [N] et M. [N] font grief à l'arrêt de dire que les effets du retrait sont différés au jour où, du fait de la souscription de parts sociales nouvelles ou d'augmentation de capital, le montant minimal du capital prévu à l'article 7.1 des statuts serait atteint, de rejeter leur demande de faire injonction à la société AMC de communiquer le bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2018, de rejeter leur demande visant à l'annulation des factures n° 18 06 00 07 et n° 19 01 00 07 et de les condamner à payer à la société AMC la somme de 234 000 euros TTC au titre des abonnements correspondant aux heures prépayées, pour la période du 1er semestre 2017 au 2ème semestre 2021, outre la somme semestrielle de 19 500 euros hors-taxes ou 23 400 euros TTC à compter du 1er semestre 2022, alors « que si chaque associé peut se retirer de la société lorsqu'il le juge convenable, les statuts peuvent néanmoins déterminer une somme au-dessous de laquelle le capital ne peut être réduit par les reprises des apports autorisés par l'article L. 231-1 du code de commerce ; que dans cette hypothèse, le retrait de l'associé est prononcé mais sans qu'il puisse récupérer immédiatement son apport ; qu'en jugeant dès lors que les effets du retrait de la société [N] et de M. [N] seraient différés au jour où, du fait de la souscription de parts sociales nouvelles ou d'augmentation de capital, le montant minimal du capital prévu à l'article 7. 1 des statuts serait atteint cependant que le retrait effectif de ces deux associés devaient être prononcé et que l'effet différé ne devait porter que sur la reprise de l'apport, la cour d'appel a méconnu les articles L. 231-5 et L. 231-6 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 231-1, L. 231-5 et L. 231-6 du code de commerce :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont d'ordre public, que, lorsque le retrait de l'associé d'une société à capital variable a pour effet de porter le capital social en-dessous du minimum statutaire, la seule restriction aux effets immédiats du retrait régulièrement donné par l'associé qui en découle est de ne pouvoir reprendre ses apports tant que le montant minimum du capital social n'est pas atteint.
7. Il s'ensuit que l'associé retrayant d'une société à capital variable cesse, à compter de son retrait, d'être soumis aux obligations découlant de sa qualité d'associé, indépendamment de la date à laquelle les conditions de la reprise de son apport seront, le cas échéant, satisfaites.
8. Pour dire que les effets du retrait de la société AMC, de M. [N] et de la société [N] seront différés au jour où le montant minimum du capital social prévu par les statuts sera atteint et les condamner, en conséquence, à payer à la société AMC des sommes au titre de factures émises les 1er juin 2018 et 1er janvier 2019 et d'abonnements correspondant aux heures prépayées pour la période allant du 1er semestre 2017 au second semestre 2021 et à compter du 1er semestre 2022, l'arrêt énonce que l'associé ayant exercé son droit de retrait conserve la qualité d'associé jusqu'à l'apurement des comptes et le remboursement éventuel de ses droits sociaux, et reste, en conséquence, tenu de son obligation aux dettes et de ses engagements vis-à-vis de la société.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que le retrait de la société [N] et de M. [N] a été valablement notifié par lettre recommandée du 3 avril 2018, reçue le 4 avril 2018, l'arrêt rendu le 18 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Air Midi Centre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air Midi Centre et la condamne à payer à la société [N] développement et à M. [N] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.