Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leur fils mineur D... A..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer le lien de causalité entre la narcolepsie-cataplexie dont souffre leur fils et le vaccin Panenza qui lui a été administré en 2010 et de condamner l'ONIAM aux entiers dépens.
Par un jugement avant-dire droit n° 1702709 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif a ordonné une expertise médicale dans le but de décrire les conditions dans lesquelles leur fils D... a été vacciné au regard de la composition du vaccin, de l'adjuvant utilisé et des recommandations officielles au moment de cette vaccination, de déterminer, si possible, la date d'apparition des premiers symptômes et de les caractériser, de se prononcer sur l'origine des complications présentées par D... A... en distinguant, le cas échéant, celles dont la cause ne serait pas imputable à la vaccination, de donner tous éléments permettant de déterminer si la vaccination de D... A... contre la grippe A pratiquée les 9 décembre 2009 et 6 janvier 2010 est directement à l'origine de la dégradation de son état de santé, de dire s'il s'agit de conséquences anormales et, le cas échéant, si celles-ci étaient, au regard de l'état de la personne comme de l'évolution de cet état, probables, attendues ou encore redoutées et enfin de déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée aux parents.
Le rapport d'expertise a été rendu le 17 juillet 2019.
Par un jugement n° 1702709 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 septembre 2020, le 21 décembre 2020, le 24 janvier 2022, le 18 novembre 2022, le 19 décembre 2022, le 6 janvier 2023, le 14 février 2023 et le 1er mars 2023, Mme C... A... et M. E... A..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leur fils alors mineur D... A..., puis M. D... A... désormais majeur, représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 ;
2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à verser à M. D... A... la somme globale de 1 122 776,06 euros ainsi qu'une rente annuelle au titre de l'assistance par une tierce personne de 2 207,14 euros ;
3°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme C... A... et M. E... A... chacun la somme globale de 25 498,21 euros ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale confiée à un expert en science du médicament en mettant à la charge de l'ONIAM les honoraires de l'expert ou, à défaut, en les réservant jusqu'en fin d'instance ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de l'ONIAM les entiers dépens, notamment les honoraires de l'expert désigné par le tribunal.
Ils soutiennent que :
- des indices graves, précis et concordants sont de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et la pathologie du jeune D... A... ;
- le régime d'indemnisation du H1N1 dans le cadre d'une mesure sanitaire s'apparente au régime de la vaccination obligatoire ;
- les conditions pour retenir le lien de causalité sont remplies dès lors que la vaccination est intervenue dans le cadre de mesures sanitaires d'urgence en 2009-2010, que les données de pharmacovigilance font état d'un sur-risque de narcolepsie en cas de vaccination par Panenza, que l'état actuel de la science ne permet pas d'exclure un risque de narcolepsie en lien avec le Panenza, que la pathologie est survenue dans un délai court et que l'enfant ne présentait pas d'antécédents ;
- ni le processus de fabrication, ni l'adjuvant du Pandemrix ne sont la cause de la narcolepsie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2020, le 19 décembre 2022, le 25 janvier 2023, 9 février 2023, le 28 février 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsch, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, les requérants ont été invités, par des courriers du 14 décembre 2023, à transmettre, le cas échéant, à la cour les justificatifs de prestations ayant pour objet d'assurer la prise en charge de l'assistance par une tierce personne.
Les requérants ont produit des pièces, enregistrées le 22 décembre 2023 et le 16 janvier 2024 qui ont été communiquées aux parties.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 4 novembre 2009 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 ;
- l'arrêté du 13 janvier 2010 relatif à la campagne de vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les 9 décembre 2009 et 6 janvier 2010, dans le cadre des mesures d'urgence sanitaire de lutte contre l'épidémie de grippe A (H1N1), le jeune D... A..., alors âgé de 5 ans, a reçu deux injections du vaccin Panenza. Dans les mois qui ont suivi, il a manifesté des somnolences diurnes. En juin 2012, le diagnostic de la narcolepsie avec des crises de cataplexie a été posé. Estimant que cette pathologie était imputable à la vaccination, M. et Mme A..., à titre personnel et en leur qualité de représentants de leur fils, alors mineur, ont adressé une demande d'indemnisation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui a été rejetée par une décision du 27 mars 2017. Ils ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement avant-dire droit du 2 octobre 2018, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juillet 2020, a ordonné une expertise médicale. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, par un second jugement du 7 juillet 2020, dont M. et Mme A... font appel, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser eux et leur fils des préjudices consécutifs à la vaccination.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité au titre de la solidarité nationale :
2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ". Aux termes de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142 22. (...) ".
3. Par un arrêté du 4 novembre 2009, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, la ministre de la santé et des sports a lancé une campagne de vaccination nationale pour permettre aux personnes qui le souhaitaient de se faire immuniser contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009. L'article 2 de l'arrêté du 13 janvier 2010 de la même ministre précise que " Toute personne vaccinée contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 par un vaccin appartenant aux stocks constitués par l'Etat bénéficie des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique ".
4. Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination effectuée dans le cadre de mesures prescrites en cas de menace d'épidémie, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il lui appartient ensuite soit, s'il en est ressorti en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.
5. Pour rejeter la demande indemnitaire de M. et Mme A..., le tribunal a jugé que le lien de causalité entre la narcolepsie-cataplexie dont souffre leur fils et la vaccination contre la grippe H1N1 ne peut pas être regardé comme établi dès lors qu'il n'existe pas de sur-risque de narcolepsie pour les enfants vaccinés avec le Panenza, contrairement à ceux ayant reçu le Pandemrix, par rapport aux cas répertoriés en France avant 2009, que le délai d'apparition de la somnolence diurne excessive, en moyenne de 1,9 mois, est inférieur au délai constaté pour le jeune D... et enfin que l'ensemble de la littérature médicale écarte un lien de causalité entre les vaccins autres que le Pandemrix et la narcolepsie, qui a pour cause, selon une étude finlandaise (dite de Vaarala) publiée en 2014, le procédé de fabrication propre au Pandemrix qui utilise un adjuvant absent de la composition du Panenza.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration du vaccin contre le virus de la grippe A (H1N1) en 2009 a été à l'origine d'une augmentation de l'incidence de la narcolepsie chez les personnes vaccinées, en particulier chez les enfants. S'il est vrai que le lien entre la vaccination et cette pathologie a seulement été démontré en France pour le Pandemrix, notamment dans l'étude dite NarcoFlu du 6 août 2012, constat qui a été confirmé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans un point d'information du 19 septembre 2013, les études existantes n'ont pas exclu toute probabilité d'un lien entre la vaccination par le Panenza et la narcolepsie. Ce lien ne peut pas davantage être écarté au seul motif que les relevés de pharmacovigilance n'ont pas permis d'identifier un sur-risque de cas de narcolepsie lié à l'injection du Panenza dès lors que, comme le font valoir les requérants, le diagnostic de cette pathologie est difficile à poser en particulier chez les jeunes enfants et que la population vaccinée avec ce produit était moins importante que celle ayant reçu le Pandemrix.
7. Ni les études publiées en 2014 qui ont mis en évidence que le procédé de fabrication spécifique au Pandemrix comportait l'utilisation d'un adjuvant AS03, composé notamment d'octoxygnol et de polysorbate 80, que ne contient pas le Panenza sauf à l'état de résidus, ni celle publiée en 2015 cherchant à expliquer la sur-incidence de cas de narcolepsie du Pandemrix par rapport au Focetria par une réaction au niveau de la nucléoprotéine du virus ne sont de nature à écarter toute probabilité d'un lien entre le Panenza et la narcolepsie. En outre, comme le font valoir les requérants, un autre vaccin, l'Arepanrix, utilisant le même adjuvant que le Pandemrix, n'a pas majoré le risque de narcolepsie. Par ailleurs, une étude sur la grippe saisonnière dont se prévalent les requérants n'exclut pas un lien entre la narcolepsie et les antigènes de la grippe, même si l'antigène impliqué dans l'hypersomnie est encore inconnu. A cet égard, le rapport d'expertise réalisé par le Dr B..., à la demande du tribunal, relève la communauté antigénique entre les vaccins Pandemrix et Panenza, lesquels, à la différence de la plupart des autres vaccins contre la grippe A, contiennent la même souche virale, et précise que l'administration de cette souche pourrait ainsi être à l'origine de l'activation de la réponse immunitaire conduisant à la destruction des neurones à hypocrétine. Cette identité de composition antigénique entre le Panenza et le Pandemrix est également mentionnée dans plusieurs rapports d'expertise, établis dans le cadre de procédures amiables devant l'ONIAM, produits par les requérants, dans lesquels les experts désignés ont précisé que la différence entre les deux vaccins tenant à l'adjuvant présent dans le second ne serait pas à l'origine de la narcolepsie, privilégiant plutôt la composition du Panenza dans la survenue de la narcolepsie au même titre que celle du Pandemrix.
8. Enfin, dans un courriel de février 2019, apportant des précisions sur une note de décembre 2016, le coordonnateur du centre de référence des maladies rares pour la narcolepsie et l'hypersomnie idiopathique, directeur du laboratoire du sommeil du CHU de Montpellier mentionne qu'en l'état des connaissances actuelles, il n'y a pas suffisamment d'arguments pour affirmer ou infirmer un lien de causalité entre la vaccination par le Panenza ou autre vaccin sans adjuvant et la narcolepsie. Si aucune étude spécifique n'établit un lien entre la vaccination par le Panenza et la narcolepsie, à l'inverse, aucune n'écarte la possibilité d'un tel lien. D'ailleurs, dans une orientation du 24 mars 2019, l'ONIAM a accepté d'examiner, au cas par cas, les demandes concernant des personnes vaccinées par le Panenza. Ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le dernier état des connaissances scientifiques ne permet pas d'exclure toute probabilité d'un lien entre la narcolepsie-cataplexie et la vaccination avec le Panenza.
9. En second lieu, il résulte de l'instruction que le jeune D... a été vacciné avec le Panenza le 9 décembre 2009, puis le 6 janvier 2010. Le carnet de santé et les pièces médicales le concernant établissent que ses parents ont consulté un médecin le 31 mars 2011 en raison d'une hypersomnie, à l'origine d'une dégradation de ses résultats scolaires, qui s'était manifestée depuis environ trois semaines. Le diagnostic de la narcolepsie associée à une cataplexie a été posé en juin 2012.
10. L'ONIAM soutient que la maladie survient généralement dans un délai inférieur à 6 mois et en tout cas n'excédant pas un an. Dans plusieurs rapports concernant des expertises amiables diligentées à la demande de l'ONIAM, les experts désignés, tout en relevant que, selon des études menées en Suède et en Finlande, la maladie pouvait se révéler jusqu'à 2 ans après la vaccination, ont préconisé de retenir un délai d'apparition de la maladie d'un an. Dans des points d'information du 20 septembre 2012 et du 18 septembre 2013, l'Agence nationale de sécurité du médicament a indiqué que le délai d'apparition chez les adolescents s'étend entre 15 jours et 15 mois, le délai moyen étant de 3,9 mois. Le délai habituel d'apparition des symptômes de la maladie peut ainsi être estimé, au vu des études produites par les requérants et en l'absence de consensus, entre 12 et 15 mois.
11. En l'espèce, la constatation médicale des premiers symptômes manifestés par M. D... A... a été faite avec certitude environ 14 mois après la première injection. En outre, les requérants se prévalent de signes précurseurs de la maladie dès le mois de janvier 2010, caractérisés par des troubles de l'alimentation. L'expert désigné par le tribunal a également relevé qu'il était possible que les différents problèmes médicaux développés par l'intéressé au cours de l'année 2010, atteignant notamment la sphère oto-rhino-laryngologique, ont pu banaliser l'asthénie et la persistance de la sieste postprandiale. Enfin, le coordonnateur du centre de référence des maladies rares pour la narcolepsie et l'hypersomnie idiopathique du CHU de Montpellier, saisi du cas du jeune D..., a, pour sa part, considéré, dans un certificat médical du 26 août 2020, que l'imputabilité de sa pathologie au Panenza, bien que non démontrée, ne pouvait être exclue en tenant compte notamment de l'apparition des symptômes de la narcolepsie dans les 14 mois suivant l'injection et de ceux de la cataplexie dans les 26 mois suivant celle-ci. Dans ces conditions et compte tenu du caractère insidieux de la manifestation de la maladie chez un jeune enfant, les premiers symptômes doivent être regardés comme survenus dans le délai habituel d'apparition de la narcolepsie mentionné au point précédent. Il résulte de l'instruction que l'enfant n'avait aucun antécédent avant sa vaccination et qu'aucune autre cause n'est invoquée pour expliquer la maladie, qui en principe survient plus tardivement chez les jeunes enfants. De plus, comme le font valoir les requérants, les critères de Brighton, auxquels se réfère l'ONIAM, sont remplis dès lors que l'enfant présente une somnolence diurne sévère, des phases de cataplexie, des latences moyennes d'endormissement de 5,8 minutes et un taux d'hypocrétine nettement inférieur à la limite basse.
12. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a écarté le lien de causalité entre la narcolepsie de M. D... A... et la vaccination par le Panenza. Il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant le tribunal et la cour.
13. Il n'est pas contesté que l'enfant D... A... a été vacciné contre la grippe A, dans le cadre de la campagne de vaccination nationale contre le virus de la grippe A (H1N1) de 2009 et qu'il souffre d'une narcolepsie-cataplexie de type 1 diagnostiquée en juin 2012. Celle-ci doit, ainsi qu'il a été exposé aux points 5 à 11, être regardée comme imputable à l'injection du vaccin Panenza. Par suite, les requérants sont fondés à solliciter l'indemnisation des dommages subis du fait de cette vaccination au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique.
En ce qui concerne les préjudices de M. D... A... et de ses parents :
14. Si les requérants demandent à la cour de fixer la date de consolidation de l'état de santé de M. D... A... au 1er juillet 2017, l'expert n'a pas retenu cette date et se borne à mentionner, en page 9 de son rapport, que l'état de santé de l'intéressé était stabilisé lorsqu'il l'a examiné le 18 février 2019. De plus, certaines des pièces médicales produites et, notamment, des bilans annuels font ressortir une amélioration de l'état de santé de la victime postérieurement à cette date. Ainsi, dans un certificat médical du 30 juin 2021, le neurologue qui suit l'intéressé a relevé que le traitement mis en place a amélioré la vigilance, que les siestes deviennent plus rares et ne sont réalisées que si le programme scolaire de l'après-midi est prolongé, que le sommeil de nuit est correct, avec de courts réveils. Le responsable de l'unité de sommeil de l'hôpital femme-mère-enfant de Bron mentionne, le 22 juillet 2021, des cataplexies rares, à raison de moins d'une crise par mois. Eu égard à ces éléments, la cour n'est pas en mesure, en l'état, d'apprécier l'étendue des préjudices de M. D... A... et de ses parents, en particulier concernant la date de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent et le besoin d'assistance. C'est pourquoi, avant de statuer sur leurs conclusions indemnitaires, il y a lieu d'ordonner une expertise pour déterminer l'ensemble des préjudices en lien avec la vaccination.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'ONIAM est condamné à indemniser les dommages résultant de la vaccination de M. D... par application de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique.
Article 3 : Une expertise médicale est ordonnée. L'expert spécialisé en neurochirurgie désigné par la présidente de la cour aura pour mission de :
1°) Prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. D... A... ainsi que de l'expertise datée du 17 juillet 2019 réalisée par le Dr B... ;
2°) Se faire communiquer tous documents concernant l'état de santé de M. D... A... et, en particulier, tous documents relatifs au suivi dont il a fait l'objet, notamment par des spécialistes ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. D... A... ;
3°) Décrire les conséquences de la narcolepsie et de la cataplexie pour M. D... A... concernant les actes du quotidien et son cursus scolaire et universitaire, ainsi que les éventuelles conséquences professionnelles ;
4°) Dire à quelle date l'état de M. D... A... peut être regardé comme consolidé ;
5°) Préciser les préjudices patrimoniaux (en particulier le besoin d'assistance par une tierce personne en dissociant le besoin quotidien et celui nécessaire pour la scolarité et les études, l'incidence professionnelle, le préjudice scolaire et universitaire) et les préjudices extra-patrimoniaux (notamment les périodes de déficit fonctionnel temporaire, en indiquant les dates et le taux, les souffrances endurées avant consolidation, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément avant et après consolidation et le préjudice esthétique avant et après consolidation).
Article 4 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre M. D... A..., M. E... A..., Mme C... A..., l'ONIAM et la CPAM du Bas-Rhin. L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit et déposera son rapport dans le délai fixé par la présidente de la cour dans la décision le désignant.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme C... A..., à M. D... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la CPAM du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUXLe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC02559 2