Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentante légale des jeunes D..., F... et A... E..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 août 2022 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer aux jeunes D... et F... E... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2216133 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, Mme C... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentante légale des jeunes D..., F... et A... E..., représentée par Me Gangloff, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, le versement de la même somme à son profit en cas de non-admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Mme B... soutient que :
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune G..., ressortissante ivoirienne née le 27 mai 2014, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée le 27 novembre 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Les jeunes F... et D... E..., nées respectivement les 3 juin 2007 et 27 mai 2009, qu'elle présente comme ses sœurs, ont déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire), qui a rejeté cette demande par des décisions du 2 août 2022. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. Mme B..., représentante légale des jeunes F... et D... E..., a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 30 octobre 2023 de ce tribunal rejetant sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Abidjan, sur les circonstances, d'une part, que le lien familial avec le réfugié ne correspond pas à l'un des cas permettant d'obtenir un visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale et, d'autre part, que les déclarations des demandeuses de visas conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale.
3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Ces dispositions, issues de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, permettent à un réfugié d'être rejoint au titre de la réunification familiale par certains membres de sa famille, qui ont en outre le droit à une carte de résident en application de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou en sont dispensés parce qu'ils sont mineurs, sans que le bénéfice de ce droit soit soumis aux conditions de régularité et de durée préalable du séjour, de ressources et de logement qui s'appliquent au droit des étrangers séjournant en France à être rejoints par leur conjoint ou par leurs enfants mineurs au titre du regroupement familial, en application des articles L. 432-2 et suivants de ce code. Elles ont été complétées par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie pour permettre, lorsqu'un enfant mineur sollicite la réunification familiale avec ses parents restés à l'étranger, que ceux-ci soient accompagnés des enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective.
5. Les jeunes F... et D... E..., nées en 2007 et 2009, ont sollicité la délivrance d'un visa pour rejoindre en France leur sœur, la jeune A... E..., qui a obtenu le statut de réfugiée et dont la mère réside déjà en France. Toutefois, elles n'entrent pas dans le champ de la réunification familiale telle qu'elle résulte de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B... a fait valoir en première instance, comme en appel, qu'elle est séparée de ses enfants et qu'il est de l'intérêt supérieur de ces derniers de la rejoindre en France. A cet égard, elle produit le jugement du tribunal de première instance de Yopougon du 26 novembre 2021 lui ayant délégué l'autorité parentale sur ses deux filles à la demande de leur père. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père des enfants ne pourrait poursuivre leur éducation et leur entretien en Côte d'Ivoire, pays dans lequel les demandeuses de visas ont toujours vécu. En outre, si Mme B... soutient être locataire d'un appartement de type 3 d'une surface de 66 m², elle est employée en contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une rémunération mensuelle d'environ 400 euros, et ne fait ainsi pas état de ressources suffisantes et stables permettant d'accueillir ses deux enfants en plus de sa fille avec laquelle elle réside en France. Par ailleurs, alors que Mme B... a quitté son pays d'origine en 2019, les quelques preuves de versement d'argent à un tiers ainsi que d'échanges électroniques avec sa fille ainée, postérieurs à la décision contestée, ne permettent pas d'établir qu'elle entretenait une relation matérielle et affective avec ses deux enfants à la date de la décision contestée. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui n'a pas été admise au statut de réfugiée, serait empêchée de rendre visite à ses deux enfants en Côte d'Ivoire ou dans un pays tiers avec sa fille A.... Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03607