Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS SODI a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 2 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 20 juillet 2017 ayant accordé l'autorisation de licencier Mme A..., a retiré cette décision de l'inspecteur du travail et a refusé l'autorisation de licencier Mme A....
Par un jugement n° 1804975 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de la ministre du travail du 2 mai 2018 en tant qu'elle refuse d'autoriser le licenciement de Mme A....
Procédure devant la cour avant cassation et renvoi :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021 et régularisée le 3 février 2021, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 16 mai 2022 et non communiqué, Mme B... A..., représentée par Me Bouchair, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804975 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées pour la société SODI ;
3°) de mettre à la charge de la société SODI une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- le jugement attaqué, qui retient une solution contraire à celle retenue précédemment par le même tribunal et par la cour à propos, non seulement de sa situation, mais également celle d'autres salariés de la même société OFP Maintenance affectés à la même activité, méconnait dès lors le principe d'égalité ainsi que l'autorité de la chose jugée ;
- son contrat de travail a été transféré de plein droit dans le cadre de la reprise de l'activité de la société OFP Maintenance par la société SODI, sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce qui fait obstacle à une autorisation de licenciement.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2021, la SAS SODI, représentée par la SCP Pechenard et Associés, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SODI soutient que :
- les jugements et arrêts précédemment rendus à propos de Mme A... et d'autres salariés l'ont été sans qu'elle ait été appelée en la cause, pour des litiges entre d'autres parties, et ne lui sont donc pas opposables, le principe d'égalité étant par ailleurs inopérant en la matière ;
- elle ne peut être regardée comme ayant bénéficié du transfert d'une entité économique autonome relevant précédemment de la société OFP Maintenance.
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut :
1°) à l'annulation du jugement n° 1804975 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) au rejet des conclusions à fin d'annulation présentées pour la société SODI.
La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion soutient que c'est à juste titre qu'elle a constaté qu'il y avait eu transfert d'activité, ce que le tribunal a écarté à tort.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2022, la SAS OFP Maintenance, agissant par son liquidateur la société Ortec industrie, représentée par Me Moatti, présente des observations.
Elle expose qu'il n'y a eu aucun transfert d'activité.
Par un arrêt n° 21LY00260 du 30 juin 2022, la cour a annulé le jugement n° 1804975 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble, rejeté les conclusions de la société SODI tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 2 mai 2018 en tant qu'elle refuse d'autoriser le licenciement de Mme A..., et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par une décision n° 467107 du 5 juin 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité de la cour et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour après cassation et renvoi :
Par un mémoire complémentaire après cassation et renvoi enregistré le 17 juillet 2024, la SAS SODI, représentée par la SELAS Pechenard et Associés agissant par Me de Oliveira, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Par un mémoire complémentaire après cassation et renvoi enregistré le 17 juillet 2024, Mme B... A..., représentée par Me Bouchair, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que l'autorisation de licenciement est irrégulière en l'absence de consultation de la commission territoriale de l'emploi prévue par la convention collective de la métallurgie pour rechercher les possibilités de reclassement.
Un mémoire complémentaire, produit pour la SAS SODI et enregistré le 31 octobre 2024, n'a pas été communiqué en l'absence d'élément nouveau.
Par ordonnance du 2 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2024 à 16h30.
Par un courrier enregistré le 18 octobre 2024, la société OFP Maintenance, représentée par Me Moatti, a indiqué que par jugement du 1er septembre 2022 le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert sa liquidation judiciaire et désigné comme mandataire la SAS Les Mandataires agissant par Me de Carrière.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- les observations de Me Bouchair, représentant Mme A...,
- et les observations de Me de Oliveira, représentant la société SODI.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes d'un contrat à durée indéterminée conclu le 2 septembre 2013, Mme A... était employée par la société OFP Maintenance en qualité de secrétaire administrative sur le site de Pont-de-Claix. Elle était par ailleurs membre du comité d'entreprise, devenu le comité social et économique, et bénéficiait à ce titre d'une protection contre le licenciement en application de l'article L. 2411-1, 3° du code du travail. Saisi par la société OFP Maintenance d'une demande d'autorisation de licencier Mme A..., fondée sur une cessation totale et définitive d'activité, l'inspecteur du travail de l'unité départementale de l'Isère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône-Alpes y a fait droit par décision du 20 juillet 2017. Saisie d'un recours hiérarchique, la ministre chargée du travail l'a rejeté tacitement. Par décision du 2 mai 2018, la ministre a toutefois retiré sa décision tacite précitée ainsi que la décision de l'inspecteur du travail, avant de refuser l'autorisation de licenciement. Cette décision se fonde sur le constat d'un transfert de l'activité principale de la société OFP Maintenance à la société SODI, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de Mme A... ayant dès lors vocation à être transféré à cette dernière société. Par le jugement attaqué du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par la société SODI d'une demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle précitée du 2 mai 2018, y a fait droit en tant qu'elle refuse d'autoriser le licenciement de Mme A.... Par un arrêt du 30 juin 2022, la cour a annulé ce jugement et rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées pour la société SODI. Enfin, par une décision du 5 juin 2024, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.
Sur la recevabilité de la requête :
2. La requête n'est pas irrecevable au seul motif que, par jugement du 1er septembre 2022, au demeurant postérieur à son enregistrement le 26 janvier 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a désigné un mandataire à la liquidation de la société OFP Maintenance sans que Mme A... lui ait signifié la procédure.
Sur la portée des décisions de justice rendues dans d'autres instances antérieures :
3. En premier lieu, si par jugement n° 1801227-1804628 du 1er février 2019, confirmé par ordonnance de la cour n° 19LY01249 du 18 avril 2019 devenue définitive, les conclusions de la société OFP Maintenance tendant à l'annulation de la décision ministérielle en litige du 2 mai 2018 ont été rejetées, cette décision de rejet ne bénéficie pas de l'autorité absolue de la chose jugée. Sa méconnaissance ne peut ainsi être utilement invoquée dans la présente instance, qui oppose des parties différentes.
4. En second lieu, Mme A... ne peut utilement soutenir que le tribunal, à qui il appartenait d'appliquer la loi, aurait méconnu le principe d'égalité au motif que des contentieux intéressant d'autres salariés de la société OFP Maintenance auraient connu une solution différente.
Sur la légalité du refus d'autorisation de licenciement :
5. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : / (...) / 3° Membre élu du comité d'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 1224-1 du code précité : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". L'article L. 1224-1 du code du travail trouve à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie par le nouvel employeur. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.
7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, si une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé pour un motif économique peut légalement être fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il incombe toutefois à l'inspecteur du travail de tenir compte, à la date à laquelle il se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui seraient de nature à faire obstacle au licenciement envisagé. Si, notamment, la cession des droits et biens de l'entreprise s'est accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, une telle circonstance fait obstacle au licenciement demandé.
8. Il résulte tout d'abord de ses statuts, dans leur version mise à jour le 1er octobre 2006, que la société OFP Maintenance a été créée par les sociétés ORTEC industrie, Fouré Lagadec Rhône-Alpes et Ponticelli frères, avec pour objet la réalisation de travaux d'entretien et de maintenance générale des secteurs isocyanate et ECS de l'usine Rhodia sur le site chimique de Pont-de-Claix. Il est constant qu'elle a bénéficié à cet effet de contrats régulièrement renouvelés lui confiant la réalisation de telles missions. Elle exerçait ainsi jusqu'en 2017 une activité stable et continue ayant un objet précisément déterminé, au moyen d'une équipe et de moyens spécialement dédiés. Cet ensemble organisé ayant une identité propre doit être regardé comme constituant une entité économique autonome. La circonstance que son périmètre d'intervention a pu être ajusté en 2010 et en 2016, sans remettre en cause la nature de son activité ni la cohérence de son organisation, est sans incidence sur la persistance d'une telle entité économique autonome.
9. Ensuite, la société Vencorex, qui a repris dans le dernier état l'activité chimique industrielle du site de Pont-de-Claix, a lancé en 2016 une procédure d'appel d'offres pour le renouvellement du contrat de maintenance précité. En mars 2017, ce contrat a été confié à la société SODI, qui exerce une activité générale de nettoyage industriel et de maintenance industrielle. En l'absence d'autre activité significative, la société OFP Maintenance a pour sa part cessé toute activité.
10. Enfin, il résulte du contrat de maintenance conclu entre la société Vencorex et la société SODI, et notamment de son article 5 consacré aux moyens mis en œuvre par les parties, que la société SODI est chargée, pour les besoins des opérations de maintenance, de mettre en place des moyens humains et matériels à cet effet, outre les matériels, notamment informatiques, et outillages mis à sa disposition par la société Vencorex. L'annexe D de ce contrat précise que la société Vencorex met à disposition de la société SODI des locaux et des équipements, la société SODI étant pour le reste chargée de fournir ses mobiliers, ses installations, ses véhicules, ses marchandises et ses matériels et il lui appartient de louer le cas échéant tous locaux complémentaires qui lui seraient nécessaires. Par ailleurs, l'article 8. 2. 1 du cahier des charges précise que les locaux mis à disposition par la société Vencorex correspondent à quelques bureaux et sanitaires, ainsi qu'à des locaux à usage d'ateliers. Des équipements informatiques compatibles sont également mis à disposition et des équipements additionnels peuvent ponctuellement être remis pour des besoins spécifiques. En revanche, l'article 8. 2. 2 précise la liste, substantielle, des équipements que l'entreprise chargée de la maintenance générale doit mettre à disposition, qui correspondent à l'essentiel des équipements requis pour les opérations de maintenance. Pour le surplus, la société Vencorex prend en charge les seules fournitures industrielles au stade de chaque intervention. Il résulte des indications concordantes fournies par les sociétés OFP Maintenance et SODI que cette dernière n'a pas directement acquis de matériels ou d'équipements auprès de la société OFP Maintenance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des équipements additionnels auraient effectivement été mis à disposition de la société SODI par la société Vencorex. La société SODI établit au contraire qu'elle a dû, au moment où elle a pris en charge l'activité de maintenance, assurer des investissements pour un montant total significatif de 815 876,99 euros, afin d'acquérir les moyens matériels nécessaires, sous la forme de camions et véhicules, d'un hangar, de nombreux matériels et d'outillages. Elle établit qu'elle a dû également engager des frais de location de plusieurs véhicules et de bungalows pour disposer de bureaux et sanitaires suffisants, pour un montant mensuel de 23 619,47 euros. En dernier lieu, la société SODI n'a embauché que 9 salariés sur les 40 employés par la société OFP Maintenance. Ainsi, la société SODI, même si elle a bénéficié de la mise à disposition par la société Vencorex de locaux non équipés et de quelques matériels informatiques ponctuels et a recruté quelques salariés précédemment employés par la société OFP Maintenance, ne peut être regardée comme ayant bénéficié de manière directe ou indirecte du transfert de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la reprise par la société SODI du marché de maintenance industrielle précédemment dévolu à la société OFP Maintenance ne peut être regardée comme s'étant accompagnée du transfert d'une entité économique autonome. Le tribunal a dès lors pu juger que c'est par erreur de droit que, pour refuser l'autorisation de licenciement en litige, la ministre chargée du travail s'est fondée sur le seul motif tiré de ce que l'activité à laquelle se rattache le contrat de travail de Mme A... aurait fait l'objet d'un transfert au sens des dispositions précitées de l'article L. 1224-1 du code du travail.
11. En second lieu, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. Mme A... n'a dès lors pas qualité à faire valoir que le refus d'autorisation de licenciement aurait pu subsidiairement se fonder sur l'absence de consultation de la commission territoriale de l'emploi prévue par la convention collective de la métallurgie pour rechercher les possibilités de reclassement.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 2 mai 2018 en tant que la ministre chargée du travail a refusé l'autorisation de licenciement au motif que l'activité aurait été transférée.
Sur les frais de l'instance :
13. La société SODI n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions dirigées contre elle par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société SODI sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la SAS SODI, à la ministre du travail et de l'emploi et à la SAS Les Mandataires agissant par Me Vincent de Carrière liquidateur de la SAS OFP Maintenance.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01717