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17/07/2025 | FRANCE | N°23NC02181

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 17 juillet 2025, 23NC02181


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Actif Façade a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxes assises sur les salaires mis à sa charge au titre des années 2017 à 2019 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années.



Par un jugement n° 2203382 du 9 mai 2023, le tribunal adminis

tratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Actif Façade a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxes assises sur les salaires mis à sa charge au titre des années 2017 à 2019 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années.

Par un jugement n° 2203382 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, la SARL Actif Façade, représentée par Me Philipp, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxes assises sur les salaires mis à sa charge au titre des années 2017 à 2019 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années.

Elle soutient que :

- les avoirs remis en cause par l'administration, au titre des années 2017 à 2019, correspondent à la perte de créances sur des clients devenues irrécouvrables compte tenu de leur ancienneté et de litiges en cours ;

- la remise en cause d'une charge exceptionnelle de 13 533 euros dans les écritures de l'exercice clos en 2019, constatée pour rectifier les erreurs commises par l'expert-comptable ayant affecté la comptabilisation de l'acquisition de ce véhicule pour un montant de 19 976 euros, sous la forme d'un crédit-bail, et de sa revente pour un montant de 20 500 euros, sous la forme de prestations de services de façade, implique corrélativement une déduction de 15 000 euros de son résultat imposable au titre de l'exercice 2018 dès lors qu'elle a été imposée sur la totalité de la revente du véhicule et non pas seulement sur la plus-value ;

- les rehaussements de taxes assises sur les salaires sont contestés par voie de conséquence des rehaussements de l'assiette des cotisations sociales résultant de deux contrôles de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ;

- elle ne doit supporter ni les intérêts de retards, ni la majoration de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts en cas de dépôt tardif d'une déclaration, ni la majoration de 40 % sanctionnant, en application de l'article 1729 du même code, un manquement délibéré dès lors que les redressements en litige résultent d'erreurs ou de négligences imputables à son ancien expert-comptable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête, qui ne comporte pas de moyens d'appel, est irrecevable et que les moyens soulevés par la société Actif Façade ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cyrielle Mosser rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Actif Façade, qui réalise des travaux d'isolation et de ravalement de façades, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 8 avril 2021, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale l'a informée qu'elle envisageait de mettre à sa charge, notamment, des compléments de taxes assises sur les salaires au titre des années 2017 à 2019 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des mêmes années, s'élevant à la somme totale de 46 450 euros en droits et 7 715 euros de pénalités. Par un courrier du 16 septembre 2021, la société Actif Façade a partiellement contesté ces impositions. Par une décision du 28 mars 2022, l'administration fiscale a maintenu l'intégralité des impositions contestées. La société requérante relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

3. Comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la SARL Actif Façade n'a pas formulé d'observations dans le délai de soixante jours qui lui était imparti à compter de la réception le 19 avril 2021 de la proposition de rectification du 8 avril 2021 lui notifiant les rehaussements en litige. Par suite, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la preuve du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste lui incombe.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

4. En premier lieu, en vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature ". Il résulte des dispositions combinées de ces deux articles, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment les pertes sur les créances devenues définitivement irrécouvrables à la clôture d'un exercice postérieur à celui de leur naissance. La déductibilité, au titre d'un exercice, d'une perte résultant d'une créance n'est possible que si celle-ci présente un caractère certain et définitif à la clôture de cet exercice. Le caractère irrécouvrable d'une créance est subordonné à la preuve, qu'il incombe au contribuable de rapporter, d'une part, de l'accomplissement de diligences et de démarches conduites en vue de leur recouvrement et demeurées infructueuses et, d'autre part, de l'insolvabilité des débiteurs.la déductibilité, au titre d'un exercice, d'une perte résultant d'une créance n'est possible que si celle-ci présente un caractère certain et définitif à la clôture de cet exercice. Le caractère irrécouvrable d'une créance est subordonné à la preuve, qu'il incombe au contribuable de rapporter, d'une part, de l'accomplissement de diligences et de démarches conduites en vue de son recouvrement et demeurées infructueuses et, d'autre part, de l'insolvabilité des débiteurs.

5. A l'issue des opérations de contrôle, le service vérificateur a remis en cause des avoirs non justifiés comptabilisés dans les écritures des exercices clos en 2017, 2018 et 2019, s'élevant respectivement aux sommes de 59 397 euros, 35 031 euros et 84 184 euros.

6. Si la société requérante persiste à soutenir en appel que ces avoirs correspondent à l'annulation de créances clients et donc à la comptabilisation, en pertes déductibles, de créances devenues irrécouvrables compte tenu de leur ancienneté ou des litiges qui l'oppose à certains de ses clients, elle n'établit pas, ni même n'allègue, avoir tenté sans succès de recouvrer ces créances. En outre, comme l'avaient déjà relevé les premiers juges, elle n'apporte aucun élément précis ou probant de nature à établir l'insolvabilité de ses clients débiteurs. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré ces sommes dans les résultats des exercices en litige.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". Les surtaxes et rectifications appelées à être compensées par application de ces dispositions doivent concerner un même contribuable, se rapporter à un même impôt et se rapporter à une même période d'imposition.

8. S'agissant de l'impôt sur les sociétés, la compensation demandée par un contribuable entre un redressement dont il a fait l'objet et une surtaxe commise à son préjudice ne peut être opérée que si le redressement et la surtaxe se rapportent au même exercice. Par conséquent, la SARL Actif Façade n'est pas fondée à demander, sur le fondement de l'article L 205 du livre des procédures fiscales, la compensation entre la surtaxe commise à son préjudice au titre de l'année 2018, au demeurant non établie en l'absence de toute pièce justificative, et la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, résultant du rehaussement de son résultat imposable au titre de l'année 2019.

En ce qui concerne les taxes assises sur les salaires :

9. La SARL Actif Façade se borne à indiquer qu'elle conteste les rehaussements de taxes assises sur les salaires, concernant la taxe d'apprentissage et la participation à la formation professionnelle continue, par voie de conséquence de sa contestation des rehaussements de l'assiette des cotisations sociales résultant de deux contrôles de l'URSSAF. Cependant, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision ni d'aucun justificatif sur la nature et les conséquences des rehaussements opérés par l'URSSAF. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités et majorations :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le bien-fondé des rehaussements contestés ayant été établi, la société Actif Façade n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard, non plus que des majorations de 10 %, ayant assorti les impositions en litige. Pour faire obstacle à l'application de ces majorations, et notamment de la majoration de 10% qui s'applique en cas de défaut de production des déclarations dans les délais prescrits, la société requérante ne saurait utilement invoquer les erreurs qu'aurait commises son expert-comptable et qui seraient, selon elle, à l'origine des rehaussements litigieux.

11. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

12. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, d'un montant de 50 262 euros au titre de l'exercice 2018, l'administration fiscale a retenu que la société requérante avait délibérément omis de réintégrer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les véhicules de sociétés constatés lors d'un précédent contrôle fiscal ayant porté sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, dont l'appelante connaissait parfaitement la non-déductibilité puisqu'elle en avait été informée par la proposition de rectification du 29 août 2017 qui lui avait été adressée dans le cadre de ce contrôle. Le service constatait également que les rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les véhicules de sociétés figuraient dans les charges de la société au titre de l'exercice 2018 mais n'avaient pas été réintégrés extra-comptablement sur la liasse fiscale n° 2058A qu'elle avait déposée. Ce faisant, le service établit l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt. A cet égard, la société Actif Façade ne saurait utilement soutenir que ses retards déclaratifs et les irrégularités fiscales qu'elles a commises sont imputables à son expert-comptable, ce qui n'est au demeurant pas établi, dès lors que les déclarations sont souscrites sous la seule responsabilité du dirigeant. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les rectifications en litige de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL Actif Façade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Actif Façade est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Actif Façade et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02181 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02181
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : PHILIPP DOMINIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23nc02181 ?
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