Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable qu'il a formé contre la décision du 25 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision.
Par un jugement n° 2000755 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2022 M. A... B..., représenté par Me Putman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er avril 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable qu'il a formé contre la décision du 25 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la nature, de l'ancienneté et de la gravité des infractions commises ;
- le motif tiré de son défaut d'insertion professionnelle n'est pas de nature à permettre de fonder légalement la décision contestée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais né le 19 octobre 1969, a sollicité l'acquisition de la nationalité française auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis qui, par décision du 25 mai 2018, a rejeté cette demande. Le recours préalable contre cette décision, formé par M. B..., a été implicitement rejeté par le ministre de l'intérieur. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement de ce tribunal du 1er avril 2022 rejetant sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte notamment l'intégration de l'intéressé dans la société française et les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur s'est fondé, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision du préfet de Seine-Saint-Denis, sur les condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet en 2007 et en 2010.
4. Le tribunal a estimé que, compte tenu de la nature, de l'ancienneté et de la gravité des infractions commises, le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Le jugement doit être confirmé, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué.
5. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre a fait valoir en première instance un nouveau motif fondé sur le défaut d'insertion professionnelle stable de l'intéressé.
6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France. Pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, l'autorité administrative ne peut se fonder ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.
8. En l'espèce, M. B... est employé en tant que chef de chantier à temps partiel à raison de 17,50 heures hebdomadaire depuis le 1er juin 2017, soit seulement environ 16 mois à la date de la décision contestée. Si l'intéressé fait valoir que la pathologie grave dont il a été affecté en 2016 lui interdit désormais d'exercer une activité à temps complet, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a exercé aucune activité professionnelle en 2014, 2015 et 2016, soit avant ses problèmes de santé et qu'il bénéficiait encore en 2017 du revenu de solidarité active. Par suite, son récent contrat de travail à temps partiel ne permettait pas de considérer que l'intéressé avait pleinement réalisé son insertion professionnelle. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne se fondant que sur ce seul motif. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le ministre de l'intérieur, qui ne prive M. B... d'aucune garantie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de M. B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLe rapporteur,
La présidente,
C. BUFFETLe greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03212