Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes-Auray à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle d'une infection nosocomiale. Par un jugement n° 1304328 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a donné acte à Mme A... du désistement de sa requête et condamné le centre hospitalier Bretagne Atlantique à verser la somme de 40 339,60 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et la somme de 1 206 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne au titre des débours exposés par elles en raison de l'infection nosocomiale subie par la victime, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un arrêt n° 16NT00148 du 26 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le centre hospitalier Bretagne Atlantique contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 21 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier Bretagne Atlantique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge des caisses primaires d'assurance maladie du Morbihan et du Lot-et-Garonne la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du centre hospitalier Bretagne Atlantique Vannes-Auray et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a subi le 25 juin 2008 au centre hospitalier universitaire de Rennes un changement de prothèse au genou gauche. Elle a ensuite été admise le 7 juillet au centre de rééducation fonctionnelle mutualiste de Kerpape, où elle a fait, le 23 juillet, une chute accidentelle qui a lésé son genou gauche. Elle a enfin été transférée le 20 août suivant au service de rééducation du centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes-Auray, où une ponction réalisée le 29 septembre 2008 a révélé une infection par staphylocoque qui a imposé le retrait de la prothèse.
2. Saisi par Mme A... dans le cadre d'un recours indemnitaire dirigé contre le centre de rééducation fonctionnelle de Kerpape, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Lorient a ordonné une expertise aux fins de déterminer, notamment, les préjudices résultant pour elle de l'accident du 23 juillet 2008. Au vu de ce rapport d'expertise déposé le 14 mars 2012, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier Bretagne Atlantique, fondée sur le caractère nosocomial de son infection à staphylocoque, avant de se désister de sa demande en cours d'instance. Par un jugement du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a donné acte à Mme A... de son désistement, a admis le caractère nosocomial de l'infection et a condamné le centre hospitalier Bretagne Atlantique, sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à indemniser les caisses primaires d'assurance maladie du Lot-et-Garonne et du Morbihan des prestations versées par celles-ci à la victime. Le centre hospitalier Bretagne Atlantique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 janvier 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.
3. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'infection dont Mme A... avait été victime engageait la responsabilité du centre hospitalier Bretagne Atlantique, la cour administrative d'appel a pris en compte les conclusions du rapport d'expertise du 14 mars 2012 dans lequel l'expert, se bornant sur ce point à renvoyer à l'opinion du sapiteur, concluait que : " ... le mécanisme le plus probable est celui d'une inoculation de dehors en dedans à partir d'une fistule interne qui se serait constituée en septembre 2008. / Cette inoculation s'est révélée à un séjour hospitalier à l'hôpital d'Auray mais elle est considérée comme liée aux soins compte tenu de la nature du germe retrouvé ".
5. En prenant ainsi en compte les éléments d'un rapport d'une expertise ordonnée, ainsi qu'il a été dit au point 2, dans le cadre d'un autre litige, qui ne constituaient ni des éléments de pur fait non contestés par les parties ni des appréciations corroborées par d'autres éléments du dossier, la cour administrative d'appel a, alors même que ce rapport avait été soumis au débat contradictoire devant elle, méconnu les principes rappelés au point 3 et commis une erreur de droit. Le centre hospitalier Bretagne Atlantique est par suite fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance-maladie du Lot-et-Garonne et de la caisse primaire d'assurance-maladie du Morbihan une somme de 1 500 euros chacune à verser au centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes-Auray au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes-Auray, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande, au même titre, la caisse primaire d'assurance-maladie du Morbihan.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne et la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan verseront la somme de 1 500 euros chacune au centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes-Auray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan au titre des mêmes dispositions sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier Bretagne Atlantique, à la caisse primaire d'assurance malade du Morbihan, à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, au centre de rééducation fonctionnelle de Kerpape et à Mme B... A....