Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société CAP Consultance a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette (SIAHVY) à lui payer une somme de 31 008 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché de prestation de régularisation des rejets des eaux usées sur le parc d'activité de Courtabœuf, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1808612 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné le SIAHVY à verser à la société CAP Consultance une somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 30 juillet 2018 au titre du solde du marché.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2020 et 21 mai 2021, la société CAP Consultance SAS, représentée par la Selarl Pintat Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le SIAHVY à lui verser la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix ;
3°) de condamner le SIAHVY au paiement des intérêts moratoires, soit la somme de 9 747,13 euros en cas de paiement au 30 novembre 2020 ;
4°) de mettre à la charge du SIAHVY la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS CAP Consultance soutient que :
- le jugement est irrégulier pour insuffisance de motivation ;
- le marché subséquent à l'accord-cadre, passé le 7 avril 2014, devait faire l'objet d'une révision des prix dès lors que le caractère révisable des prix du marché est prévu dans l'article 3 du CCAP de cet accord-cadre ; par ailleurs il ressort des termes de l'article 2.1 de ce CCAP que l'accord-cadre a pour objet de définir les termes s'appliquant aux marchés subséquents ; ainsi les dispositions financières du CCAP de l'accord-cadre s'appliquent à chaque marché subséquent ;
- l'article 8-2 du CCAP prévoit une révision annuelle des prix et l'article 8-3 prévoit les modalités de révision ;
- ne pas appliquer la révision des prix au marché priverait de portée la clause de révision prévue au CCAP ; par ailleurs, le référentiel des prix de l'accord-cadre ne peut être regardé comme fixant un socle de prix plafond, comme le soutient le SIAHVY ; les prix du référentiel étant révisables, ceux prévus au marché qui sont déterminés d'après ce référentiel doivent être aussi regardés comme révisables ;
- l'appréciation faite par le tribunal est contraire aux principes de la commande publique ;
- les sommes demandées ont été calculées conformément aux dispositions de l'article 8.3 du CCAP, soit la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires soit la somme de 9 747,13 euros toutes taxes comprises.
- l'appel incident du SIAHVY sera rejeté dès lors qu'elle a reçu paiement de la somme de 4 112,72 euros.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2021, le SIAHVY, représenté par Me Israël, avocat, conclut au rejet de la requête et demande par un appel incident la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la SAS Cap Consultance la somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 30 juillet 2018 et que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- le marché subséquent a été passé à prix fermes, en application de l'article 10.1.1 du CCAGFCS la clause de révision des prix ne s'applique qu'aux seuls prix unitaires prévus dans le référentiel à l'accord-cadre ; le prix des marchés subséquents reste donc ferme en l'absence de toute stipulation contractuelle ; par ailleurs, une application aux marchés subséquents aurait pour effet une méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats ; l'accord-cadre a pour objet de déterminer le montant des offres et non de permettre une révision des prix des marchés déjà conclus ;
- aucun aléa majeur n'est présent dans ce type de contrat, tel que prévu par l'article 18 du code des marchés publics ; enfin le prix du marché est plafonné par le référentiel de prix ; il n'est pas interdit par le code des marchés de ne prévoir aucune clause de révision ;
- la somme de 9 747,13 euros calculée au titre de la révision des prix est inexacte en ce qu'elle prend pour point de départ la date du 20 novembre 2014 au lieu de prendre pour point de départ le 30 juillet 2018 ;
- la somme de 4 112,72 euros a déjà été réglée à la société requérante de sorte que le jugement doit être réformé sur ce point.
Par ordonnance du 9 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2022 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;
- le décret 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- les observations de Me Derrien pour la société CAP Consultance et de Me Israël pour le SIAHVY.
Une note en délibéré, présentée pour le SIAHVY, a été enregistrée le 23 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par lettre de consultation du 24 janvier 2014, le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette (SIAHVY) a sollicité les titulaires de l'accord-cadre, conclu le 10 juin 2013 avec un groupement d'entreprises constitué notamment de la société CAP Consultance, en vue de la réalisation de prestations de régularisation des rejets d'eaux usées sur le parc d'activité de Courtabœuf. L'acte d'engagement de ce marché subséquent à l'accord-cadre, et portant le n° 12, a été notifié au groupement le 7 avril 2014, pour un montant total de 473 833 euros hors taxes finalement ramené à la somme de 422 981,11 euros hors taxes. La date de fin d'exécution a finalement été fixée au 30 avril 2018.
2. Par un courrier du 9 juillet 2018, le SIAHVY a notifié à la société CAP Consultance le décompte général relatif à ce marché, pour un montant de 416 476,19 euros hors taxes. Par un mémoire en réclamation du 25 juillet 2018, reçu le 30 juillet 2018, la société CAP Consultance, agissant en qualité de mandataire du groupement, a contesté ce solde au motif qu'il n'intégrait pas les sommes dues au titre de la révision des prix. Le SIAHVY a rejeté cette réclamation par lettre du 5 octobre 2018, indiquant que les prix fixés dans les marchés subséquents devaient être réputés fermes et que la formule de révision prévue à l'accord-cadre ne s'appliquait pas à ces marchés. Par un jugement du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné le SIAHVY à verser à la société CAP Consultance la somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux contractuel, au titre du solde du marché et rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix. La société CAP Consultance forme appel en demandant que le SIAHVY soit condamné à lui verser la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix, assortie des intérêts moratoires pour un montant de 9 747,13 euros. Le SIAHVY conclut au rejet de la requête et demande la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux contractuel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment répondu, aux points 7 et 8, au moyen tiré de l'absence de révision des prix du marché subséquent en se référant aux stipulations de l'accord-cadre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la demande de condamnation à verser la somme de 26 895,28 euros au titre de la révision des prix :
5. Aux termes de l'article 18 du code des marchés publics : " I.-Sous réserve des dispositions de l'article 19, un marché est conclu à prix définitif. / II.-Un prix définitif peut être ferme ou révisable. / III.-Un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché. Toutefois, il est actualisable dans les conditions définies ci-dessous. / Un marché est conclu à prix ferme dans le cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs les parties au marché du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d'exécution des prestations. / Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il prévoit les modalités d'actualisation de son prix. (...) / Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services courants, il peut prévoir que son prix pourra être actualisé selon des règles identiques à celles mentionnées ci-dessus (...) ".
6. Aux termes de l'article 3-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l'accord-cadre " diverses études en assainissement et rivière " du 10 juin 2013, les pièces contractuelles relatives à l'accord cadre comprennent : " Le cahier des clauses administratives, commun à l'accord-cadre et aux marchés subséquents ". Aux termes de l'article 8-1 du même CCAP : " Les prix issus du référentiel sont réputés comprendre toutes les dépenses et sujétions résultant de la réalisation des prestations ". Aux termes de son article 8-3 : " La révision prévue est effectuée par application aux prix unitaires du référentiel d'un coefficient (a) de révision, donné par la formule : a = 0,125 + 0,875 x Im1 / Im0 dans laquelle: Im0 : index ICHTrev TS du mois "m0" (mois d'établissement des prix de l'accord-cadre = mois de la date limite de remise des offres d'accord-cadre) ; Im1 : index ICHTrev TS du mois "m1" (mois d'établissement de la révision) ".
7. Par ailleurs, l'article 2-1 du CCAP prévoit que : " le présent accord-cadre a pour objet de définir les termes régissant les marchés subséquents à passer au cours de la période définie à l'article 4 du présent document (...) ". L'article 8-3 de ce CCAP mentionne aussi que : " (...) Le maître d'ouvrage procédera au mandatement de la révision définitive en fin de marché (...) ". Et aux termes de l'article 9-3 du même CCAP, le montant de l'acompte fait ressortir, notamment : " (...) l'incidence de la révision des prix appliquée, conformément aux stipulations de l'accord-cadre, sur la différence entre les décomptes périodiques respectivement de la période (P) et de la période précédent (...) " et le montant du solde mentionne : " (...) l'incidence de la révision des prix appliquée sur le montant du solde ci-dessus (...) ".
8. Il résulte de la combinaison des stipulations mentionnées aux points 6 et 7 que l'article 8 de ce CCAP, en prévoyant que le référentiel des prix fait l'objet d'une formule de révision qui s'appuie sur le mois d'établissement des prix de l'accord-cadre et que la révision est effectuée par application aux prix unitaires du référentiel de cet accord-cadre, définit les conditions dans lesquelles les prix des marchés subséquents sont arrêtés au moment de leur passation. Toutefois, les stipulations rappelées au point 7, en précisant que l'accord-cadre s'applique aux marchés subséquents, et que le maître d'ouvrage procède à la révision des prix d'un décompte à l'autre ainsi que pour la détermination du solde du marché, indiquent que cette révision des prix s'applique aussi en cours d'exécution du marché, et par suite aux prix fixés dans les marchés subséquents, pendant leur exécution et non pas uniquement lors de leur passation.
9. Dès lors, la société CAP Consultance est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de faire application de la clause de révision au marché subséquent passé le 7 avril 2014. Il sera ainsi fait droit à la demande de la société requérante de versement de la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises selon la formule de calcul prévue par l'accord-cadre, au titre de la révision des prix, selon un calcul au demeurant non contesté par le SIAHVY.
En ce qui concerne les intérêts moratoires :
10. Aux termes de l'article 39 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat (...) ". Aux termes de l'article 9-4 du CCAP de l'accord-cadre : " Le délai maximum de paiement est fixé en application de l'article 98 du Code des marchés publics annexé au décret n°2006-975 du 1er août 2006 modifié. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice. ".
11. Le SIAHVY fait valoir que la société requérante ne justifie pas avoir demandé l'application de la clause de révision des prix à chacune des 31 situations où elle a demandé le paiement des prestations réalisées et qu'il faut prendre en compte le 30 juillet 2018 correspondant à la date à laquelle la société requérante a demandé pour la première fois l'application de la clause de révision des prix. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 10 que les intérêts moratoires, auxquels ne s'applique pas la règle de la réclamation préalable au maître de l'ouvrage, sont dus à la société requérante sur les sommes auxquelles elle a droit au titre du marché en cause, nonobstant le fait qu'elle n'en a pas fait la demande préalable au SIAHVY. Dès lors c'est à bon droit que la société requérante a calculé les intérêts moratoires dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de chacune de ses factures ou situations transmises au SIAHVY. Il sera ainsi fait droit à la somme de 9 747,13 euros toutes taxes comprises demandée par la société requérante, somme à parfaire pour la période postérieure au 30 novembre 2020, en prenant comme date de calcul des intérêts un délai de trente jours à compter de la date de réception de chaque situation de travaux.
Sur l'appel incident du SIAHVY :
12. Le SIAHVY demande l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la société requérante la somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, en faisant valoir qu'il avait déjà réglé cette somme le 9 avril 2019, avant que le jugement ne soit rendu public, le 15 juin 2020. Ce paiement n'étant pas contesté par la société requérante à la date indiquée, sa demande tendant au paiement du solde du marché était dépourvue d'objet. Il y a donc lieu d'annuler le jugement en tant qu'il condamne le SIAHVY à payer cette somme à la société requérante et de constater qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur cette demande de paiement.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Le SIAHVY étant la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'il présente sur ce fondement. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre la somme de 1 500 euros à la charge du SIAHVY à verser à la société CAP Consultance en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Cap Consultance tendant au paiement de la somme de 4 112,72 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché.
Article 3 : Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette est condamné à verser à la société CAP Consultance la somme de 26 895,28 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix ainsi que la somme de 9 747,13 euros au titre des intérêts moratoires, somme à parfaire pour la période postérieure au 30 novembre 2020.
Article 4 : Le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette versera la somme de 1 500 euros à la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société CAP Consultance et au syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique de la vallée de l'Yvette.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
Le rapporteur,
J-E. PILVENLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE02029 2