Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, ainsi que le refus implicite de son recours gracieux et indemnitaire.
Par un jugement n° 2002067 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2022, Mme A..., représentée par Me Lor, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 994,97 euros en réparation de ses préjudices financier et moral ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir ;
- l'illégalité de cet arrêté lui a causé un préjudice financier et moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Lor, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée par contrat à durée déterminée afin d'exercer les fonctions de juriste assistante, au tribunal de grande instance de Versailles, du 1er septembre 2017 au 31 juillet 2018, puis à la cour d'appel de Versailles, du 1er septembre 2018 au 31 août 2021. Par un arrêté du 18 novembre 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Mme A... a présenté un recours gracieux, réceptionné le 11 décembre 2019, tendant au retrait de cet arrêté et à l'indemnisation des préjudices subis. Le silence du garde des sceaux, ministre de la justice, sur ce recours gracieux a fait naître une décision implicite de rejet le 11 février 2020. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et indemnitaire.
Sur l'arrêté prononçant le licenciement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 45-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. "
3. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
4. Si Mme A... soutient que son travail a été apprécié des magistrats, il ressort toutefois des échanges de courriels qu'en dépit des remerciements adressés et des points positifs relevés, des reprises de projets après erreurs ou oublis étaient également nécessaires. Il résulte de l'instruction que Mme A..., qui a bénéficié de deux journées de formation les 4 et 11 octobre 2018, notamment sur la méthodologie de rédaction des arrêts, a été affectée à une nouvelle chambre en mars 2019, à la suite de difficultés, afin de lui permettre de retrouver un contentieux déjà traité lors de son affectation au tribunal de grande instance. En dépit de cette nouvelle affectation, il ressort notamment du courriel du 15 mai 2019 de la présidente de cette dernière chambre, que si le travail de Mme A... ne rendait pas impossible la poursuite de son contrat, il était néanmoins " très moyen ", et pas à la hauteur de celui rendu par certains assistants de justice, alors que Mme A... a été recrutée en qualité de juriste assistante, agent contractuel de catégorie A, ayant pour mission d'assister les magistrats dans les dossiers d'une particulière technicité, tant sur le fond du droit qu'en ce qui concerne l'analyse juridique et la rédaction des projets de décision. Par ailleurs, le compte-rendu de l'entretien professionnel de l'année 2018 qualifie d'insuffisants plusieurs items de compétence professionnelle, notamment la maîtrise dans le domaine d'activité, la qualité de l'expression écrite, la capacité à s'investir dans ses fonctions, le sens du service public et l'engagement professionnel. Dans ces conditions, en considérant que la qualité du travail rendu par l'intéressée ne correspondait pas à celle attendue d'une juriste assistante, le garde des sceaux, ministre de la justice, a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, prononcer le licenciement de Mme A... pour insuffisance professionnelle.
5. En second lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
6. En l'absence d'illégalité de l'arrêté du 18 novembre 2019 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, Mme A... ne peut se prévaloir d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices financier et moral subis en raison de son licenciement doivent par conséquent être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
A.C. LE GARSLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22VE00222