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03/07/2024 | FRANCE | N°24DA00807

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 24DA00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 6 février 2024 portant transfert aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2401633 du 15 mars 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en lui délivrant une attestation de demande d'asile et condamné l'Etat à verser une somme

de 1 200 euros au titre des frais de justice.

Procédure devant la cour :

I - P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 6 février 2024 portant transfert aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2401633 du 15 mars 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en lui délivrant une attestation de demande d'asile et condamné l'Etat à verser une somme de 1 200 euros au titre des frais de justice.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 26 avril 2024 sous le numéro 24DA00807, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'insuffisance de motivation, de vices de procédure, d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 3 et 17 du règlement 604/2013 et L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2024, M. B..., représenté par Me Marion Vergniole, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que l'arrêté est entaché de défaut d'examen, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3, 5, 17 et 35 du règlement 604/2013 et 4 de la directive 2013/32.

M. B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 5 juin 2024.

II - Par une requête enregistrée le 14 mai 2024 sous le numéro 24DA00923, le préfet du Nord demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'insuffisance de motivation, de vices de procédure, d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 3 et 17 du règlement 604/2013 et L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2024, M. B..., représenté par Me Marion Vergniole, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que l'arrêté est entaché de défaut d'examen, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3, 5, 17 et 35 du règlement 604/2013 et 4 de la directive 2013/32.

M. B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 5 juin 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit " règlement Dublin III " ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- et les observations de Me Guirsh, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Eu égard au niveau de protection des libertés et droits fondamentaux dans un Etat membre de l'Union européenne et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes d'un demandeur quant à un défaut de protection en Croatie sont présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

3. Des documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile ne sauraient suffire à établir que le transfert d'un demandeur d'asile vers un pays membre de l'Union européenne serait, par lui-même, constitutif d'une atteinte grave au droit d'asile. Il appartient au préfet d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

4. Si la Commission européenne a adressé à la Croatie une mise en demeure en 2015 puis un avis motivé en 2017 lui demandant de mettre en œuvre intégralement l'enregistrement des empreintes des demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière, cette procédure a été classée en 2021. Aucune autre procédure d'infraction n'a été engagée à l'encontre de la Croatie en ce qui concerne la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs.

5. M. B... invoque l'existence de défaillances systémiques en Croatie, en particulier au détriment des ressortissants afghans, dans la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs et quant à des refoulements vers la Bosnie.

6. Toutefois, M. B... s'est borné, d'une part, à invoquer des articles de presse et rapports rédigés en termes généraux, non produits à l'instance pour être soumis au contradictoire et dont la pertinence de la méthodologie ne ressort pas des pièces du dossier, d'autre part, à indiquer avoir été " violenté par les forces de police " lors de son passage en Croatie et en avoir gardé " des séquelles physiques et psychologiques ", sans assortir ce récit d'aucune précision, alors qu'il a déclaré ne pas avoir de problème de santé lors de l'entretien individuel en novembre 2023 et alors que le certificat médical de février 2024 s'est borné à évoquer une cicatrice à une cheville et le stress éprouvé à l'idée de retourner en Croatie.

7. Dans ces conditions, l'arrêté n'a pas violé les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 du règlement 604/2013.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

9. Le résumé de l'entretien individuel du 20 novembre 2023 indique qu'il a été mené à la préfecture du Nord, avec le concours d'un interprète, par " un agent qualifié de la préfecture du Nord " et comporte un tampon de la préfecture du Nord et la signature de son auteur. Toutes les rubriques du résumé ont été renseignées et ni la complétude ni l'exactitude des informations données n'a été contestée. Les brochures réglementaires ont été remises lors de cet entretien. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'entretien n'a pas été mené par un agent qualifié en violation des articles 4 de la directive 2013/32 et 5 et 35 du règlement 604/2013 doit être écarté.

10. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen sérieux des éléments relatifs à la situation de l'intéressé alors portés à sa connaissance.

11. Pour les raisons exposées aux points 2 à 7, les moyens tirés de la violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

12. M. B..., ressortissant afghan, n'est pas accompagné par son épouse et son enfant. Dans ces conditions, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation y compris au regard de l'article 17 du règlement 604/2013.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif a annulé son arrêté.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

14. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

15. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. La demande présentée par M. B... et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 mars 2024 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... à fin d'annulation, à fin d'injonction et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24DA00923.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... B... et à Me Marion Vergnole.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Marc Heinis, président de chambre,

M. François-Xavier Pin, président assesseur,

M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. A...

Le président-assesseur,

Signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : Sophie Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°24DA00807, 24DA00923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00807
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;24da00807 ?
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