Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 février 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n°2302956 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Anne Mannessier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que le préfet s'est prononcé au regard de la disponibilité du traitement approprié à son état de santé en République démocratique du Congo alors qu'il est originaire de la République du Congo ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2025, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit d'observation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 28 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant congolais né le 28 mai 1994 à Brazzaville, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 22 septembre 2016. Le 5 mai 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 février 2023, le préfet du Nord a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, pour soutenir que la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation, M. C... fait valoir que le mémoire en défense présenté par le préfet du Nord devant le tribunal administratif de Lille développe une argumentation sur la disponibilité du traitement nécessaire à son état de santé en République démocratique du Congo alors qu'il est originaire de la République du Congo. Toutefois, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui indique que M. C... est né à Brazzaville au Congo et qui se fonde notamment sur un avis émis le 15 septembre 2022 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel mentionne également la nationalité congolaise (Brazzaville) de l'intéressé, que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. C....
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Pour refuser d'accorder à M. C... la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable un an, le préfet du Nord a notamment fondé son appréciation sur un avis émis le 15 septembre 2022 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), selon lequel si l'état de santé de l'intéressé rend nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a entendu lever le secret médical, souffre de troubles de stress post-traumatique complexe, d'intensité sévère avec idées suicidaires et bénéficie d'un traitement médicamenteux et d'un suivi psychiatrique. Pour soutenir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République du Congo, M. C... invoque le coût des soins, la vétusté des infrastructures de santé et le manque de formation du personnel médical.
7. Toutefois, en se bornant à se prévaloir d'un article de presse et d'une publication d'un centre de santé situé à Brazzaville, faisant état, en des termes généraux, des insuffisances du système de santé en République du Congo, M. C... n'apporte aucun élément propre à sa situation personnelle qui serait de nature à l'empêcher d'accéder effectivement aux soins dont il a besoin alors qu'il ressort des éléments produits par l'OFII en première instance que les médicaments prescrits à M. C... sont disponibles dans son pays d'origine et qu'un suivi psychiatrique y est également possible au centre hospitalier de Brazzaville. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que sa pathologie est partiellement liée à des événements traumatisants vécus en République du Congo, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance, à la supposer établie, ne permettrait pas la mise en place d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
8. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever l'illégalité de la décision attaquée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
10. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise qu'il n'est ni allégué, ni établi que M. C... pourrait être soumis à des traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine ou que sa vie ou sa liberté y seraient menacées. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
12. En second lieu, si M. C... fait valoir que sa pathologie est partiellement liée à des événements traumatisants vécus en République du Congo, il ne ressort pas des pièces qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'il ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever l'illégalité de la décision attaquée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui se borne à invoquer sa prise en charge médicale en France, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 20 avril 2018 à laquelle il n'a pas déféré. Par ailleurs, il n'apporte aucun élément permettant de démontrer l'intensité de ses liens en France, ni n'établit être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine.
16. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une interdiction de retour en France d'un an.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Me Anne Mannessier.
Copie en sera adressée au préfet du Nord et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
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Délibéré après l'audience publique du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24D01907