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23/07/2024 | FRANCE | N°23NC02438

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 23NC02438


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.



Par un jugement n° 23

02146 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2302146 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Kling, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il vit en France avec son épouse et leurs deux enfants et que son épouse a obtenu la protection subsidiaire ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

- la décision emporte des conséquence d'une exceptionnelle gravité sur sa vie personnelle et familiale ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.

Par une ordonnance du 25 septembre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2023.

Des pièces produites pour M. B... ont été enregistrées le 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né en 1988, est entré irrégulièrement en France le 9 mai 2019. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2019. Après avoir présenté une demande de titre de séjour pour raison de santé le 6 août 2019, à laquelle il n'a pas donné suite, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 29 septembre 2021 sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de la présence régulière de son épouse et de ses enfants en France. Par un arrêté du 21 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 5 juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2023 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. B... se prévaut de la présence régulière en France de son épouse et de leurs deux enfants nés en 2016 et 2020. Il se prévaut de sa vie commune avec ces derniers. Toutefois, si son épouse bénéficie de la protection subsidiaire, M. B... n'établit pas de la réalité d'une vie commune, les deux conjoints résidant notamment à deux adresses différentes. M. B... ne se prévaut d'aucun lien privé en France en dehors de son épouse et de leurs deux enfants ni d'aucune insertion sociale. Par ailleurs, outre ce motif de refus, la préfète du Bas-Rhin a précisé que l'épouse du requérant peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ce dernier au titre de la réunification familiale, prévue aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, eu égard au caractère récent de l'arrivée en France de M. B... et de l'absence de vie commune du couple et de l'absence de preuve d'intégration dans la société française, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et méconnu les dispositions et stipulations rappelées au point précédent.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. Eu égard à ce qui a été énoncé au point 3, M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui permettre de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Ainsi qu'exposé au point 3, l'épouse de M. B... peut demander à brefs délais le bénéfice de la procédure de réunification familiale. Dès lors que la séparation des enfants avec l'un de leurs parents sera temporaire, le temps de l'instruction de cette demande, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnait les stipulations précitées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, dès lors qu'il a été constaté que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC02438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02438
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc02438 ?
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