Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300682 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2023, M. A..., représenté par la SELARL Guitton et Grosset et Blandin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- elle a été prise en violation de son droit d'être entendu, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- elle a été prise en violation de son droit d'être entendu, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- elle a été prise en violation de son droit d'être entendu, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 octobre 2023 à midi.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né le 10 mai 1985, a déclaré être entré en France le 25 septembre 2008. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile et l'intéressé a fait l'objet, le 29 octobre 2010 d'un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le recours formé par le requérant contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2011, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 juin 2012. Le 18 janvier 2013, M. A... a sollicité son admission au séjour au motif du travail. Sa demande a été rejetée, accompagnée d'une nouvelle mesure d'éloignement par un arrêté du 15 octobre 2015. Le recours formé par l'intéressé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal du 21 juin 2016. Le 25 août 2017, M. A... a demandé une nouvelle fois son admission au séjour au motif du travail. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 24 juillet 2018, lui faisant également obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par une nouvelle demande en date du 31 mai 2019, l'intéressé a sollicité son admission au séjour en France en se prévalant de sa situation personnelle et familiale, de son état de santé, de sa présence en France depuis plus de dix ans ainsi que d'une promesse d'embauche. Par un arrêté du 24 février 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. A.... Après avoir saisi la commission du titre de séjour sur la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet a, par un arrêté du 6 février 2023, refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. Le requérant relève appel du jugement du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision attaquée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle de M. A... avant de prendre la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".
5. La décision portant refus de séjour, par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni, en tout état de cause, invoquer l'article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait statué sur le droit au séjour de M. A... au regard de son état de santé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
8. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, ce moyen, inopérant, ne peut qu'être écarté.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2008 et de la présence de ses trois frères, de nationalité française ou titulaires de cartes de résident, ainsi que d'autres membres de sa famille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la durée de présence en France du requérant, qui est célibataire et sans charges de famille, s'explique par son maintien irrégulier malgré plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, ainsi qu'il a été dit au point 1. Par ailleurs, s'il produit une attestation de sa belle-sœur déclarant l'héberger à Nancy, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal de la réunion de la commission du titre de séjour en date du 1er juin 2022, que l'intéressé a déclaré qu'il résidait à Paris et qu'il était hébergé par son employeur dans des conditions sanitaires déplorables. L'intéressé ne dispose ainsi pas d'un logement stable, est dépourvu de ressources et reste dépendant de l'aide médicale d'Etat pour ses soins, et, en dépit de sa durée de présence sur le territoire français, ne maîtrise pas la langue française. Les pièces du dossier ne démontrent ainsi pas une insertion particulièrement caractérisée de M. A... dans la société française, ainsi que l'a d'ailleurs estimé la commission du titre de séjour qui a émis un avis défavorable sur sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, la seule circonstance que de nombreux membres de sa famille résident régulièrement en France, et alors que l'intensité des liens entretenus avec ces derniers n'est pas suffisamment établie, ne suffit pas à démontrer qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et accordant un délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, les décisions attaquées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en tout état de cause être écarté.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes des décisions attaquées, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle de M. A... avant de prendre les décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
13. En troisième lieu, le droit de l'intéressé d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour sollicité. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet de Meurthe-et-Moselle n'était pas tenu de l'inviter à formuler des observations avant l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire et accordant un délai de départ volontaire prises concomitamment au refus de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
14. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
16. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision attaquée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle de M. A... avant de prendre la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. D'une part, si M. A... fait valoir qu'il a vécu de graves traumatismes dans son pays d'origine, il n'en précise pas la nature. D'autre part, s'il se prévaut de sa fragilité psychologique, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement médical dont il bénéficie ne serait pas disponible en Turquie. Par suite, et alors que la demande d'asile du requérant a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 6 février 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur, et à la SELARL Guitton et Grosset et Blandin.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02348