Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2202807 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Jacquin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202807 du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 septembre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a substitué au fondement de la mesure d'éloignement l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait en ce que les actes d'état civil transmis mentionnent les mêmes informations ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité des actes d'état civil produits ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'il est arrivé mineur sur le territoire français et ne peut donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- le préfet ne pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français fondée sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement et ne présente pas de risque de fuite ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'un vice de forme en ce qu'elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son principe en ce qu'il est intégré, ne représente pas une menace pour l'ordre public et ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;
- elle méconnaît les principes constitutionnels, les principes généraux du droit et les règles résultant des engagements internationaux de la France et les critères énumérés par la loi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, est entré en France le 15 septembre 2017 et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance le 19 décembre 2017. Par un courrier du 30 août 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un arrêté du 26 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. M. A... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° de cet article. Il en va ainsi tant lorsque la décision relative au séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire interviennent de façon concomitante que lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Si, pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur le 1° de l'article L. 611-1, il est constant que le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 30 août 2019 et que cette demande a été explicitement rejetée par arrêté du 2 juillet 2021. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée ne pouvait être prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur le 3° de ce même article.
4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
5. En l'espèce, l'arrêté obligeant M. A... à quitter le territoire français trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° du même article dès lors, en premier lieu, qu'à la date du 26 septembre 2022 d'édiction de l'arrêté attaqué, le requérant, eu égard au refus de titre de séjour pris à son encontre le 2 juillet 2021, se trouvait dans la situation où, en application du 3° de l'article L. 611-1, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait l'obliger à quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pas eu pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
6. Il en résulte, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, et alors même qu'au jour où ils ont statué le refus de titre de séjour faisait encore l'objet d'un appel, que le moyen tiré de ce que c'est à tort que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur le 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être qu'écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir qu'étant entré mineur sur le territoire français, les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables.
8. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a rappelé, dans la décision attaquée, qu'il avait refusé de délivrer un titre de séjour au requérant en se fondant notamment sur la circonstance que les documents d'état civil qu'il a produits à l'appui de sa demande, à savoir des actes de naissance, un jugement supplétif établi le 25 avril 2017 et un certificat de nationalité malienne établi n'étaient pas réguliers, étaient contradictoires, comportaient pour certains des anomalies de rédaction ou constituaient des faux. En se bornant à contester ces analyses, sans plus de précisions, le requérant, qui ne conteste pas le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges pour rejeter le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour du 2 juillet 2021, ne conteste pas utilement les motifs de la décision attaquée.
9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "
10. Si M. A... est présent en France depuis cinq ans à la date de la décision, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance, qu'il a été scolarisé en lycée des métiers et a obtenu un CAP électricien, avant de s'inscrire en lycée professionnel pour obtenir un baccalauréat professionnel, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et ne fait état d'aucun lien personnel sur le territoire national. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".
12. En l'espèce, M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 2 juillet 2021. S'il a introduit un recours suspensif à l'encontre de cette décision, celui-ci a été rejeté par le tribunal administratif de Nancy par un jugement du 14 décembre 2021. En outre, l'appel que M. A... soutient avoir interjeté ne suspend pas l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. En considérant qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet dès lors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet n'a donc pas inexactement appliqué les dispositions citées au point précédent.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à demander, par voie de conséquence l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
14. En deuxième lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comprend les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
16. En l'espèce, en se bornant à soutenir qu'il est bien intégré, qu'il poursuit ses études et qu'il ne représente pas de menace à l'ordre public, M. A... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire de nature à justifier que l'autorité administrative, qui ne lui a accordé aucun délai de départ volontaire, n'édicte pas d'interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
17. En outre, si M. A... est présent depuis cinq ans en France, où il a poursuivi ses études, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait tissé des liens intenses, stables et pérennes alors au demeurant qu'il s'est soustrait, ainsi qu'il a été dit, à une précédente mesure d'éloignement. Ainsi, nonobstant la circonstance que sa présence en France ne représente pas de menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas inexactement appliqué les dispositions citées au point 15 en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.
18. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour méconnaît les principes constitutionnels, les principes généraux du droit, les règles résultant des engagements internationaux de la France et les critères énumérés par la loi ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils doivent être écartés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 septembre 2022. Par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des frais d'instance doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Jacquin.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC02428