Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 14 février 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2301494 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Chaïb, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301494 du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 14 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé ;
sur la décision portant refus de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son enfant est atteint d'une pathologie d'une particulière gravité et que les soins nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles en Arménie ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
sur l'obligation de quitter le territoire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 19 août 1987, est entrée en France le 18 décembre 2016 pour solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, respectivement le 19 octobre 2017 et le 8 février 2018. Le 3 juillet 2020, l'intéressée a sollicité son admission au séjour, au motif de l'état de santé de son enfant mineur. Par jugement du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision expresse de rejet de cette demande et enjoint à l'administration de réexaminer la situation de l'intéressée. Le 7 novembre 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sollicité dans le cadre de ce réexamen, a rendu son avis et, par un arrêté du 14 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme B... relève appel du jugement n° 2301494 du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif de Nancy, qui n'était tenu de répondre qu'aux moyens, et non aux simples arguments de la requérante, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande, notamment au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable (...) " et aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 7 novembre 2022, le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de l'enfant de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, au vu des éléments du dossier à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme B..., qui a levé le secret médical, produit une attestation établie par un médecin généraliste le 13 février 2023 selon laquelle son fils présente une maladie chronique sévère nécessitant une prise en charge spécialisée et pluridisciplinaire. Elle produit également des extraits de comptes rendus émanant du pôle enfant et néonatologie du centre hospitalier régional universitaire de Nancy desquels il ressort que son fils est atteint d'une hypotonie axiale et d'une surcharge pondérale. Un certificat médical établi par un pédiatre en septembre 2019 atteste que son fils est suivi par le centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) pour un retard psychomoteur important et deux certificats médicaux datant du 14 juin 2019 et du 8 février 2021 émanant des médecins de cette structure confirment l'existence d'un retard mental important justifiant une prise en charge pluridisciplinaire. Toutefois, il n'est pas contesté que ces éléments étaient en possession des médecins de l'OFII qui les ont pris en compte au moment d'établir leur avis. En cours d'instance, Mme B... a produit un nouveau certificat médical établi le 5 juin 2023 précisant que l'enfant présente un tableau allergique sévère ainsi que des attestations établies par un pédiatre et un pédopsychiatre du CAMSP indiquant que l'enfant de la requérante souffre d'un important retard de langage et d'un décalage psychomoteur, que la prise en charge pluridisciplinaire lui permet de progresser et que la poursuite des soins est nécessaire à la bonne continuité de son développement. Toutefois, ces certificats, qui ne font que confirmer les informations déjà contenues dans les documents médicaux transmis au collège des médecins de l'OFII, n'indiquent nullement qu'un défaut de prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et ne permettent ainsi pas de remettre en cause l'avis du collège médical de l'OFII et, partant, l'appréciation faite par le préfet, quant à la gravité de la pathologie du fils de la requérante. Ce seul motif était de nature à justifier le refus de titre de séjour en litige sans qu'il soit besoin d'apprécier l'accessibilité aux soins en Arménie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet dans l'application des dispositions citées au point 3 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des pièces du dossier, et n'est pas même allégué, que la requérante aurait saisi le préfet de Meurthe-et-Moselle d'une demande de titre de séjour au motif de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 18 décembre 2016, et résidait dans ce pays depuis six ans au jour de la décision attaquée. Si l'intéressée se prévaut de la durée de son séjour en France, celle-ci est pour partie due au non-respect de précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre. Par ailleurs, si elle soutient avoir effectué des démarches en vue de s'intégrer en suivant notamment des cours de français et avoir tissé des relations amicales, Mme B... ne soutient pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et elle ne justifie pas, par les éléments qu'elle produit, d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, si Mme B... se prévaut de l'état de santé de son enfant mineur, cette circonstance, qui ne lui donne pas vocation à se maintenir en France, n'est pas de nature à justifier qu'elle a désormais fixé le centre de leurs intérêts privés et familiaux dans ce pays. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. La décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant, la cellule familiale ayant vocation à se reconstituer en Arménie. En outre, la requérante ne justifie pas que l'état de santé de son fils ne pourrait être pris en charge dans son pays d'origine. Si elle fait valoir que l'offre de prise en charge est limitée en Arménie et que la prise en charge pluridisciplinaire proposée en France est de meilleure qualité, cette circonstance n'est, en tant que telle, pas de nature à lui conférer un droit au séjour en France. Enfin, les documents produits ne sont pas de nature à établir que l'enfant ne pourrait pas poursuivre une scolarité adaptée à ses troubles en Arménie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
11. Eu égard aux éléments évoqués aux points 7 et 9, ni l'état de santé du fils de Mme B... ni les conditions de son séjour en France ne sauraient être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
14. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement ne peut qu'être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. Par les documents qu'elle produit, Mme B... n'établit pas que son fils serait exposé, en raison de son handicap, à des traitements contraires aux stipulations ci-dessus rappelées en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipulations précitées doit être écarté.
17. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2023 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC00570