Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302144 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2024, M. A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302144 du 1er février 2024 du tribunal administratif de Besançon ainsi que l'arrêté du 28 septembre 2023 ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de résident de 10 années, ou accessoirement la carte pluriannuelle dont il était détenteur, dans un délai de deux mois suivant notification de la décision à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de 8 jours suivant notification de la décision ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours suivant notification de la décision à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'agent de la préfecture qui a consulté le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) n'était pas habilité pour le faire ;
- si la consultation du TAJ a été faite par un agent de police judiciaire ou un officier de police judiciaire, elle est irrégulière en ce qu'elle a méconnu le secret de l'enquête ; si la consultation du TAJ a eu lieu par un agent de la préfecture habilité, il doit être justifié du respect des conditions posées par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne saisissant pas les services compétents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale pour complément d'information, ou le procureur de la République compétent aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires réservées aux faits mentionnés au TAJ, conformément aux dispositions du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- le fait d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public mentionné au TAJ ne pouvait pas être consulté lors de l'enquête administrative du préfet dès lors qu'il n'a pas donné lieu à condamnation ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- sa qualité de père d'un enfant français n'est pas discutable dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, il dispose toujours de l'autorité parentale sur ses enfants ;
- les décisions contestées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la commission du titre de séjour devait être saisie préalablement à la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2024, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord passé entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail le 17 mars 1988 modifié par l'avenant du 19 décembre 1991 et l'avenant du 8 septembre 2000 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 22 février 1989, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2014. Il a obtenu à compter de l'année 2015 des titres de séjour d'un an en qualité de parent d'enfant français qui ont été renouvelés jusqu'en 2022. Par un arrêté en date du 28 septembre 2023, le préfet du Doubs a refusé de renouveler ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. M. A... relève appel du jugement n° 2302144 du 1er février 2024 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par: / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et des demandes de visa ou d'autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 312-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux. ".
3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet du Doubs s'est notamment fondé sur la circonstance, révélée par la consultation du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), que l'intéressé était défavorablement connu des services de police pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans de prison et des faits d'acquisition, détention, transport, offre ou cession non autorisée de stupéfiants. Dès lors que les dispositions précitées prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative, préalablement à la délivrance ou au refus de délivrance d'un titre de séjour, les circonstances, à les supposer établies, que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin et que l'autorité administrative n'aurait pas préalablement saisi les services du procureur de la République compétents ou les services de police ou de gendarmerie pour complément d'informations, si elles sont susceptibles de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à entacher d'illégalité la décision prise.
4. En tout état de cause, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que, pour estimer que le requérant représentait une menace à l'ordre public, le préfet s'est principalement fondé sur les condamnations de l'intéressé, lesquelles sont plus récentes, à une peine de trois mois de prison avec sursis en 2017 pour des faits de violence suivis d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis en 2016 et à une amende de 1 000 euros avec sursis infligée en 2022 pour des faits de menace de crime ou de délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un chargé de mission de service public commis en 2021. Il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait eu la même appréciation quant à la réalité de la menace à l'ordre public s'il s'était fondé sur les seules condamnations du requérant. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'irrégularité de la consultation du traitement des antécédents judiciaires ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, le requérant soutient que, dans le cadre de son enquête administrative, le préfet ne pouvait pas avoir accès au fait d'outrage envers une personne chargée d'une mission de service public commis en 2019 consigné dans le TAJ dès lors que ce fait n'a pas donné lieu à condamnation. M. A... s'appuie pour cela sur un passage de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011. Toutefois, le requérant n'établissant pas avoir bénéficié d'une décision d'acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite pour l'infraction précitée, l'accès à cette information dans le TAJ n'était pas interdit au préfet. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'accès par le préfet à cette information serait illégal doit être rejeté.
6. En troisième lieu, au titre de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".
7. Il n'est pas contesté que M. A... ne contribue plus à l'entretien et à l'éducation de ses deux filles depuis l'été 2021, ces dernières ayant été placées auprès de la Croix Rouge de Besançon par un jugement du tribunal des enfants du 28 juin 2021, le requérant s'étant en outre vu suspendre ses droits de visite par une ordonnance du 16 décembre 2021 du tribunal des enfants en raison de son comportement jugé néfaste pour les enfants. Par ailleurs, eu égard aux condamnations et mises en cause mentionnées au point 3, et compte tenu notamment de la gravité et à la multiplicité des infractions commises, le préfet du Doubs n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que la présence de M. A... sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait légalement refuser de renouveler son titre de séjour d'un an en qualité de parent d'enfant français ni, en tout état de cause, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de 10 ans qu'il ne justifie pas, au demeurant, avoir sollicité.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. Si M. A... est entré en France en 2014 et a obtenu la délivrance de titres de séjour en qualité de parent d'enfant français, il ressort des pièces du dossier qu'il ne subvient plus ni à l'entretien ni à l'éducation de ses deux filles mineures qui sont placées à l'aide sociale à l'enfance depuis 2020 et à l'égard desquelles il ne dispose plus d'aucun droit de visite à la suite de la décision du juge des enfants. Célibataire, il ne conteste pas disposer encore d'attaches familiales en Tunisie. En outre, s'il exerce l'activité professionnelle de maçon en France, les revenus qu'il tire de cette activité sont très faibles depuis plusieurs années. Compte tenu de ces éléments et de la menace à l'ordre public que sa présence en France constitue, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En cinquième lieu, compte tenu du placement des deux filles mineures du requérant à l'aide sociale à l'enfance depuis 2020 et de la suppression par le juge des enfants de tout droit de visite de M. A... à leur égard depuis 2022, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
11. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14,L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...). "
12. Au regard de ce qui été dit aux points 7 et 9, M. A... ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Doubs n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2023 pris à son encontre par le préfet du Doubs. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC00643