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30/12/2024 | FRANCE | N°24NC00674

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 décembre 2024, 24NC00674


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 septembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2307838-2307839 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.



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Procédures devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 19 mars 2024, sous le n° 24NC0067...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 septembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2307838-2307839 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 mars 2024, sous le n° 24NC00674, M. A..., représenté par l'AARPI ELEOS Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 12 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxes au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle pour annuler l'arrêté préfectoral litigieux ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

sur la décision refusant le titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II. Par une requête enregistrée le 19 mars 2024, sous le n° 24NC00675, Mme A..., représentée par l'AARPI ELEOS Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 12 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxes au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux de son époux dans la requête n° 24NC00674.

Le préfet du Bas-Rhin, à qui les procédures ont été communiquées, n'a pas produit de mémoire en défense pour ces deux requêtes.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. A..., ressortissants albanais, âgés de trente-cinq et quarante ans, sont entrés irrégulièrement en France le 14 janvier 2017. Ils ont présenté une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié qui a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 29 mai 2017, que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 22 décembre 2017. Ils ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 19 juillet 2018. Le 1er octobre 2019, Mme A... a sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé. Sa demande ayant été rejetée, une nouvelle mesure d'éloignement a été prise à l'encontre des époux A... le 24 novembre 2020. Le 16 février 2022, ils ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 12 septembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par deux requêtes enregistrées sous les numéros 24NC00674 et 24NC00675, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés préfectoraux du 12 septembre 2023 :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions litigieuses :

2. La seule circonstance que les arrêtés préfectoraux en litige ne mentionnent pas qu'une précédente mesure d'éloignement prononcée à l'encontre M. A... a été annulée pour atteinte à sa vie privée et familiale n'est pas de nature à démontrer que la préfète n'aurait pas examiné l'ensemble de la situation familiale des intéressés. Par ailleurs, et alors que les arrêtés préfectoraux litigieux précisent que compte tenu du jeune âge des enfants, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, la situation des enfants a été prise en compte. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle des requérants doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens propres aux décisions portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Les requérants font valoir qu'ils résident en France depuis plus de six années, qu'ils sont bien intégrés sur le territoire français et que leurs trois enfants, à savoir leur fils ainé né en 2008 et leurs jumelles nées en 2013, sont scolarisés depuis 2017 en France. Toutefois, s'il ressort effectivement des pièces du dossier que les enfants sont scolarisés depuis 2017, que Mme A..., qui a suivi des cours de français, est bénévole au sein d'associations caritatives et justifie d'une promesse d'embauche du 24 janvier 2022 en qualité d'agent de nettoyage et que M. A... a régulièrement travaillé en tant qu'ouvrier du bâtiment en France, comme le démontrent les contrats d'embauche produits ainsi que ses fiches de salaire, ces seules circonstances ne sont pas de nature à démontrer l'existence de liens d'une particulière intensité en France. En outre, ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf et trente-trois ans et où résident leurs parents et la sœur de M. A.... Dans ces conditions, au regard des conditions du séjour des intéressés, les moyens tirés de ce que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaîtraient ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

7. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 4 qui ne révèlent aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de leur délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions contestées sur leur situation personnelle doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. En l'espèce, d'une part, les refus de séjour opposés à Mme et M. A... n'ont ni pour effet, ni pour objet de les séparer de leurs enfants mineurs, dès lors qu'il n'est pas démontré que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France. D'autre part, il n'est pas établi que les trois enfants des requérants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine où ils sont nés. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut pas être accueilli.

En ce qui concerne les moyens propres aux décisions portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte des points précédents que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des refus de séjour pris à leur encontre. Dès lors, ils ne sont pas davantage fondés à solliciter l'annulation, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, il résulte de ce qui précède, en particulier des points 4, 8 et 10 que les moyens tirés d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés des 12 septembre 2023 de la préfète du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relatives à l'aide juridique, doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à l'AARPI ELEOS Avocats.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 24NC00674, 24NC00675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00674
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24nc00674 ?
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