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21/01/2025 | FRANCE | N°22NC01776

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 22NC01776


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet du Doubs l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un local situé au 11 rue du lycée à Besançon.



Par un jugement n° 2002051 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête

et un mémoire enregistrés les 5 juillet 2022 et 26 octobre 2023, M. B..., représenté par la Selarl Maurin-Pilati, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet du Doubs l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un local situé au 11 rue du lycée à Besançon.

Par un jugement n° 2002051 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 juillet 2022 et 26 octobre 2023, M. B..., représenté par la Selarl Maurin-Pilati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet du Doubs l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un local situé au 11 rue du lycée à Besançon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen selon lequel la procédure est entachée de nullité car tant les mises en demeure que les actes administratifs pris par le préfet ne visent qu'un seul des propriétaires, à savoir lui-même, alors que le bien litigieux lui appartient en indivision avec son épouse, laquelle devait donc être mise en demeure au même titre que lui ;

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée :

. aucun constat contradictoire n'a été réalisé : si des échanges sont intervenus entre lui et les services municipaux antérieurement à la prise de l'arrêté, la seule visite des lieux du 27 novembre 2019 a été faite en présence de la locataire et de sa mère à l'exclusion des propriétaires ;

. l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit que le principe du contradictoire est à rapprocher des notions de droit de la défense, de loyauté, d'équité et d'égalité des armes ;

- l'arrêté préfectoral litigieux n'est pas justifié car le seul manque de luminosité du logement n'est pas de nature à le rendre impropre à l'habitation ; il a toujours été de bonne foi et a fait au mieux pour améliorer ce logement ;

- l'arrêté préfectoral porte atteinte à son droit manifeste de louer car il interdit tout usage d'habitation pour l'avenir.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... sont propriétaires depuis le 8 août 2017 d'un appartement mis en location à Besançon. Par un arrêté du 28 octobre 2020, le préfet du Doubs a mis en demeure M. B... de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de ce local. M. B... relève appel du jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande, M. B... soutenait notamment que l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2020 du préfet du Doubs " portant mise en demeure de mettre fin à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation " était entaché de nullité car il ne visait pas son épouse alors que le bien était détenu en indivision. Le tribunal administratif de Besançon n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu alors qu'il n'était pas inopérant. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que le jugement est, pour ce motif, irrégulier. Par suite, le jugement du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Besançon doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2020 :

4. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

6. En l'absence de dispositions législatives instaurant une procédure contradictoire particulière préalablement aux mises en demeure de faire cesser l'occupation aux fins d'habitation, les mesures prévues par les dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, qui présentent le caractère de mesures de police, doivent être précédées, en application des dispositions combinées précitées des articles L. 211-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'une information préalable du propriétaire qui doit être mis à même de présenter des observations sur les mesures que l'administration envisage de prendre.

7. Par ailleurs, il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans son champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations.

8. Il est constant que le préfet n'a pas mis à même M. B... de présenter ses observations avant de prononcer la mise en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de ses locaux impropres par nature à l'habitation. La circonstance que par trois courriers, dont deux du 10 décembre 2019 et du 10 janvier 2020 de l'adjoint au maire délégué à la santé, à l'hygiène et à la prévention sanitaire et un du 23 juillet 2020 du directeur général des services, par délégation du maire de la ville de Besançon, qui n'est pas l'autorité qui a prononcé la mise en demeure en litige, M. B... a été alerté du caractère insalubre du logement loué, en raison de l'insuffisance de lumière naturelle, ne saurait régulariser cette carence. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être retenu.

9. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 octobre 2020 portant mise en demeure de mettre fin à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2002051 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 28 octobre 2020 du préfet du Doubs portant mise en demeure à M. B... de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux impropres par nature à l'habitation, est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la santé et de l'accès aux soins.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01776
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MAURIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;22nc01776 ?
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