La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2025 | FRANCE | N°24NC00992

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 11 février 2025, 24NC00992


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Saône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.r>


Par un jugement n° 2302011 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Besançon a an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Saône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2302011 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 12 septembre 2023 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a enjoint au préfet de la Haute-Saône de mettre fin au signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302011 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il n'a pas annulé les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Saône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 du préfet de la Haute-Saône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de compagne d'étranger malade et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour renouvelable, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée, notamment au regard du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen complet et particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne précitée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juin et 17 juillet 2024, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lusset a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 11 novembre 1984 et entrée en France le 27 octobre 2019 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté du 12 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Elle relève appel du jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il n'a pas annulé les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont le préfet de la Haute-Saône a fait application. Elle indique également, avec suffisamment de précisions, les circonstances de fait sur lesquelles le préfet de la Haute-Saône s'est fondé. Si cette décision ne mentionne pas tous les éléments caractérisant la situation de Mme B..., elle lui permet de comprendre les motifs de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée. Par ailleurs, l'absence de mention du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est sans incidence sur l'existence de la motivation de la décision contestée, qui mentionne que Mme B... est entrée sur le territoire français avec son compagnon et ses enfants, qu'elle a la possibilité de reconstituer leur cellule familiale dans leur pays d'origine et que cette cellule familiale représente les seuls liens forts qu'elle entretient sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet de la Haute-Saône a procédé à un examen complet et particulier de la situation personnelle de Mme B..., y compris en prenant en considération l'intérêt supérieur des enfants dont l'existence avait été portée à sa connaissance.

4. En troisième lieu, Mme B... se prévaut de ce qu'elle vit en France depuis le 27 octobre 2019 avec son compagnon et ses enfants, qui y sont scolarisés. Toutefois, elle n'établit pas avoir tissé d'autres liens en France, son compagnon ayant lui-même fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français le 9 octobre 2023. Par ailleurs, elle indique elle-même dans sa requête que son premier enfant réside dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 35 ans et a nécessairement conservé des attaches. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., le préfet de la Haute-Saône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Mme B... ne fait état d'aucun élément qui ferait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue avec son compagnon, également en situation irrégulière en France ainsi qu'il a été dit, et ses deux enfants dans son pays d'origine, où elle a elle-même vécu la majorité de son existence, et où réside encore son premier enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale de droits de l'enfant doit être écarté.

7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 6 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Saône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus de titre de séjour sur la situation personnelle de Mme B....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Mme B... soutient à nouveau en appel être exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, en raison, d'une part, des critiques que son époux a publiquement portées à l'encontre du président de son pays en 2015, alors qu'il était engagé au sein de la commission Diocésaine " Justice et paix " et, d'autre part, de l'incarcération de son époux à la suite de son intervention en faveur de jeunes de son quartier pour empêcher leur interpellation. Toutefois, en se bornant à produire le compte-rendu de son entretien à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et celui de son époux, la décision de rejet de sa demande d'asile, et la décision de la cour nationale du droit d'asile du 9 décembre 2022 rejetant son recours formé à l'encontre de cette décision, Mme B... n'établit pas la réalité de ses allégations. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a partiellement rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 septembre 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. LussetLe président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 24NC00992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00992
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;24nc00992 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award