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11/02/2025 | FRANCE | N°24NC02448

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 11 février 2025, 24NC02448


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juillet 2024 mettant fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait.





Par un jugement n° 2406043 du 29 août 2024, le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté sa deman

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2024, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juillet 2024 mettant fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait.

Par un jugement n° 2406043 du 29 août 2024, le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement n° 2406043 du 29 août 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2024 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mettant fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'OFII de rétablir rétroactivement à la date de cessation les conditions matérielles d'accueil, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, subsidiairement lui verser la même somme en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- l'Office français de l'immigration et de l'intégration a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant sur les dispositions du 3° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour mettre fin aux conditions matérielles d'accueil au motif qu'elle n'aurait pas " respecté les exigences des autorités chargées de l'asile en présentant une nouvelle demande d'asile en France après avoir été transféré vers l'Etat membre responsable de l'instruction de votre demande d'asile " ;

- la décision du 29 août 2024 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant sa situation de vulnérabilité ; elle est accompagnée d'un nouveau-né ; elle et son enfant, âgé d'à peine deux mois, présentent des facteurs de vulnérabilité liés à leur état de santé ; elle dépend des aides caritatives pour survivre avec son bébé ; elle se trouve dans une situation de dénuement extrême.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante était tenue de déposer sa demande d'asile en Allemagne, pays responsable de son examen, or elle est revenue en France le jour-même de son transfert et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle y aurait explicitement sollicité l'asile ; il n'y a aucune erreur de droit dès lors qu'elle n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile ;

- en tout état de cause, il pouvait également lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil car sa demande d'asile introduite en France, après son transfert en Allemagne, devait être regardée comme une demande de réexamen ; en tant que de besoin, et alors que la décision pouvait être fondée sur l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu de procéder à une substitution de base légale, laquelle n'a privé la requérante d'aucune garantie procédurale ;

- la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur d'appréciation concernant sa situation de vulnérabilité.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 12 mars 1992 à Namibe (Angola), a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 2 août 2022. Sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin le 7 octobre 2022 et elle a été placée en procédure dite Dublin. Le même jour, la requérante a accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et a bénéficié des conditions matérielles d'accueil. Par arrêté du 4 novembre 2022, le préfet a décidé son transfert vers l'Allemagne, pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par un second arrêté du 4 novembre 2022, l'intéressée a été assignée à résidence pour une durée de 45 jours assortie de l'obligation de se présenter les mercredis à la police aux frontières pour y confirmer sa présence. Elle a été déclarée en fuite le 13 décembre 2022. Après avoir été informé par le gestionnaire du lieu d'hébergement que Mme B... l'avait abandonné, l'OFII lui a notifié, par courrier du 13 décembre 2022, la sortie de cet hébergement, l'a informée que les conditions matérielles d'accueil pouvaient cesser de lui être accordées et l'a invitée à faire valoir ses observations. Le délai de transfert a été prolongé de 18 mois et elle s'est maintenue irrégulièrement en France. Elle a été reconduite vers l'Allemagne le 23 mai 2024, soit avant l'expiration du délai de transfert prolongé. Elle est revenue le jour même en France et a de nouveau été placée en procédure Dublin le 19 juin 2024. Par courrier du 19 juin 2024, l'OFII l'a informée de son intention de cesser de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pour non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile. Par une décision du 30 juillet 2024, l'OFII a mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Mme B... relève appel du jugement n° 2406043 du 29 août 2024 par lequel le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, en son article 2, sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juillet 2024 :

2. Aux termes de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : (...) / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ; (...) / La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. (...) ".

3. Si en vertu des dispositions précitées de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFII peut refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, c'est sous réserve de la situation de vulnérabilité du demandeur d'asile. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a bénéficié, à la suite de l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure Dublin, le 19 juin 2024, d'un entretien d'évaluation et de vulnérabilité. Le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 15 juillet 2024, l'a déclarée en niveau 1 de vulnérabilité, ce qui correspond à une " priorité pour un hébergement, sans caractère d'urgence ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de certificats médicaux, que la requérante et son enfant, né le 3 mai 2024, qui était âgé de moins de trois mois à la date de la décision en litige, avaient des problèmes de santé. Il ressort plus particulièrement des certificats médicaux des 23 mai 2024, et 18 juillet 2024 ainsi que du certificat médical confidentiel de l'OFII du 23 mai 2024 que la requérante souffre d'une grande détresse psychique liée à un stress post-traumatique pour lequel elle est suivie régulièrement aux hôpitaux universitaires de Strasbourg et que son enfant a bénéficié, dans les suites de sa naissance, d'une surveillance pour un syndrome de sevrage à des anti-dépresseurs. En outre, si l'OFII fait valoir que l'intéressée a de la famille en France, il ressort des pièces du dossier que la requérante a précisé ignorer où réside sa cousine. Ces éléments sont, dans les circonstances particulières de l'espèce, de nature à caractériser une situation de vulnérabilité au sens des dispositions précitées. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation concernant sa situation de vulnérabilité et à en demander pour ce motif l'annulation.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt qui annule la décision du 30 juillet 2024 n'implique pas d'enjoindre à l'OFII de rétablir la requérante dans ses droits aux conditions matérielles d'accueil antérieurement à la date de notification de cette décision, soit le 7 août 2024. En revanche, eu égard au motif d'annulation retenu, son exécution implique nécessairement que l'OFII rétablisse Mme B... dans ses droits aux conditions matérielles d'accueil à compter du 7 août 2024 et ce jusqu'à la date à laquelle elle a cessé de remplir les conditions pour en bénéficier. Il y a ainsi lieu d'enjoindre à l'OFII de procéder à un tel rétablissement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à Me Airiau de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2406043 du 29 août 2024 du président du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 30 juillet 2024 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir Mme B... dans ses droits aux conditions matérielles d'accueil à compter du 7 août 2024 et ce jusqu'à la date à laquelle elle a cessé de remplir les conditions pour en bénéficier, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Airiau une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Airiau.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe Président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 24NC02448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC02448
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;24nc02448 ?
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