Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 août 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2306612 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC03544 le 7 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de vice de procédure, ce qui l'a privé d'une garantie ; il n'a pas été mis en mesure de présenter les éléments relatifs à son état de santé avant que ne soit prise la mesure d'éloignement ; l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et de défaut de base légale dès lors qu'il a présenté une demande de titre de séjour pour raisons de santé le 29 avril 2020 ; son état de santé fait obstacle à son éloignement et la préfète a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2024, la préfète du Bas-Rhin, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né le 10 août 1956, est entré en France le 4 décembre 2016. Il a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 15 avril 2019 et 15 février 2021. Le 29 avril 2020, il a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 15 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de son éloignement. Le 14 novembre 2022, il a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 15 décembre 2022 et par la CNDA le 31 mai 2023. M. A... relève appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 aout 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...). ". Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...)b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ;(...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...). ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...). ". Enfin aux termes de l'article L. 542-3 du même code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. ".
3. Il est constant que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à M. A... par une décision de la CNDA en date du 15 février 2021 et que sa demande de réexamen a été rejetée par la CNDA le 31 mai 2023. La préfète du Bas-Rhin pouvait ainsi, sans entacher sa décision d'erreur de droit, lui faire obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
5. D'une part, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, celui-ci est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux, notamment au regard de sa situation dans son pays d'origine ou de sa situation personnelle et familiale.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, M. A... aurait porté à la connaissance de la préfète du Bas-Rhin des éléments relatifs à son état de santé postérieurs à ceux qu'il avait produits à l'appui de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé en 2020, qui a été refusée par la préfète. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait été empêché de présenter ces éléments avant que ne soit prise la mesure d'éloignement en litige qui intervient après le rejet de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
8. M. A... soutient que son état de santé fait obstacle à une mesure d'éloignement en application des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, les pièces médicales produites relatives à différents examens qu'il a passés en 2023 indiquent que l'intéressé est atteint d'une hépatite B chronique et qu'il a été opéré en 2021 pour un cancer du foie. Si ces éléments révèlent que l'état de santé de M. A... est dégradé, elles ne suffisent cependant pas à établir qu'il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, les moyens tirés de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en lui faisant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il est constant que si le requérant est présent en France depuis 2016, il n'a jamais disposé d'un titre de séjour et ne s'est maintenu sur le territoire durant le temps de l'instruction de sa demande d'asile puis de sa demande de titre de séjour. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, la Russie, où résident son épouse et ses enfants. M. A... n'établit ainsi nullement avoir déplacé le centre de ses intérêts en France. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 précité ne peut, dès lors, qu'être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine doit être écarté.
13. En sixième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
15. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N°23NC03544