Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 novembre 2024 par laquelle la directrice territoriale de Strasbourg de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé les conditions matérielles d'accueil.
Par un jugement n° 2408582 du 26 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1) d'annuler le jugement du 26 novembre 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre la décision du 7 novembre 2024 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui refusant les conditions matérielles d'accueil ;
2) d'annuler la décision du 7 novembre 2024 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
3) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui octroyer rétroactivement, à la date d'introduction de sa demande d'asile, les conditions matérielles d'accueil, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, subsidiairement de lui verser la même somme en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
- la décision litigieuse du 7 novembre 2024 est entachée d'un vice de procédure dès lors que son droit à être entendu préalablement à la prise de toute décision défavorable, érigé en principe fondamental du droit de l'union européenne par la jurisprudence, a été méconnu ; il n'a pas été en mesure de s'expliquer sur les raisons du dépassement du délai de 90 jours mentionné par l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas été informé sur le fait que ce dépassement de délai de 90 jours pouvait être justifié par des motifs légitimes, le privant d'une garantie ; l'entretien de vulnérabilité ne saurait se substituer à un examen contradictoire complet de sa situation ;
- la décision du 7 novembre 2024 est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation individuelle ;
- elle méconnaît l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucune disposition législative ou règlementaire n'impose qu'une procédure contradictoire soit mise en œuvre préalablement à une décision de refus des conditions matérielles d'accueil ; en tout état de cause, le requérant a été invité à présenter des observations complémentaires lors de son entretien d'évaluation de vulnérabilité et a donc eu la possibilité d'indiquer les raisons pour lesquelles il a demandé l'asile plus de 90 jours après son entrée en France ;
- aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 7 novembre 2024, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Strasbourg a refusé d'accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. B..., ressortissant afghan né le 16 juin 2004, au motif qu'il a présenté une demande d'asile, sans motif légitime, au-delà du délai de quatre-vingt-dix jours suivant son entrée en France. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision. M. B... relève appel du jugement du 26 novembre 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, en son article 2, sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 novembre 2024 :
2. Aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente ". Selon l'article L. 551-10 du même code : " Le demandeur est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut lui être refusé ou qu'il peut y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16 ". En vertu de l'article L. 551-15 du même code : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : (...) 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ".
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ses droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 7 novembre 2024 par les services de la préfecture du Bas-Rhin. Il a bénéficié, le même jour, d'un entretien portant sur l'évaluation de sa vulnérabilité et dans les suites immédiates de cet entretien, par une décision qui lui a été remise en main propre le même jour, la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à Strasbourg a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au motif qu'il avait présenté sa demande d'asile, sans motif légitime, au-delà du délai de quatre-vingt-dix jours suivant son entrée en France. S'il ressort du compte-rendu de cet entretien que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été proposé à l'intéressé conformément aux dispositions précitées de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que son état de vulnérabilité a été évalué, il ne résulte d'aucune de ces mentions que le requérant aurait été informé, comme le prévoit d'ailleurs l'article L. 551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des cas susceptibles d'entraîner un refus des conditions matérielles d'accueil, selon les modalités prévues à l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en particulier en raison d'un dépôt tardif de sa demande d'asile. Ainsi, l'intéressé n'a pas été mis en mesure d'invoquer un motif pouvant légitimer le non-respect du dépôt de sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours suivant son entrée en France.
6. Toutefois, si, pour justifier ce retard, le requérant fait valoir qu'il a attendu que son frère, en situation régulière en France, dispose d'un logement afin qu'il puisse déposer sa propre demande au lieu de résidence de ce dernier et qu'il puisse ainsi l'assister dans ses démarches, une telle circonstance ne peut être regardée comme étant de nature à exercer, si elle avait été portée à la connaissance de l'OFII, une influence sur le sens de la décision litigieuse alors que, par ailleurs, l'intéressé a déposé sa demande près d'un mois après l'attribution d'un logement à son frère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ne résulte ni des motifs de la décision contestée ni d'aucune autre pièce du dossier que la directrice territoriale de l'OFII, qui a fondé sa décision sur la circonstance que l'intéressé a déposé sa demande plus de quatre-vingt-dix jours suivant son entrée en France, n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B... au regard des éléments portés à sa connaissance avant d'édicter la décision litigieuse.
8. En troisième lieu, M. B... qui a déclaré être entré en France le 13 juin 2024, fait état de sa situation de vulnérabilité extrême, tenant à son origine d'une région instable dans laquelle sa vie était en danger, et des difficultés de logement rencontrées par son frère, titulaire d'une carte de résident, qui devait l'aider dans l'accomplissement de ses démarches. Toutefois, ces seules considérations ne sauraient, par elles-mêmes, constituer un motif légitime justifiant le dépôt tardif de sa demande d'asile, alors qu'il bénéficiait au contraire d'un soutien familial en France en la personne de son frère qui s'était déjà vu reconnaître la qualité de réfugié et qu'il a en outre déposé sa demande près d'un mois après la signature par son frère d'un contrat de location. Le requérant ne justifie pas davantage d'une particulière vulnérabilité. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 7 novembre 2024 serait entachée d'une erreur de droit, ni qu'elle serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Airiau.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC03171