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31/05/2024 | FRANCE | N°24NT00269

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 31 mai 2024, 24NT00269


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers la Croatie.



Par un jugement n° 2319395 du 12 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024, Mme C...,

représentée par

Me Khatifyian, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers la Croatie.

Par un jugement n° 2319395 du 12 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2024, Mme C..., représentée par

Me Khatifyian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert en Croatie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté contesté n'est pas compétent ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et a méconnu les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Maine-et-Loire mais aucun mémoire en défense n'a été produit.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante turque née le 15 octobre 1998 à Eregli (Turquie), alias Mme A... née le 15 septembre 1998 en Irak, déclarant être entrée en France le 30 septembre 2023, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 14 novembre 2023. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Croatie le 27 septembre 2023. Le 23 novembre 2023, les autorités croates ont été saisies d'une demande de reprise en charge et ont expressément accepté le 7 décembre 2023. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités croates. Par un jugement du 12 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme C... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 3 à 5 de sa décision, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté et de l'insuffisante motivation du même arrêté, que Mme C... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

4. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme C... qu'elle a bénéficié le 14 novembre 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. L'agent qui a conduit cet entretien est identifié par sa fonction et sa signature, alors même que ses nom et prénom figurant sur le tampon ne sont pas lisibles. La requérante n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du

26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressée serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

7. Il n'est pas établi, par la seule mention d'un extrait d'un rapport d'Amnesty International pour les années 2021 et 2022, que les demandeurs d'asile subiraient en Croatie des traitements inhumains et dégradants ni même qu'ils n'auraient pas droit aux conditions minimales d'accueil. Par suite, les éléments au dossier ne permettent pas de caractériser des raisons sérieuses de croire qu'il existe en Croatie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, qui imposaient au préfet de s'assurer auprès des autorités croates des conditions de traitement de la demande d'asile de l'intéressée. En outre, si la requérante fait état de la présence de plusieurs membres de sa famille en France, cet élément ne suffit pas à la placer dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité justifiant que sa demande d'asile soit instruite en France. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de ce que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

8. En quatrième et dernier lieu, les seules circonstances que la sœur de Mme C..., ses cousins et oncles et tantes et sa belle-famille résident en France, pour certains sous couvert de titres de séjour, et la prendraient en charge ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à l'entrée récente de la requérante en France et au fait qu'il n'est établi ni que son époux serait en France et a fortiori aurait vocation à y rester, ni qu'elle n'aurait plus d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00269
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : KHATIFYIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;24nt00269 ?
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