Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne et qu'elle prend insuffisamment en compte ses services hors d'Europe.
Par un jugement n°2103465 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2023, le 24 août 2024 et le 6 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Michel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 12 mai 2021 en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de sa pension de retraite prenne effet au 14 janvier 2018 ou au 14 janvier 2019 au plus tard et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres, lorsque cette rétroactivité est justifiée par la nécessité de placer l'agent dans une situation administrative régulière ou par la nécessité de remédier à une irrégularité :
* or, son placement en congé de longue maladie est entaché d'illégalité, dès lors qu'il n'est pas intervenu à sa demande ;
* la procédure ayant conduit à son placement en congé de longue maladie n'a pas été respectée, faute pour l'administration d'avoir consulté au préalable le comité médical et d'avoir été expertisé par un médecin agréé ;
* il ne pouvait être placé en congé de longue maladie dès lors qu'il n'était pas susceptible de reprendre ses fonctions ;
- son placement tardif à la retraite pour invalidité est illégal, en l'absence de toute initiative de la part de son employeur, il a été contraint d'attendre le mois de septembre 2019 pour solliciter lui-même sa mise à la retraite pour invalidité ;
- les services médicaux militaires ont constaté son inaptitude définitive dès le mois de mars 2018 ;
- à supposer que sa pathologie ne puisse être regardée comme stabilisée à cette date, sa mise à la retraite aurait dû intervenir à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de sa mise en congé de maladie ordinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir à titre principal que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 14 mars 1986 modifié, relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ingénieur civil divisionnaire de la défense, a contracté, au début de l'année 2018, une maladie non imputable au service. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2020 par un arrêté de pension du 31 mai 2021, révisé le 2 août 2021 afin de modifier la bonification pour services civils effectués hors d'Europe, le 4 octobre 2021 pour prendre en compte de la majoration pour assistance d'une tierce personne, puis le 11 octobre 2021 pour une nouvelle modification de la bonification pour services civil effectués hors d'Europe. M. A... a demandé l'annulation de son arrêté de pension, en tant qu'il fixe son admission à la retraite au 14 avril 2020, en tant qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des bonifications pour services civils hors d'Europe et qu'il fixe au 14 avril 2020 la date d'attribution de la majoration pour assistance d'une tierce personne. Par un jugement du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. A... demande l'annulation de ce jugement ainsi que l'annulation de la décision du 12 mai 2021 de la ministre des armées, en tant qu'elle fixe sa date de départ à la retraite et de majoration pour tierce personne au 14 avril 2020.
Sur l'exception d'incompétence de la cour opposée par l'Etat :
2. Le présent litige ne porte pas sur une contestation du bulletin de pension de M. A... mais sur la décision de l'administration d'admettre ce dernier à la retraite. Le contentieux porté devant la cour ne vise pas à contester les modalités de liquidation de la pension de M. A..., mais tend à contester la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de l'intéressé. Par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que la cour n'est pas compétente pour statuer sur le litige qui lui est soumis, en vertu des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la date d'effet de la décision procédant à la radiation des cadres de M. A... :
3. D'une part, aux termes de l'article R.36 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 28 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa version applicable à l'espèce : " Pour l'application des dispositions de l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractères définis à l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. Sur cette liste doivent figurer les affections qui peuvent ouvrir droit au congé de longue durée prévu ci-après. Toutefois, le bénéfice d'un congé de longue maladie demandé pour une affection qui n'est pas inscrite sur la liste prévue à l'alinéa précédent peut être accordé après l'avis du comité médical compétent. ".
5. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté du 14 mars 1986 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale que le Syndrome de Guillain Barré dont souffre M. A... n'est pas inscrit sur la liste indicative des maladies qui peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. M. A... a été placé en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 et maintenu dans cette position jusqu'au 13 avril 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un courriel du 2 novembre 2022 du secrétariat du comité médical du Finistère adressé à M. A..., que, contrairement à ce que soutient le ministre qui ne produit pas le procès-verbal de l'avis du comité médical du Finistère dont il se prévaut, que ce même comité n'a pas, lors de sa séance du 26 avril 2018, émis d'avis concernant le bénéfice d'un congé de longue maladie pouvant être octroyé au requérant et que l'admission à congé de longue maladie à compter du 14 janvier 2018 pour une période de six mois, prolongée de trois mois, n'a pas fait l'objet d'une saisine du comité médical du Finistère. La circonstance que le comité médical départemental du Finistère a ensuite été saisi régulièrement pour le renouvellement du congé de longue maladie de l'intéressé, à compter du 14 octobre 2018, est sans incidence sur l'illégalité du placement initial de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018. L'avis du comité médical contribuant à la garantie que la décision prise le sera de façon éclairée, quand bien même cet avis n'est que consultatif, le placement de M. A... en congé de longue maladie à compter du 15 janvier 2018 est illégal et c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'était pas possible de placer M. A... à la retraite à une date antérieure à sa radiation des cadres, compte tenu de cette illégalité. Le requérant est donc fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes.
6. Il résulte de ce qui précède que le placement à la retraite de M. A..., antérieurement à sa radiation des cadres, est nécessaire pour redresser l'illégalité résultant de son placement irrégulier en congé de longue maladie. Par suite, la décision ministérielle du 12 mai 2021 par laquelle la ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite, doit être annulée. Il résulte de l'instruction que M. A... a été placé, pour le motif exposé au point précédent, dans une situation administrative irrégulière dès le 15 janvier 2018. Il est donc fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018 pour remédier à cette situation.
En ce qui concerne la majoration pour tierce personne :
7. Aux termes de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne prévue à l'article L. 30 bis est accordée sur sa demande et quelle que soit la date à laquelle la pension lui a été concédée, à tout titulaire d'une pension civile d'invalidité qui justifie remplir les conditions fixées audit article. (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que M. A... a présenté une demande de majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne le 20 décembre 2019. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander son admission à la retraite rétroactive à compter du 15 janvier 2018, et qu'à la date de sa demande de majoration, il pouvait bénéficier d'une pension de retraite, en fixant comme date d'attribution de la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne, le 14 avril 2020, date à laquelle la pension de retraite pour invalidité lui a été accordée, le ministre a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite. En outre, M. A... remplissait au 15 janvier 2018 la condition de handicap rendant nécessaire l'assistance d'une tierce personne. C'est donc à tort que le tribunal a estimé que l'administration ne pouvait légalement faire droit à la demande de majoration formulée par M. A..., dès lors qu'à la date de sa demande, il n'était pas titulaire d'une pension de retraite.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes, ainsi que de la décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées l'a admis à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il convient également d'enjoindre au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La décision du 12 mai 2021 par laquelle le ministre des armées a admis M. A... à la retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, est annulée en tant qu'elle fixe la date du 14 avril 2020 pour son admission à la retraite et pour la majoration spéciale pour assistance d'une tierce personne.
Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées d'accomplir les démarches nécessaires pour que la jouissance de la pension de retraite de M. A... prenne effet au 15 janvier 2018 et que le versement de sa pension soit régularisé rétroactivement en conséquence, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il est également enjoint au ministre des armées d'attribuer à M. A... la majoration pour tierce personne avec effet à cette même date du 15 janvier 2018, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
F. PONS
Le Président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01652