Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 25 juillet 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Mauritanie refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " en France.
Par un jugement n°2212297 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A....
Il soutient que :
- la délivrance d'un visa dit "de retour" est réservée à certains cas exceptionnels et il n'existe aucun droit à la délivrance d'un tel visa ;
- l'absence du territoire pour une durée de plus de 3 ans consécutif fait perdre au titulaire d'un titre de séjour son droit au séjour ;
- il n'est pas possible d'établir si le requérant et le titulaire du titre de séjour sont la même personne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, M. A... conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au consulat général de France en Mauritanie de lui délivrer un visa de long séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant mauritanien, titulaire d'une carte de résident valable du 3 mars 2014 au 2 mars 2024, est retourné en Mauritanie le 14 juillet 2017. Il a sollicité, en dernier lieu, la délivrance d'un visa dit " de retour " afin de rentrer en France le 27 septembre 2021 auprès de l'ambassade de France en Mauritanie, laquelle a rejeté sa demande. M. A... a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire, dont il a été accusé réception le 25 mai 2022. Ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 25 juillet 2022. Par un jugement du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, née le 25 juillet 2022, le tribunal a relevé que le ministre de l'intérieur ne produisait pas la mesure interdisant à M. A... de retourner sur le territoire français sur laquelle était fondée la décision implicite de la commission de recours, malgré une mesure d'instruction visant à obtenir une copie de cette mesure. Il a également relevé que M. A... résidait régulièrement en France depuis 1984 et que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
4. Pour établir que la décision implicite de la commission de recours était légale, le ministre de l'intérieur et des outre-mer invoque, dans sa requête d'appel, communiquée à M. A..., d'autres motifs, tirés de l'absence de l'intéressé du territoire pour une durée de plus de trois ans consécutifs et de l'impossibilité d'établir un lien entre le demandeur de visa de retour et le titulaire d'un titre de séjour français. Dès lors que la requête du ministre a été communiquée à M. A... et que ce dernier a été mis à même de répondre aux nouveaux motifs soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, il y a lieu d'examiner si ces nouveaux motifs sont de nature à fonder légalement cette décision implicite.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que M. A... est en Mauritanie depuis le 14 juillet 2017 et qu'il a déposé une première demande de visa de retour le 27 février 2020, soit moins de 3 ans après son retour en Mauritanie. D'autre part, la demande ayant donné lieu à la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en litige est également formulée au nom de M. A.... Enfin, l'avis défavorable de la préfecture de Seine-Maritime produit par le ministre concernant la demande de visa de M. A..., relevant qu'elle ne détient aucune information permettant de vérifier que l'intéressé est effectivement titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises, comporte une référence AGDREF (Application de Gestion des Dossiers des Ressortissants Etrangers en France) erronée, ne correspondant pas au numéro mentionné sur le relevé des cartes de séjour successives délivrées à l'intéressé. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas que le demandeur du visa de retour et le titulaire du titre de séjour français seraient deux personnes différentes.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite, née le 25 juillet 2022, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A... dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Mauritanie refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Eu égard à ses motifs et à la circonstance qu'à la date de mise à disposition du présent arrêt la validité de la carte de résident produite par M. A... à l'appui de sa demande de visa de retour est expirée, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, à un nouvel examen de la demande de M. A... tendant à la délivrance d'un visa de retour.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT02678 2