Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et la Ligue des droits de l'Homme (LDH) ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Manche a rendu obligatoire l'usage d'un téléservice pour l'obtention d'un rendez-vous dans le cas d'une demande de titre ou d'un renouvellement de titre de séjour, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la Manche a rejeté la demande de mise en place de modalités alternatives d'accès au guichet aux services de la préfecture de la Manche relatives à certaines prises de rendez-vous et au dépôt de certaines demandes de titres de séjour.
La Fédération nationale des unions de jeunes avocats (A...) a présenté une intervention volontaire au soutien de la requête de la CIMADE et de la Ligue des droits de l'Homme.
Par un jugement n° 2101434 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Caen n'a pas admis l'intervention de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats et a annulé la décision du préfet de la Manche en tant qu'elle a rendu obligatoire l'emploi de téléservices de prise de rendez-vous et de dépôt de pièces pour la présentation et le traitement des demandes de titres de séjour et de naturalisation, ainsi que la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de ces dispositions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, la Fédération nationale des unions de jeunes avocats demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 février 2023 en tant qu'il n'a pas admis son intervention volontaire ;
2°) d'admettre son intervention volontaire.
Elle soutient que :
- son intervention aurait dû être admise par le tribunal, dès lors qu'elle justifiait d'un intérêt à agir suffisant au regard de ses statuts ; le tribunal aurait dû prendre acte de ce qu'elle s'associait pleinement aux arguments de la requête ;
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal a opposé d'office l'irrecevabilité de son intervention sans l'inviter préalablement à présenter ses observations et à régulariser son intervention.
La requête d'appel a été communiquée à la CIMADE, à la Ligue des droits de l'Homme et au préfet de la Manche, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 17 février 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la CIMADE et de la Ligue des droits de l'Homme, la décision du préfet de la Manche en tant qu'elle a rendu obligatoire l'emploi de téléservices de prise de rendez-vous et de dépôt de pièces pour la présentation et le traitement des demandes de titres de séjour et de naturalisation, ainsi que la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de ces dispositions. Par ailleurs, par l'article 1er de son jugement, le tribunal n'a pas admis l'intervention volontaire présentée par la Fédération nationale des unions de jeunes avocats à l'appui de la requête. La Fédération relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas admis son intervention volontaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / (...) / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention. ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ". Ces dispositions n'imposent pas de communiquer aux parties les moyens relevés d'office lorsque la décision n'est pas fondée sur eux. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Caen pouvait rejeter comme irrecevable l'intervention de la A..., sans en informer les parties, dès lors que cette irrecevabilité est, en l'espèce, dépourvue d'influence sur la solution du litige, le tribunal ayant fait droit, en retenant un moyen qu'ils avaient soulevé, aux conclusions présentées par le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et la Ligue des droits de l'homme, à fin d'annulation de la décision du préfet de la Manche rendant obligatoire l'emploi de téléservices de prise de rendez-vous et de dépôt de pièces pour la présentation et le traitement des demandes de titres de séjour et de naturalisation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) ". La requérante ne peut utilement invoquer ces dispositions dès lors qu'en tout état de cause le juge n'est pas tenu d'inviter l'intervenant, qui vient au soutien des conclusions présentées par une des parties au litige, déterminé par ces seules conclusions, à régulariser sa demande.
5. Il suit de là que la A... n'est pas fondée à soutenir que l'article 1er du jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour les motifs allégués.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Il ressort des statuts de la A... que cette dernière a principalement pour objet de rassembler les unions de jeunes avocats, de coordonner leurs actions et de représenter, assister et défendre ses membres ainsi que l'ensemble de la profession d'avocat. La décision contestée, du seul fait qu'elle affecte la situation des ressortissants étrangers lorsqu'ils demandent un titre de séjour et que certains d'entre eux sont clients B... et recourent à leurs services, n'a pas, sur les conditions d'exercice de la profession, des incidences suffisamment directes pour que la fédération justifie d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour intervenir dans le présent litige. En outre, la fédération ne peut davantage se prévaloir des termes de ces mêmes statuts relatifs à la protection de la personne, de ses libertés et au respect des droits de la défense, trop généraux pour lui permettre de justifier d'un tel intérêt. Dans ces conditions, son intervention, qui est irrecevable, ne peut être admise.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen n'a pas admis son intervention à l'appui de la demande de la CIMADE et de la Ligue des droits de l'Homme.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des unions de jeunes avocats, à la CIMADE, à la Ligue des droits de l'homme et au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01104