Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant géorgien né le 18 mars 1990, est entré en France, selon ses déclarations, le 10 août 2022. La demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 mars 2023, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 août 2023. Le 1er mars 2023, M. D... a demandé un titre de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade. Par un arrêté du 10 novembre 2023, le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 16 février 2024, le tribunal administratif de Caen, sur demande de M. D..., a annulé l'arrêté du 10 novembre 2023 du préfet de la Manche seulement en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. D... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de la Manche du 10 novembre 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, Mme Perrine Serre, secrétaire générale de la préfecture de la Manche, a reçu délégation du préfet de la Manche, par arrêté n° 2023-87-VN du 1er septembre 2023 régulièrement publié au recueil administratif spécial n°6 le 4 septembre 2023 sur le site internet de la préfecture, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, requêtes juridictionnelles et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Manche ", à l'exception de certains actes dont ne font pas partie les décisions relatives au séjour des étrangers en France et leur éloignement. Dans ces conditions le moyen tiré de l'incompétence de Mme C..., signataire de la décision contestée, doit être écarté quand bien même cet arrêté de délégation ne vise pas spécifiquement les décisions portant refus de séjour.
3. En deuxième lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision contestée est insuffisamment motivée au regard du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'intérêt supérieur de son fils dès lors qu'il ne démontre pas avoir invoqué ces stipulations dans le cadre de sa demande de titre de séjour. En outre, il ressort des termes de l'arrêté du 10 novembre 2023 que le préfet de la Manche a pris en compte la situation, en particulier médicale, de son fils A.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée au regard de ces stipulations et de l'intérêt supérieur de son fils, ni que le préfet de la Manche n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation en ne tenant pas compte de la situation de son fils.
4. En troisième lieu, le moyen selon lequel il n'existerait pas d'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) relatif au fils de
M. D... manque en fait.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
6. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
7. Le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 21 août 2023 sur lequel le préfet de la Manche s'est fondé, que si l'état de santé du fils de M. D... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il lui était possible de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les pièces médicales produites par M. D... permettent d'établir la réalité du handicap de son fils, avec un diagnostic de paralysie cérébrale à prédominance ataxique et un taux d'incapacité entre 50 % et 80 %, nécessitant un accompagnement scolaire et des prises en charge ergothérapeutique, orthophonique et kinésithérapique à visée neuromotrice dans un contexte de difficulté à la marche et de difficultés motrices et langagières. La gravité de son état de santé ne met toutefois en aucun cas en jeu un pronostic vital et ne présente pas un caractère de sévérité tel qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ces éléments ne permettent donc pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII du 21 août 2023. Dans ces conditions, sans que M. D... puisse utilement soutenir qu'une telle prise en charge n'est pas possible en Géorgie, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Manche aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
9. Eu égard notamment à ce qui a été dit sur l'état de santé de son fils, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D..., qui ne réside en France que depuis le mois d'août 2022, ne pourrait pas rentrer en Géorgie avec son épouse et leur enfant alors que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 mars 2023 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 août 2023 et que ses parents, son frère et ses trois autres enfants résident dans ce pays, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Les seuls arguments avancés par le requérant tirés de ce que son épouse et son fils vivent avec lui en France, qu'ils seraient menacés en Géorgie et que son fils ne pourrait pas y être soigné ne permettent pas d'établir que le préfet de la Manche aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
11. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. Compte tenu de ce qui a été dit sur l'état de santé de l'enfant A..., la seule circonstance avancée que celui-ci bénéficie en France d'un projet personnalisé de scolarisation et d'une aide humaine spécifique en classe ne suffit pas à caractériser une atteinte suffisamment grave à l'intérêt supérieur de cet enfant relevant d'une méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
13. En septième et dernier lieu, au regard de ce qui a été dit précédemment, les seules circonstances avancées par M. D... tirées de l'état de santé fortement dégradé de son fils et de la présence en France de son épouse et de leurs fils ne permettent pas d'établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet la Manche aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa vie personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 novembre 2023 par laquelle le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me Bernard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- M. Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00801