Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C..., d'une part, et M. D... C..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner Nantes Métropole au versement de la somme de 1 350 000 euros, au titre de la faute commise du fait de l'exécution du traité de concession conclu le 4 juillet 2005, au profit de la SAEML LAD-SELA et de majorer la somme versée des intérêts moratoires et composés.
Par un jugement nos 2002304;2002306 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars et 26 octobre 2023, et un mémoire enregistré le 12 novembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme B... C... et M. D... C..., venant aux droits de M. A... C..., décédé, représentés par Me Plateaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2023 ;
2°) de condamner Nantes Métropole au versement de la somme de 1 350 000 euros, au titre de la faute commise du fait de l'exécution du traité de concession conclu le 4 juillet 2005, au profit de la SAEML LAD-SELA et de majorer la somme versée des intérêts moratoires et composés ;
3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute était signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il existe un lien de quasi-régie entre Nantes Métropole et la SAEML LAD-SELA et par conséquent, la responsabilité de Nantes Métropole pouvait être engagée pour faute simple ; en tout état de cause, la succession des fautes relevées suffit à démontrer l'existence d'une faute lourde ;
- au moment de la signature du traité de concession, Nantes Métropole a commis une imprudence d'une particulière gravité, en acceptant la signature d'une concession frappée d'une nullité absolue, pour défaut de cause juridique ;
- Nantes Métropole a attendu plus d'une année avant de procéder à la résiliation effective du contrat ;
- dans le cadre de l'exécution du traité de concession initial, la SAEML LAD-SELA a exproprié/préempté, pour le compte de Nantes Métropole, de nombreux propriétaires alors même que les clauses du traité de concession ne permettaient pas à la SAEML LAD-SELA d'exercer une telle prérogative, en l'absence d'une clause explicite en ce sens ;
- Nantes Métropole a sciemment accepté de pallier l'incurie de son cocontractant, au fil du temps et de manière continue, de telle sorte que l'économie initiale du contrat a été bouleversée, ce qui induit une requalification du traité de concession en marché public de travaux ;
- au cours de l'exécution du contrat, Nantes Métropole n'ignorait pas les graves difficultés rencontrées par l'aménageur, tant au plan matériel qu'au plan financier, de telle sorte qu'elle a refusé de maintenir l'équilibre contractuel initialement convenu, au détriment de ses intérêts, et sans la moindre justification objective ;
- le fait générateur des dommages réside dans la seule exécution du contrat illicite, présenté par Nantes Métropole et la SAEML LAD-SELA comme valant concession d'aménagement ;
- avant-dire droit, le recours à un expert judiciaire est nécessaire ;
- l'ensemble des frais engagés, en lien avec l'exercice, par la SAEML LAD-SELA, de son droit de préemption, sur trois parcelles distinctes, le 11 mars 2014, à hauteur de
31 822,67 euros sont en lien direct avec les fautes relevées ;
- l'ensemble des frais engagés, en lien avec l'exercice, par la SAEML LAD-SELA, de son droit d'expropriation, à hauteur de 29 000 euros sont en lien direct avec les fautes relevées ;
- l'ensemble des frais engagés, en lien avec l'exercice, par la SAEML LAD-SELA, du recouvrement forcé de ses créances auprès des consorts C..., à hauteur de 14 000 euros sont en lien direct avec les fautes relevées ;
- l'ensemble des frais engagés par les consorts C... devant le juge administratif du contrat, à hauteur de 15 100 euros sont en lien direct avec les fautes relevées ;
- leurs pertes de loyers escomptés, à hauteur de 922 773 euros sont en lien direct avec les fautes relevées ;
- le préjudice financier, lié aux frais bancaires, générés par la nécessité de rembourser les indemnités d'expropriation initialement perçues était indemnisable ;
- les frais bancaires qu'ils ont subis, du fait des diverses procédures de recouvrement engagées par Nantes Métropole, sous couvert de la SAEML LAD-SELA, doivent être indemnisés à hauteur de 5 720 euros ;
- les irrégularités commises par Nantes Métropole étaient la cause directe de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, ce préjudice devant être indemnisé pour un montant de 237 731 euros ;
- le préjudice lié au règlement, au gré de chaque année, à compter de 2018 des taxes foncières émises sur la parcelle AZ 8, qui rentre dans le périmètre du traité de concession litigieux, est en lien direct avec la faute de Nantes Métropole et doit être évalué à la somme de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, Nantes Métropole, représentée par Me Moghrani, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- faute d'avoir adressé à l'exposante une demande indemnitaire préalable, les conclusions de M. D... C... tendant à la condamnation de la Métropole de Nantes sont irrecevables ;
- les fautes imputables à Nantes Métropole selon les premiers juges, à savoir la signature de la convention de concession qui était entachée de nullité et le retard d'un an pris pour résilier ladite convention, ne présentaient pas de lien direct et certain avec les préjudices invoqués par les requérants ;
- la faute lourde de Nantes Métropole n'est pas établie ;
- les irrégularités commises par Nantes Métropole ne sont pas la cause directe d'une partie du préjudice financier allégué, au titre des pertes de loyers ;
- les irrégularités commises par Nantes Métropole ne sont pas la cause directe des frais d'avocat, expert et huissier engagés par les consorts C..., ces derniers n'ayant d'ailleurs jamais produit la facture des honoraires de leur conseil ;
- les irrégularités commises par Nantes Métropole ne sont pas la cause directe du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués par les requérants ;
- les irrégularités commises par Nantes Métropole ne sont pas la cause directe des frais bancaires exposés par M. et Mme C... et générés par le remboursement des indemnités d'expropriation ;
- le préjudice financier lié à l'absence de perception de loyers du fait du transfert de propriété irrégulier, le préjudice tenant aux frais bancaires résultant du non-remboursement de l'indemnité d'expropriation, ou encore le préjudice tenant aux honoraires d'avocats, d'experts et d'huissiers, à les supposer même suffisamment justifiés, trouvent leur origine dans la procédure d'expropriation annulée par le juge de l'expropriation en 2012 ;
- les préjudices invoqués par les appelants ne sont pas justifiés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Plateaux, représentant M. et Mme C..., et E..., substituant Me Marchand, représentant Loire Atlantique Développement SPL.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention publique d'aménagement du 4 juillet 2005, Nantes Métropole a concédé à la société Loire Atlantique Développement-SELA (LAD-SELA), la réalisation de l'aménagement et la commercialisation des zones d'aménagement concerté (ZAC) à usage d'activités des sites de " Haute Forêt " et de " Maison Neuve " situés respectivement sur le territoire des communes de Carquefou et de Sainte-Luce-sur-Loire. M. et Mme A... et B... C... et leur fils, M. D... C..., sont propriétaires de parcelles situées dans l'emprise de la zone d'aménagement concertée de Maison Neuve située à Sainte-Luce-sur-Loire. Par un arrêté préfectoral du 30 août 2007, le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique les opérations d'acquisition ou d'expropriation des terrains prévus au plan d'aménagement de la ZAC Maison Neuve 2, sur le territoire de la commune de Sainte Luce-sur-Loire. La réalisation de ce projet a supposé la maîtrise foncière de la parcelle cadastrée AZ88 d'une superficie totale de 14 178 m² appartenant aux consorts C.... Une ordonnance d'expropriation a été rendue le
23 février 2009. A la demande de M. et Mme A... et B... C... et de leur fils, M. D... C..., le tribunal administratif, par un jugement du 22 avril 2011, a annulé les arrêtés préfectoraux de déclaration d'utilité publique et de cessibilité des 20 août 2007 et 24 septembre 2008. Par un jugement du 19 avril 2012, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Nantes a constaté le manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation du 23 février 2009 portant transfert de propriété des parcelles et a ordonné la restitution de la parcelle AZ 88 à M. A... C..., ainsi que le remboursement par ce dernier de l'indemnité de dépossession de 170 136 euros qui avait été fixée par la cour d'appel de Rennes le 28 mai 2010. Le 23 décembre 2019, les consorts C... ont adressé, par la voie de leur conseil, une demande indemnitaire à Nantes Métropole tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subi en raison des fautes commises par celle-ci lors de l'exécution de cette convention d'aménagement. Le silence gardé pendant plus de deux mois par Nantes Métropole sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Les consorts C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner Nantes Métropole à leur verser chacun la somme de 1 350 000 euros. Par un jugement du 1er mars 2023, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Les requérants sollicitent l'indemnisation de l'ensemble des frais engagés, en lien avec l'exercice par la société LAD-SELA de son droit de préemption sur trois parcelles distinctes, le
11 mars 2014 de son droit d'expropriation, et du recouvrement forcé de ses créances auprès des consorts C.... Ils sollicitent également l'indemnisation de l'ensemble des frais qu'ils ont engagés devant le juge administratif du contrat, des frais bancaires, générés par la nécessité de rembourser les indemnités d'expropriation initialement perçues et du fait des diverses procédures de recouvrement engagées par Nantes Métropole, de leurs pertes des loyers escomptés du fait de l'impossibilité d'exploiter leurs terrains expropriés, de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait notamment des pressions exercées pour les priver de leurs propriétés et du règlement à compter de 2018 des taxes foncières émises sur la parcelle cadastrée section AZ n° 88. Toutefois, M. et Mme C... ne justifient pas d'un lien de causalité direct entre ces préjudices, liés aux procédures de maitrise foncière par voie de préemption ou d'expropriation, et les fautes de Nantes Métropole dont ils se prévalent, d'avoir signé cette concession d'aménagement illégale, d'avoir trop attendu avant de procéder à la résiliation de la concession d'aménagement, d'avoir laissé la société LAD-SELA acquérir des biens par voie de préemption ou d'expropriation alors que la concession d'aménagement ne l'aurait pas prévu, d'avoir trop aidé financièrement le concessionnaire, ce qui aurait conduit à la requalification de la concession d'aménagement en marché public de travaux et d'avoir refusé de maintenir l'équilibre contractuel initial. A cet égard, s'ils font état de l'illégalité de la concession d'aménagement signée entre Nantes Métropole et la société LAD-SELA le 4 juillet 2005, en raison du fait qu'elle était dépourvue d'un objet légal au motif qu'elle a été signée avant l'approbation du dossier définitif de création de la zone d'aménagement concerté, finalement intervenue le 23 juin 2006, d'une part, il est constant que cette concession d'aménagement n'a fait l'objet ni d'une annulation, ni d'une résolution mais uniquement d'une résiliation le 4 novembre 2019. D'autre part et surtout, la concession d'aménagement elle-même n'a eu aucun effet direct sur la qualité de propriétaire des requérants et donc sur les préjudices dont ils se prévalent en tant que propriétaires. La plus grande partie des procédures invoquées par les requérants sont liées non pas à l'exécution de la concession d'aménagement mais à l'annulation de la déclaration d'utilité publique du 20 août 2007 portant sur la zone d'aménagement en cause, pour un moyen de légalité interne, et à l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêté de cessibilité du 24 septembre 2008, ce qui a conduit à la rétrocession des parcelles expropriées ordonnée par le juge de l'expropriation le 19 avril 2012. En outre, l'illégalité de la concession d'aménagement n'entrainait pas, avant la date de résiliation de la concession intervenue le 4 novembre 2019, une incompétence de la société LAD-SELA pour acquérir les biens faisant l'objet de la concession d'aménagement par voie d'expropriation ou de préemption, en application des articles L. 213-3 et L. 300-4 du code de l'urbanisme et de l'article 7 de la concession d'aménagement. S'agissant des frais engagés par les consorts C... devant le juge administratif du contrat, ils ne présentent pas davantage de liens avec les fautes alléguées, les requêtes de première instance ayant été rejetées pour irrecevabilité ou, pour les procédures de référé, défaut d'urgence. Au demeurant, s'agissant de l'ensemble des frais d'avocat demandés, aucune facture d'honoraires n'est produite.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance de M. D... C... ni d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande à fin de condamnation de Nantes Métropole à les indemniser.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Nantes Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de ces derniers la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en appel par Nantes Métropole et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à Nantes Métropole la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. D... C... et à Nantes Métropole.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00878