Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'annuler la concession d'aménagement conclue entre Nantes Métropole et la société publique locale d'aménagement " Nantes Métropole Aménagement (SPL-NMA) ", pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Erdre-Porterie ", à titre subsidiaire, de résilier ce contrat, à titre infiniment subsidiaire, d'annuler la décision implicite de Nantes Métropole du 23 août 2020 portant rejet de la demande de résolution de la concession d'aménagement litigieuse et, en tout état de cause, d'enjoindre à Nantes Métropole de saisir le juge du contrat afin que soit constatée la nullité du contrat et qu'il soit procédé d'office au traitement des conséquences juridiques et financières d'un tel constat.
Par un jugement n° 2009224 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 août 2023 et 2 avril 2024 et un mémoire enregistré le 30 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme B... C... et M. D... C..., venant aux droits de M. A... C..., décédé, représentés par Me Wistan Plateaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du
28 juin 2023 ;
2°) de prononcer la résiliation de la concession d'aménagement conclue entre Nantes Métropole et la société publique locale d'aménagement " Nantes Métropole Aménagement (SPL-NMA) " pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Erdre-Porterie " ;
3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute était signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont rejeté, à tort, leur demande comme étant irrecevable ; la poursuite de l'exécution du contrat entraîne des flux financiers substantiels, au détriment de Nantes Métropole, et donc au détriment des contribuables locaux, de telle sorte que leur intérêt pour agir, au plan financier et en tant que contribuables locaux, ne peut pas être contesté ;
- le contrat litigieux a été signé au plus tard le 24 octobre 2003, alors que la ZAC n'a été créée que le 10 décembre 2014, soit en toute irrégularité, ce qui impose sa résolution de plein droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2024, Nantes Métropole, représentée par Me Moghrani, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun élément ne permet de démontrer l'existence de conséquences significatives du contrat litigieux sur les finances publiques ou sur le patrimoine de la collectivité et, par conséquent, les requérants n'avaient pas intérêt pour agir en première instance ;
- une convention d'aménagement peut être signée avant la création de la ZAC dès lors qu'ont été définis les éléments essentiels de l'opération.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Plateaux, représentant M. et Mme C....
Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme C..., par Me Plateaux, a été enregistrée le 10 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un traité de concession signé le 24 octobre 2003, le conseil métropolitain de Nantes métropole a confié à la société publique locale d'aménagement " Nantes Métropole Aménagement " (SPLA NMA) l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Erdre-Porterie ". Par un courrier du 6 mai 2020, réceptionné le 12 mai suivant, les consorts C... ont sollicité de Nantes Métropole la résolution de ce contrat. Cette demande a été rejetée implicitement. Les consorts C..., qui se prévalent de leur qualité de contribuables locaux, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ou résilier ce contrat, et à titre très subsidiaire, d'annuler la décision implicite rejetant leur demande de résolution. Par un jugement du 28 juin 2023, le tribunal a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande de résiliation du contrat.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité sur ce point.
3. En second lieu, un tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat.
4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution d'un contrat administratif, il appartient au juge du contrat d'apprécier si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu'il y fasse droit et d'ordonner après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé.
5. Il résulte de l'instruction, et en particulier des avenants nos 10 et 15 auxquels font référence les requérants, que Nantes Métropole a versé au concessionnaire la somme de
2 690 000 euros HT lors de l'année 2020 et que la participation financière, d'un montant total de 3 734 000 euros HT sera intégralement versée en 2027. Enfin, la rémunération du concessionnaire est fixée à 40 000 euros pour les années 2022 à 2025, 80 000 euros pour l'année 2026 et
65 000 euros pour l'année 2027, avec une rémunération de clôture fixée à 15 000 euros. Au vu de l'importance du montant total de ces sommes, les requérants, qui se prévalent de la qualité de contribuables locaux, établissent que la poursuite de l'exécution de la convention litigieuse serait susceptible d'emporter des conséquences significatives sur les finances de Nantes Métropole et ainsi, de les léser d'une façon suffisamment directe et certaine.
6. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à la résiliation de la concession d'aménagement susmentionnée comme irrecevable et, eu égard à cette irrégularité, le jugement attaqué du 28 juin 2023 doit être annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à la résiliation du contrat.
7. Il y a lieu, dans ces circonstances, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes et la cour administrative d'appel.
Sur le bien-fondé de la demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution de la concession d'aménagement :
8. Les tiers ne peuvent utilement soulever, à l'appui de leurs conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, que des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours, de ce que le contrat est entaché d'irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d'office ou encore de ce que la poursuite de l'exécution du contrat est manifestement contraire à l'intérêt général. A cet égard, les requérants peuvent se prévaloir d'inexécutions d'obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l'intérêt général. En revanche, ils ne peuvent se prévaloir d'aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise. En outre, les moyens soulevés doivent, sauf lorsqu'ils le sont par le représentant de l'Etat dans le département ou par les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, être en rapport direct avec l'intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut.
9. Aux termes de l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la signature de la concession d'aménagement en litige : " Dans le cas où une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités qui a décidé de mener une opération publique d'aménagement au sens du présent livre en confie la réalisation à un aménageur dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et décide de participer au coût de l'opération, la convention précise à peine de nullité : 1° Les modalités de cette participation financière, qui peut prendre la forme d'apports en nature ; 2° Le montant total de cette participation et, s'il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ; (...). ".
10. Il résulte de l'instruction que la concession d'aménagement conclue entre Nantes Métropole et la société publique locale d'aménagement " Nantes Métropole Aménagement (SPL-NMA) ", au titre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Erdre-Porterie " a été signée le
24 octobre 2003 alors que le dossier de création de la ZAC n'a été approuvé qu'en 2004, Nantes Métropole n'apportant aucun élément de preuve contraire aux éléments apportés par les requérants. Toutefois, la circonstance que la concession d'aménagement, dont la réalisation de la ZAC est l'objet, était, lors de sa signature, dépourvue de cause, n'impose pas à Nantes Métropole de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours. De même cette irrégularité n'est pas, en l'espèce, de nature à faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat, dès lors que la ZAC a finalement été créée et qu'aucune incohérence entre cette concession et le dossier de création de ZAC n'a été relevée par les requérants. Enfin, le vice affectant le contrat ne permet pas de regarder la poursuite de son exécution comme étant manifestement contraire à l'intérêt général. Par conséquent, le moyen soulevé, qui au demeurant n'est pas en rapport direct avec l'intérêt lésé dont les consorts C... se prévalent, n'est pas opérant et doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander que soit ordonnée la résiliation de la concession d'aménagement conclue entre Nantes Métropole et la société publique locale d'aménagement " Nantes Métropole Aménagement (SPL-NMA) ", pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Erdre-Porterie ".
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Nantes Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... C... et M. D... C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de ces derniers la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par Nantes Métropole et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à la résiliation du contrat.
Article 2 : La demande présentée en première instance par M. et Mme C... tendant à la résiliation du contrat et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Mme B... C... et M. D... C... verseront à Nantes Métropole la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. D... C..., à Nantes Métropole et à la société publique locale d'aménagement " Nantes métropole Aménagement ".
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02500