Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 30 janvier 2023 par laquelle l'autorité consulaire française à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour aux enfants A... B... et C... B... au titre de la procédure de réunification familiale.
Par un jugement n°2302831, 2302832 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de refus de visa opposée à l'enfant A... B... et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à l'enfant A... B... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, puis a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mars et le 6 aout 2024, M. B..., représenté par Me Kwemo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2024du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2023 par laquelle l'autorité consulaire française à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... B... au titre de la procédure de réunification familiale ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2023 par laquelle l'autorité consulaire française à Bamako a refusé de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... B... au titre de la procédure de réunification familiale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de délivrance de visa long séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation :
* les éléments fournis attestent de manière non équivoque son lien de filiation avec l'enfant C... B... ;
* l'acte de naissance de l'enfant C... B... est probant ;
* par une décision du 13 mars 2024, le tribunal de grande instance de la commune II du district de Bamako a rendu un jugement supplétif d'acte de naissance de l'enfant C... B... ;
- elle méconnait les articles L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée le 20 mars 2024 au ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, est bénéficiaire de la protection subsidiaire en France depuis le 8 juillet 2020. Par deux demandes, il a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux décisions du 30 janvier 2023 par lesquelles l'autorité consulaire française à Bamako a refusé de délivrer aux enfants A... et C... B... des visas de long séjour au titre de la procédure de réunification familiale. Par un jugement du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de refus de visa opposée à l'enfant A... B..., a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à l'enfant A... B... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Par sa requête, M. B... doit être regardé comme demandant à la cour l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision de refus de visa de long séjour opposée à l'enfant C... B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) ". L'article L. 561-5 du même code prévoit que : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. "
3. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. En l'espèce, pour refuser de délivrer à M. B... le visa sollicité, la commission de recours contre les refus de visa, qui s'est approprié les motifs retenus par l'autorité consulaire française à Bamako, s'est fondée sur l'absence de justification de l'identité et de la situation de famille de l'enfant C... B..., en raison du caractère non probant des documents produits et du caractère frauduleux de la demande de visa.
6. Toutefois, le requérant a produit en première instance une copie littérale d'acte de naissance dressée le 13 mars 2023 dont les mentions sont dactylographiées et sur laquelle apparaissent les mentions manquantes dans le volet n°3 de l'acte de naissance initialement produit. Il ressort également des pièces du dossier que le maire de la commune I du district de Bamako a, le 19 avril 2024, adressé un courrier au consul de l'ambassade de France au Mali dans lequel il mentionne que sa correspondance du 7 mars 2023, faisant état de l'absence de certains registres avant archivage, est authentique et que la copie littérale de l'acte de naissance de l'enfant avait été renseignée sur la base des informations verbales de Madame D... F..., épouse du requérant. En outre, par une décision du 13 mars 2024, produite en appel, le tribunal de grande instance de la commune II du district de Bamako a rendu un jugement supplétif d'acte de naissance de l'enfant C... B..., dont le caractère authentique n'est pas remis en cause par le ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a estimé que la copie littérale d'acte de naissance de l'enfant C... B... versée au dossier ne pouvait être regardée comme étant revêtue d'un caractère suffisamment probant.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision de refus de visa de long séjour opposée à l'enfant A... B....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à l'enfant C... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. E... B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2302831, 2302832 du 12 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision de refus de visa de long séjour opposée à l'enfant C... B..., est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... B... au titre de la procédure de réunification familiale, est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant C... B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. E... B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00768