Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique les a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation du studio situé au 3ème étage de l'immeuble situé 12, quai de Turenne à Nantes (lot n° 49), dont ils sont propriétaires.
Par un jugement n° 2009480 du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a mis en demeure M. A... et Mme D... de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation du studio situé au 3ème étage de l'immeuble situé 12, quai de Turenne à Nantes (lot n° 49).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. A... et Mme D....
Elle soutient que :
- il convient d'appliquer, s'agissant d'un plein contentieux, les dispositions du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés, entrées en application le 1er octobre 2023, pour apprécier si le local est propre ou impropre à l'habitation et les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en ne le faisant pas ;
- le local est impropre à l'habitation au motif qu'il est constitué, outre d'une petite salle d'eau, de deux pièces en enfilade, l'une à usage de cuisine, l'autre de chambre, séparées par une épaisse cloison et communiquant entre elles par un étroit espace sous pente d'une largeur d'1,22 m et d'une hauteur descendant progressivement d'1,79 m à 1,30 m ;
- les pièces ne disposent que d'une hauteur sous plafond de 2,20 m sur une surface respectivement de 7,92 m² (cuisine) et de 4,91 m² (chambre), ce qui est donc inférieur au minimum fixé de 2,20 m de hauteur sous plafond continue pour la surface exigée de 9 m² pour au moins une pièce de vie, au sens des articles R. 1331-20 et R. 1331-23 du code de la santé publique ; en outre, même si le volume habitable de chacune de ces pièces n'est pas précisé, il est manifeste qu'il ne peut être supérieur ou égal à 20 m3, empêchant qu'il puisse être dérogé aux règles de hauteur et de surface minimales précitées ;
- l'exigüité du local génère les risques pour la santé physique, pour la santé psychologique et pour la santé sociale ;
- à supposer même que le logement soit regardé comme ne comportant qu'une seule pièce et non deux, les risques sanitaires associés à l'exigüité du local continueraient à justifier sa nature impropre à l'habitation, notamment en application des articles R. 1331-20 et R. 1331-23 du code de la santé publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet et 11 octobre 2024, M. A... et Mme D..., représentés par Me Bardoul, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car tardive ;
- les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés ;
- le logement n'est pas impropre à sa destination ;
- la sous-section 2 " Caractéristiques des locaux propres à l'habitation " de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, a été annulée par une décision du conseil d'Etat du 29 août 2024, n° 488640.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Geffroy, substituant Me Bardoul, représentant M. A... et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... et Mme C... D... sont propriétaires d'un studio correspondant au lot no 49 d'un immeuble situé 12, quai de Turenne sur le territoire de la commune de Nantes. Ce studio est aménagé sous les combles situés au quatrième niveau de cet immeuble. Par l'article 1er d'un arrêté pris le 24 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a mis en demeure M. A... et Mme D... de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de ce studio. Ses propriétaires ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 24 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique. La ministre du travail, de la santé et des solidarités fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral de mise en demeure : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) ". L'article L. 1331-23 applicable à la date du présent arrêt reprend en substance des dispositions semblables dès lors qu'il dispose que " Ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l'article L. 1331-22, que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d'ouverture sur l'extérieur ou dépourvues d'éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l'habitation (...) ".
3. D'autre part, le premier alinéa de l'article 251-4 du règlement sanitaire départemental de la Loire-Atlantique énonce qu'un logement comprend des pièces principales destinées au séjour et au sommeil et des pièces de service telles que notamment une cuisine et une salle d'eau. Son deuxième alinéa précise qu'un logement comporte au moins une pièce principale et une pièce de service, c'est-à-dire, soit une salle d'eau, soit un cabinet d'aisances, un coin cuisine pouvant éventuellement être aménagé dans la pièce principale. Le sixième alinéa du même article du règlement définit la surface habitable d'un logement ou d'une pièce comme correspondant à la surface au plancher construit, après déduction des surfaces occupées par les murs, les cloisons, les marches et cages d'escaliers, les gaines et l'ébrasement de portes et fenêtres. Le quatrième et le cinquième alinéas prescrivent, respectivement, que la surface habitable d'un logement est au moins égale à 16 mètres carrés (m²) et que la moyenne minimale des surfaces des pièces habitables principales est de 9 m², aucune de ces pièces ne devant être d'une surface inférieure à 7 m². Enfin, le dernier alinéa de cet article 251-4 du règlement sanitaire départemental prévoit que la hauteur sous plafond des pièces principales et de la cuisine est au moins égale à 2,30 mètres et que la superficie des pièces mansardées à prendre en compte est égale à la moitié des surfaces mesurées entre une hauteur de 1,30 et 2,20 mètres. L'article 251-5 de ce règlement sanitaire départemental de la Loire-Atlantique dispose : " Toutes les pièces principales des logements et les pièces isolées sont pourvues d'ouvertures donnant à l'air libre. / La surface ouvrante sera au moins égale au dixième de la superficie des pièces. / (...) Lorsqu'un local, tel que la cuisine, le cabinet d'aisances, la salle d'eau ne dispose pas de fenêtre, il doit être pourvu d'un système d'évacuation de l'air vicié débouchant à l'extérieur (...) ". L'article 261-4 de ce règlement, relatif au " WC avec broyeur " dispose : " Le système de cabinet d'aisances comportant un dispositif de désagrégation des matières fécales est interdit dans tout immeuble neuf, quelle que soit l'affectation. / Toutefois, en vue de faciliter l'aménagement de cabinet d'aisances dans les logements anciens qui en sont totalement démunis, faute de possibilité technique de raccordement, il peut être installé, exceptionnellement, après autorisation du maire et après avis de l'autorité sanitaire, des cuvettes comportant un dispositif mécanique de désagrégation des matières fécales avant leur évacuation. (...) ".
4. Si un local ne saurait être qualifié d'impropre par nature à l'habitation au seul motif qu'il méconnaîtrait l'une des prescriptions du règlement sanitaire départemental applicable, lequel n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, il appartient toutefois à l'administration, pour apprécier si un local est impropre par nature à l'habitation, de prendre en compte toutes les caractéristiques de celui-ci, notamment celles qui méconnaissent les prescriptions du règlement sanitaire départemental.
5. Le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé, pour prendre l'arrêté du 24 juillet 2020 mettant en demeure M. A... et Mme D... de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation du local dont ils sont propriétaires, sur la circonstance que ce local était par nature impropre à l'habitation dès lors qu'il ne comporte pas de pièce principale dont la surface est au moins égale à 9 m2 avec une hauteur sous plafond supérieure à 2,20 m, que la surface ouvrante dans la cuisine est inférieure à 1/10ème de la superficie de la pièce, qu'un WC broyeur a été installé sans autorisation municipale et qu'il existe un risque de heurts pour passer d'une pièce à l'autre en circulant dans les pièces.
6. En premier lieu, la ministre du travail, de la santé et des solidarités ne peut utilement se prévaloir de l'application des articles R. 1331-20 et R. 1331-23 du code de la santé publique issus du décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés, dès lors que ces articles ont été annulés par une décision du conseil d'Etat n° 488640 du 29 août 2024 " Fédération Droit au Logement ".
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de visite du
9 janvier 2020 des inspectrices du secteur hygiène du pôle protection des populations de la commune de Nantes, que le logement en cause est composé d'une cuisine, une chambre, une salle d'eau avec WC, que la cuisine et la chambre sont séparées par une cloison et que le passage entre les deux espaces se fait par une ouverture, sous pente, de 1,22 m de large et au plus haut de 1,79 m. Le rapport retient une surface du logement " d'environ 18,94 m2 " mais précise que " La surface de la cuisine est de 7,92 m2 avec une hauteur sous plafond supérieure à 2,20 m, + 0,90 m2 de surface mansardée ", que " La surface de la chambre est de 4,91 m2 avec une hauteur sous plafond supérieure à 2m20 + 3,28 m2 de surface mansardée " et que " la surface de la pièce sanitaire est de 1,44 m2 ". Ainsi, à supposer même que la cuisine et la chambre ne puissent être regardées comme constituant une seule pièce principale, dès lors que ces deux espaces sont reliés par une ouverture d'1,22 m de large et 85 cm de long, dont la hauteur varie de 1,79 m à 1,30 m, ce qui nécessite, pour passer d'un espace à l'autre, " de se baisser légèrement " selon les termes du constat d'huissier de justice du 3 octobre 2024 produit par M. A... et Mme D..., leurs surfaces totales respectives, de 8,82 m2 et
8,19 m2, présentent un faible écart par rapport à la surface minimale de 9 m2 exigée par le règlement sanitaire départemental. En outre, 12,83 m² des 19,48 m² de la surface globale du local sont situés sous une hauteur au moins égale à 2,20 m, alors que seuls 4,18 m² correspondent à une surface mansardée.
8. En troisième lieu, s'il résulte de l'instruction que la surface ouvrante de la cuisine est de 62 cm2 au lieu des 88 cm2 exigés, cet écart n'est pas significatif, alors d'ailleurs que la chambre située en enfilade comporte également une ouverture dont peut bénéficier la cuisine. En tout état de cause, il ressort du courrier de la maire de Nantes du 28 mai 2020 que M. A... et Mme D... ont envoyé une proposition permettant d'agrandir les surfaces ouvrantes et il n'est ni établi ni même allégué que cette solution aurait été techniquement impossible.
9. En quatrième lieu, la circonstance qu'un WC broyeur ait été installé sans autorisation municipale n'est pas de nature à caractériser un local par nature impropre à l'habitation, alors que cette absence d'autorisation pourrait être régularisée comme l'ont d'ailleurs sollicité M. A... et Mme D...,
10. En cinquième lieu, si le passage entre l'espace dédié à la cuisine et l'espace affecté à usage de chambre est situé sous pente et est d'une hauteur qui atteint 1,79 m à son point le plus haut, il ne résulte pas de l'examen des photographies produites, et au vu du constat d'huissier de justice, que la hauteur de ce passage ne serait pas globalement suffisante pour assurer, tout en prenant les précautions d'usage, la circulation entre ces deux parties du logement. Si l'espace à usage de cuisine est traversé par des poutres, d'une part, sa surface située sous une hauteur au moins égale à 2,20 m est égale à 7,92 m², d'autre part, la présence de ces poutres, sous lesquelles ont été installées une table et des chaises, ne gêne pas la circulation vers la salle d'eau avec toilettes. S'agissant de la chambre, la poutre, en partie mansardée est située essentiellement au niveau de la tête de lit, ce qui ne fait pas obstacle à un usage normal de la chambre, l'espace restant étant quant à lui d'une hauteur sous plafond suffisante pour se mouvoir.
11. En sixième et dernier lieu, la ministre soutient également que l'exiguïté du local génère un risque pour la santé psychologique de l'occupant, " du fait de la sensation d'oppression génératrice de pathologies mentales liées à la surface réduite, à la hauteur sous plafond et à la pente du plafond " et un risque pour la santé sociale de l'occupant, " du fait de l'impossibilité de recevoir, génératrice d'une altération de lien social et d'un isolement de la personne ". Si la mise en demeure contestée se réfère, de manière globale, au rapport du directeur du service communal d'hygiène et de santé de Nantes du 15 mai 2020, qui mentionne ces risques, elle ne reprend pas ces risques dans ses motifs et, en tout état de cause, les risques allégués ne sont pas établis, au vu notamment des attestations des anciens locataires du logement.
12. Il résulte de l'ensemble des éléments cités aux points 2 à 11 que le moyen tiré de ce que le local en cause appartenant à M. A... et Mme D... serait par nature impropre à l'habitation doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que la ministre du travail, de la santé et des solidarités n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 24 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre du travail, de la santé et des solidarités est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... et Mme D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et à M. B... A... et Mme C... D....
Une copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00824