Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a ordonné, avant de se prononcer sur les conclusions de la requête présentée par M. et Mme C... et B... D..., tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lanester à réparer l'intégralité des préjudices consécutifs à la contamination de leur fille, E..., par la bactérie Escherichia Coli au sein de la crèche municipale de Lanester, et après avoir retenu la responsabilité du centre communal d'action sociale de Lanester quant à cette contamination, qu'il soit procédé à une expertise médicale afin d'évaluer l'étendue des préjudices invoqués. L'expert désigné a déposé son rapport le 27 juin 2023. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre communal d'action sociale de Lanester à les indemniser d'une somme de 107 652 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par leur fille, d'une somme de 25 944 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, ainsi que d'une somme de 45 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme demandait, pour sa part, la condamnation du CCAS à lui rembourser la somme de 1 823,02 euros versée aux époux D..., ainsi que la somme de 607,67 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.
Par un jugement n° 2002077 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CCAS de Lanester à verser à M. et Mme D..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille E..., la somme totale de 15 763 euros, avec intérêts à compter du 24 janvier 2020 et capitalisation des intérêts à compter du 24 novembre 2023, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1 823,02 euros et la somme de 607,67 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge définitive du CCAS de Lanester les frais de l'expertise médicale liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. et Mme D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2024, le CCAS de Lanester, représenté par Me Phelip, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 février 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Rennes ou à titre subsidiaire de constater le caractère injustifié et excessif des sommes réclamées ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune faute de service n'a été commise, la contamination du patient zéro au sein du cercle familial étant hautement probable, les règles d'hygiène étaient scrupuleusement respectées par le personnel de la crèche ; dès les premiers jours de l'apparition des symptômes des communiqués ont été adressés aux familles pour préciser le nom de la maladie, les signes cliniques et les personnes à contacter pour assurer la prise en charge médicale des enfants ;
- la contamination de la jeune E... n'étant par ailleurs pas de nature à créer une rupture d'égalité devant les charges publiques, sa responsabilité sans faute ne peut être engagée ; aucun préjudice anormal et spécial n'est établi ;
à titre subsidiaire :
- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, une juste indemnité ne saurait excéder 1 150 euros ;
- concernant les souffrances endurées, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant aux requérants une indemnité de 1 850 euros ;
- le préjudice d'angoisse n'est pas établi ;
- s'agissant du déficit fonctionnel permanent partiel, l'indemnité ne saurait excéder 1 800 euros ;
- le préjudice d'anxiété n'est pas établi ;
- la somme de 3 000 euros réclamée au titre du remboursement de la facture du docteur A... est exorbitante et devra être ramenée à de plus justes proportions ;
- l'assistance par une tierce personne n'est pas établie ;
- le préjudice d'attente et d'inquiétude des parents de la jeune E... n'est pas établi ;
- le préjudice d'affection de M. et Mme D... n'est pas établi ;
- les troubles dans les conditions d'existence de M. et Mme D... ne sont pas établis ;
- eu égard aux imprécisions de l'attestation d'imputabilité et à l'absence de justification probante des frais hospitaliers, aucune somme ne saurait être allouée à la CPAM du Puy-de-Dôme.
Par un mémoire, enregistré le 20 août 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Meunier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du CCAS de Lanester la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le CCAS n'a pas fait appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 avril 2022 statuant sur la responsabilité et le droit à réparation et il n'est donc pas recevable à solliciter l'annulation du jugement du 8 février 2024 en ce qu'il a retenu sa responsabilité ;
- elle a justifié par le relevé versé aux débats ainsi que l'attestation d'imputabilité, qu'elle avait dû supporter des frais pendant l'hospitalisation de la jeune E... D....
Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2024, M. et Mme D..., représentés par Mes Bibal et Mahieu, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit fait droit à l'intégralité de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) à ce que soit mise à la charge du CCAS de Lanester la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- à titre principal, le CCAS n'a pas fait appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 avril 2022 statuant sur la responsabilité et leur droit à réparation et il n'est donc pas recevable à solliciter l'annulation du jugement du 8 février 2024 en ce qu'il a retenu sa responsabilité, alors que ce dernier jugement ne statue que sur les préjudices subis et leur évaluation ;
- à titre subsidiaire, le CCAS a commis une faute dès lors que les règles d'hygiène n'étaient pas respectées, notamment lors du change des enfants, ce qui a permis la contamination d'un très grand nombre d'entre eux, qu'il y a eu un retard de la crèche à informer les parents de la contamination en cours et qu'elle n'a pas pris les mesures de nature à prévenir les risques et à s'assurer du bien-être des enfants dont elle avait la charge ; la contamination de la jeune E... constitue une rupture d'égalité engageant la responsabilité sans faute du CCAS ; la contamination dont la jeune E... a été victime au sein de la crèche " Lucie Aubrac " est en lien direct et certain avec la dégradation de son état de santé, son hospitalisation et les soins qui ont été et seront nécessaires ;
- le déficit fonctionnel temporaire de leur fille, qui doit être évalué sur la base d'un taux de 30 euros par jour, s'élève à 2 652 euros ;
- l'évaluation à 2/7 des souffrances endurées leur paraît faible, au regard notamment de la durée de la période avant consolidation et du contexte d'hospitalisation ; les souffrances endurées par leur fille doivent être indemnisées à hauteur de 20 000 euros ;
- le préjudice d'angoisse de leur fille doit être évalué à la somme de 15 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 50 000 euros ;
- le préjudice d'anxiété de leur fille, au regard du contrôle médical annuel de sa fonction rénale, doit être reconnu par le versement d'une somme de 20 000 euros ;
- les frais divers exposés dans le cadre de la présente procédure, incluant l'assistance à l'expertise, dont ils devront être indemnisés, s'élèvent à 3 000 euros ;
- l'évaluation du coût pour l'assistance par tierce personne pendant l'hospitalisation de l'enfant puis pendant la période qui a suivi, doit conduire à une indemnisation de
22 944 euros ;
- ils ont eux-mêmes été, en tant que parents, très impactés par les conséquences de la faute du centre communal d'action sociale de Lanester ;
- leur préjudice d'attente et d'inquiétude s'élève, pour chacun d'eux, à 15 000 euros ;
- leur préjudice d'affection, réactivé à chaque examen médical subi par leur fille, s'élève, pour chacun d'eux, à 15 000 euros ;
- les troubles dans leurs conditions d'existence doivent être évalués à la somme de 15 000 euros chacun.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
- et les observations de Me Boone, substituant Mes Bibal et Mahieu, pour M. et Mme D... et de H..., substituant Me Meunier, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Considérant ce qui suit :
1. Alors qu'elle était âgée de dix mois et fréquentait la crèche municipale de Lanester, la jeune E... D... a été victime d'une infection à la bactérie Escherichia Coli, à l'origine du syndrome hémolytique et urémique (SHU) qui a conduit à son hospitalisation. Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal a constaté que le centre communal d'action sociale (CCAS) de Lanester avait méconnu ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants inscrits à la crèche municipale, garantissant leur santé et leur sécurité, conformément aux exigences de l'article R. 2324-17 du code de la santé publique et que cette faute était de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, le tribunal a décidé, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme D..., parents de la jeune E..., de faire procéder à une expertise afin de compléter et d'actualiser les opérations d'expertise déjà réalisées, sur ordonnance du 18 novembre 2019 du tribunal judiciaire de Lorient. Le Dr de G..., expert désigné par le président du tribunal, a remis son rapport le 27 juin 2023. Les époux D... demandent, dans le dernier état de leurs écritures, la condamnation du CCAS de Lanester à leur verser une somme de 107 652 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par leur fille, une somme de 25 944 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux, ainsi qu'une somme de 45 000 euros chacun au titre de leurs préjudices propres. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme demande, pour sa part, la condamnation du CCAS à lui rembourser la somme de 1 823,02 euros versée aux époux D..., ainsi que la somme de 607,67 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996. Par un jugement du 8 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CCAS de Lanester à verser à M. et Mme D..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille E..., la somme totale de 15 763 euros, avec intérêts à compter du 24 janvier 2020 et capitalisation des intérêts à compter du 24 novembre 2023, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1 823,02 euros, outre la somme de 607,67 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge définitive du CCAS de Lanester les frais de l'expertise médicale liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par M. et Mme D.... Le CCAS de Lanester fait appel de ce jugement. M. et Mme D... demandent, par la voie de l'appel incident, qu'il soit intégralement fait droit à la demande qu'ils ont présentée au tribunal.
Sur la responsabilité du CCAS de Lanester :
2. Aux termes de l'article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. -L'accueil du jeune enfant consiste à prendre régulièrement ou occasionnellement soin d'un ou de plusieurs jeunes enfants à la demande de leurs parents ou responsables légaux en leur absence ou, en tant que de besoin ou de manière transitoire, en leur présence. L'accueil de jeunes enfants au sens du premier alinéa est assuré, selon leur mode respectif, par : (...) 2° Les établissements et services mentionnés à l'article L. 2324-1 du code de la santé publique, à l'exception des pouponnières à caractère sanitaire et des accueils mentionnés au troisième alinéa du même article, ainsi que les services d'accueil collectif recevant des enfants âgés de plus de deux ans scolarisés, avant et après la classe ; (...) II. -Les personnes physiques ou morales qui assurent l'accueil du jeune enfant : 1° Veillent à la santé, la sécurité, au bien-être et au développement physique, psychique, affectif, cognitif et social des enfants qui leur sont confiés ; (...) ". L'article R. 2324-28 du code de la santé publique précise que : " (...) Les personnels des établissements y accomplissent leurs tâches dans des conditions satisfaisantes de sécurité, d'hygiène et de confort, en portant aux enfants une attention constante et en organisant de manière adaptée à leurs besoins les repas, le sommeil, le repos, les soins corporels et les activités de jeu et d'éveil. (...) ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, le 5 novembre 2012, le pédiatre de la crèche municipale de Lanester a alerté l'Institut de veille sanitaire (IVS) de la survenue sur une période de quinze jours de trois cas de SHU pédiatrique. La crèche a été fermée les 12 et 13 novembre 2012 afin de procéder à un bionettoyage et de donner le temps au personnel de revoir les mesures d'hygiène stricte permettant d'éviter une transmission de personne à personne. Toutefois, les résultats du plan de nettoyage et de désinfection entrepris s'étant avérés insatisfaisants, il a été décidé une nouvelle fermeture de la structure à compter du 19 novembre jusqu'au 2 décembre 2012. Le rapport de l'Institut de veille sanitaire indique que " l'investigation menée auprès des trois cas de SHU, deux filles de 6 et 10 mois, un garçon de 15 mois, n'a pas permis d'identifier d'autres expositions à risque commun que la fréquentation de la structure. Ces trois cas n'avaient pas le même régime alimentaire au sein de la crèche, du fait de leur âge, les enfants avaient une alimentation plus ou moins lactée et l'enfant le plus jeune ne mangeait pas de viande. (...) Aucun cas de diarrhée n'a été identifié dans l'entourage familial de ces trois enfants. (...) Dix-huit cas ont été identifiés dont six cas confirmés d'infection à E. Coli, un cas probable et onze cas possibles. (...). Aucun cas n'a été identifié dans l'entourage familial des cas confirmés ou probables. (...) Compte tenu des éléments recueillis lors des investigations, l'hypothèse d'une contamination interhumaine a été retenue, l'origine du premier cas restant indéterminée. ". Un rapport de visite du 7 novembre 2012 rédigé par une infirmière de santé publique et un technicien sanitaire de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, a relevé plusieurs anomalies au sein de la crèche : " de nombreux documents faisant référence aux modalités de nettoyage et de désinfection des surfaces et des équipements sont incomplets, obsolètes et l'information est beaucoup trop éparpillée, exemple (...) les fiches de nettoyage des jouets n'indiquent pas de façon précise le roulement mis en place pour que l'ensemble des jouets soient régulièrement désinfectés. (...) La traçabilité des opérations de nettoyage n'est pas assurée : pas de document émargé par le personnel une fois la tâche effectuée. Aucun autocontrôle bactériologique de surface ne permet de vérifier l'efficacité des opérations de nettoyage et de désinfection. Certaines bouches de VMC sont très empoussiérées et aucun document permettant d'attester de l'entretien régulier des gaines de ventilation n'a été présenté ", " les stockages de matériels, produits, gênent le nettoyage des surfaces. Les chaussures du personnel (...) entravent également les opérations d'entretien. ". S'agissant de l'espace " change ", " des distributeurs de savon et de serviettes ne sont pas installés à proximité immédiate de chaque plan de change et aucun affichage ne rappelle des règles de lavage hygiénique des mains. ". Des anomalies dans la sécurité sanitaire des aliments ont également été constatées. Alors que les investigations menées par l'IVS confirment que la contamination des enfants s'est faite à la crèche, le CCAS se borne à produire une simple liste des mesures d'hygiène et des formations en matière d'hygiène mises en place à partir d'avril 2011, un protocole de lavage des mains non daté et quatre analyses d'échantillons alimentaires en 2012, ce qui n'est pas suffisant pour infirmer les éléments précités. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le CCAS de Lanester a méconnu ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants garantissant leur santé et leur sécurité et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
4. En second lieu, il résulte du rapport d'expertise rédigé le 5 octobre 2020 à la demande du tribunal judiciaire de Lorient que E... D... a été victime d'un syndrome hémolytique et urémique typique avec une anémie ayant nécessité la transfusion de trois concentrés globulaires et une atteinte rénale initiale, limitée à une simple hématurie microscopique et une protéinurie modérée, qui est imputable de manière directe et certaine à l'infection à la bactérie E. Coli contractée en fin d'année 2012, dans le contexte épidémique constaté à Lanester, marqué par de nombreuses anomalies constatées dans l'application des règles d'hygiène, comme il a été dit au point 3. S'il est vrai que la contamination du " patient zéro " demeure inexpliquée, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que la contamination de la fille de F... et Mme D..., troisième cas constaté, aurait pu intervenir en dehors de la crèche municipale. Le CCAS de Lanester n'est dès lors pas fondé à soutenir que le lien de causalité entre la faute tenant à la méconnaissance, par le CCAS de Lanester, de ses obligations de prévoir et d'organiser des conditions d'accueil des enfants garantissant leur santé et leur sécurité et les préjudices subis par la jeune E... D... et ses parents liés à la contamination de l'enfant par la bactérie E. Coli au sein des locaux de la crèche n'est pas établi. Par conséquent, le CCAS de Lanester doit être condamné à réparer les préjudices qui en résultent.
Sur les conclusions subsidiaires du CCAS de Lanester tendant à la réduction de l'indemnisation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices de la jeune E... D... :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
5. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 7 décembre 2022 que E... a d'abord souffert d'une gastro entérite pendant la période du 9 au 30 octobre 2012, entrainant un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pendant 21 jours, que ses symptômes se sont aggravés entre le 31 octobre et le 1er novembre 2012, portant son déficit fonctionnel temporaire à 50 % pendant cette journée et que ce déficit a été total pendant les 5 jours de son hospitalisation au CHU de Rennes puis à l'hôpital de Lorient. Après son retour à domicile, le 7 novembre 2012, elle a fait l'objet d'un suivi médical régulier et son état s'est progressivement rétabli avec un déficit fonctionnel temporaire de 25 % entre le
8 novembre 2012 et le 5 juin 2013, soit pendant 209 jours. Enfin, l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire de 10 % jusqu'à la consolidation de son état de santé, le 31 décembre 2013, soit pendant 208 jours. Sur la base d'un taux de 20 euros par jour, ce préjudice peut donc être évalué à la somme globale de 1 613 euros, comme l'a indiqué le tribunal.
S'agissant des souffrances endurées :
6. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par E... ont été évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 7 degrés, en tenant compte des symptômes dont elle a souffert, de son état de fatigue, de son hospitalisation avec des soins reçus et une transfusion, puis de la surveillance médicale dont elle a fait l'objet. Si M. et Mme D... font valoir que cette évaluation est insuffisante et doit être portée a minima à 3/7, compte tenu notamment des soins dont leur fille a fait l'objet et du caractère difficile d'une hospitalisation pour un enfant de dix mois, l'expert a relevé que la jeune E... n'avait pas conservé de souvenir de cet épisode. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros, comme l'a jugé le tribunal administratif de Rennes.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
7. L'expert judiciaire a estimé que " les examens annuels constituent une faible mais réelle contrainte ", mais que " le retentissement psychologique dont le lien direct avec le SHU n'est pas établi ne présente pas le caractère d'intensité invoqué " et a en conséquence déterminé le déficit permanent partiel à 1 %. Comme il a été dit au point 6, E... n'a gardé aucun souvenir des faits. Sa crainte des aiguilles et sa rancœur envers sa mère pour " n'avoir pas su la protéger " semblent davantage liées à son diabète qu'au SHU. S'agissant des lésions physiques, si M. et Mme D... se prévalent d'une étude de 2020 indiquant que le SHU et les thyroïdites auto-immunes " peuvent (...) déclencher le développement l'un de l'autre ", il s'agit d'une étude chinoise ne portant que sur un seul cas clinique. Le lien entre le SHU et le diabète n'est pas davantage établi. Par conséquent, comme l'a jugé le tribunal administratif, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 150 euros.
En ce qui concerne les préjudices des parents de E... D... :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
8. M. et Mme D... ont produit une facture du docteur A..., correspondant à la consultation du dossier médical, à la consultation préparatoire avec eux, au déplacement du docteur A... et à l'assistance à l'expertise organisée à Rennes. Contrairement à ce que soutient le CCAS de Lanester, la seule circonstance que par une ordonnance du 9 janvier 2023 le président du tribunal administratif de Rennes a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert et de son sapiteur à la somme totale de 1 000 euros ne suffit pas à établir que le montant de la facture du docteur A... serait manifestement trop élevé ou que l'intervention de ce praticien n'aurait pas été utile. Ainsi, comme l'a jugé le tribunal, M. et Mme D... sont fondés à solliciter le remboursement de la somme de 3 000 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
Quant au préjudice " d'attente et d'inquiétude " :
9. L'expert judiciaire a indiqué dans son rapport : " avant consolidation, forte inquiétude familiale (...) ". Le CCAS de Lanester n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, du préjudice que M. et Mme D... qualifient " d'attente et d'inquiétude ", qu'ils ont subi, s'agissant de l'incertitude quant à l'évolution de l'état de santé de leur enfant et de son hospitalisation en urgence, en l'ayant estimé à la somme de 1 500 euros pour chacun des parents.
Quant au préjudice d'affection :
10. Compte tenu des douleurs subies par la jeune E... D..., en particulier avant son hospitalisation, le CCAS de Lanester n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, du préjudice d'affection subi par M. et Mme D... en leur ayant accordé à chacun une somme de 1 000 euros.
Quant aux troubles dans les conditions d'existence :
11. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'une adaptation familiale en termes d'organisation (présence à l'hôpital, garde de E... durant l'éviction de la crèche) a dû avoir lieu, ce qui a eu un retentissement professionnel sur ses parents (perturbations horaires et disponibilité intellectuelle). Ainsi, en tenant compte du temps effectivement consacré à l'accompagnement de leur fille avant la consolidation de son état de santé puis dans le cadre du suivi annuel préconisé, le CCAS de Lanester n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans le jugement attaqué en leur ayant accordé à chacun une somme de 1 000 euros.
En ce qui concerne les débours de la CPAM du Puy-de-Dôme :
12. La CPAM du Puy-de-Dôme a justifié, par une attestation d'imputabilité de son médecin conseil du 24 novembre 2020 et une facture, suffisamment précise, des frais d'hospitalisation liés à la prise en charge de E... D... dans le service pédiatrique du centre hospitalier de Lorient du 5 novembre au 7 novembre 2012, seule cette partie d'hospitalisation ayant pu être retrouvée dans les archives du centre hospitalier de Lorient. Ces frais, qui ont été accordés dans le jugement attaqué, peuvent être regardés comme directement et strictement imputables à la bactérie contractée par l'enfant à la crèche municipale de Lanester, comme l'a jugé le tribunal.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée partiellement à la requête d'appel, que le CCAS de Lanester n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué, l'a condamné à verser à M. et Mme D..., en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille E..., la somme totale de 15 763 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1 823,02 euros. Il résulte également de ce qui a été dit aux points 5 à 11 que M. et Mme D... ne sont pas fondés à solliciter que les indemnités mises à la charge du CCAS de Lanester par le tribunal administratif soient portées à la totalité de ce qu'ils demandaient en première instance.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme D..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, versent au CCAS de Lanester la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Lanester une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme D... et une somme de 1 000 euros à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du CCAS de Lanester et les conclusions d'appel incident des époux D... sont rejetées.
Article 2 : Le CCAS de Lanester versera à M. et Mme D... la somme de 1 500 euros et à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Lanester, à M. et Mme C... et B... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00996