Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401707 du 20 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Blache, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2024 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans ou un certificat de résidence algérien d'un an mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trois mois sous la même condition d'astreinte et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée est illégale, dès lors qu'il remplit les conditions prévues à l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, à savoir trois années de présence régulière ininterrompue ainsi que des moyens d'existence suffisants ;
- le refus de délivrance de l'autorisation de travail méconnaît les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien ainsi que les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'aucune demande de régularisation n'a été adressée à son employeur et que celui-ci a finalement produit la pièce manquante ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'il remplit les conditions posées par l'article 7 b) et 7bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
sur la décision portant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-7 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2025, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 9 mai 1986, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an. Par un jugement du 20 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée du 10 juin 2024 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation de la décision contestée, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé, le 7 février 2023, par voie dématérialisée, une demande de délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations des articles 7 b) et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. S'il soutient que le préfet aurait dû également fonder la décision contestée sur les stipulations de l'article 5 dudit accord, il ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu'il aurait déposé une demande sur ce fondement. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations pour contester la décision en litige.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) b) les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". En prévoyant l'apposition de la mention " salarié " sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens, les auteurs de l'accord, qui ont précisé que cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française, ont habilité les services compétents à opérer sur l'exercice d'une activité salariée par ces ressortissants un contrôle de la nature de celui que prévoit l'article R. 5221-20 du code du travail. Selon cet article : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) / 2° S'agissant de l'employeur mentionné au II de l'article R. 5221-1 du présent code : / a) Il respecte les obligations déclaratives sociales liées à son statut ou son activité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. (...) ".
6. L'autorisation de travail sollicitée par M. B... a été refusée le 5 septembre 2023 par le responsable de la plate-forme main d'œuvre étrangère de Béthune au motif qu'il n'était pas en mesure de vérifier que l'employeur de l'intéressé respectait ses obligations de déclaration obligatoire à l'égard de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), faute de produire des justificatifs sur ce point. Il ressort des termes mêmes de cette décision de refus qu'elle fait suite à une demande de l'administration tendant à ce que l'employeur produise les justificatifs en cause et M. B... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que son employeur aurait transmis ces derniers en temps utile. Par ailleurs, les circonstances qu'il les aurait produits à l'appui d'un recours hiérarchique dirigé contre la décision portant refus d'autorisation de travail précitée du 5 septembre 2023 et qu'aucune réponse ne lui a été apportée ne sont pas de nature à établir l'illégalité du motif opposé par ce refus. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'exception d'illégalité de ce dernier et de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien et des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doivent être écartés.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande (...). ".
8. Si M. B... se prévaut de plusieurs récépissés de demandes de titre de séjour et de deux certificats de résidence d'une durée d'un an chacun, ces documents ne justifient pas, toutefois, à la date de la décision contestée du 10 juin 2024, d'une résidence ininterrompue en France de trois années dès lors que l'intéressé a résidé à plusieurs reprises de façon irrégulière sur le territoire après l'expiration de la validité de ces certificats et récépissés. Ainsi, et alors même qu'il disposerait de moyens d'existence suffisants, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.
9. En sixième lieu, il résulte des points 6 et 8 ci-dessus que M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations des articles 7 b) et 7bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant algérien né le 9 mai 1986, est entré régulièrement en France le 21 septembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour puis s'y est maintenu irrégulièrement. Il a ensuite obtenu un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'en juin 2020 en raison de son mariage avec une ressortissante française, dont il s'est depuis séparé, puis a obtenu un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " salarié " et valable jusqu'au 6 avril 2023. Ainsi, si M. B... résidait en France depuis environ sept ans à la date de la décision contestée, c'est toutefois majoritairement de façon irrégulière ou sous couvert de récépissés de demandes de titre de séjour. En outre, s'il justifie de plusieurs années d'activité professionnelle en France, notamment en qualité de maçon, il dispose cependant de fortes attaches personnelles et familiales en Algérie, où il a vécu la majorité de son existence et où vivent notamment son épouse et son fils né le 18 décembre 2023. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision contestée du 10 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté.
12. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que les moyens tirés de ce que la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et apparaît entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an :
13. En premier lieu, la décision contestée du 10 juin 2024 portant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté.
14. En second lieu, selon l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".
15. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de M. B..., telle que décrite au point 10 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision contestée portant interdiction de retourner en France pendant une durée d'un an méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et apparaît entachée d'erreur d'appréciation doivent être écartés comme infondés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2024 du préfet du Calvados. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02891