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11/04/2025 | FRANCE | N°23NT03647

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 avril 2025, 23NT03647


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile Nouët Immo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a déclaré cessibles les terrains nécessaires à l'aménagement à 2X2 voies de la R.N. 164 dans le secteur de Plémet, sur le territoire des communes de Plémet et Laurenan et d'enjoindre à l'Etat de le modifier afin que n'y figure que la superficie effectivement affectée à l'utilité publique.



Par un

jugement n° 2100525 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Nouët Immo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a déclaré cessibles les terrains nécessaires à l'aménagement à 2X2 voies de la R.N. 164 dans le secteur de Plémet, sur le territoire des communes de Plémet et Laurenan et d'enjoindre à l'Etat de le modifier afin que n'y figure que la superficie effectivement affectée à l'utilité publique.

Par un jugement n° 2100525 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023, la société civile Nouët Immo, représentée par Me Cazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 du préfet des Côtes-d'Armor en tant que 40% de la superficie cessible suffisait pour réaliser le projet ;

3°) d'ordonner à l'Etat de modifier cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré du caractère disproportionné de l'arrêté contesté en ce que 40% de la superficie cessible suffisait pour réaliser le projet ;

- ils n'ont pas relevé d'office que l'arrêté contesté devait être précédé d'un document d'arpentage, en application des articles R. 132-2 et R. 132-3 du code de l'expropriation.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2024, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait dû être précédé d'un document d'arpentage, en application des articles R. 132-2 et R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est soulevé pour la première fois en appel ;

- les moyens de la société civile Nouët Immo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cazin, pour la société civile Nouët Immo.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 juillet 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a déclaré cessibles les terrains nécessaires à l'aménagement de la 2x2 voies de la route nationale R.N. 164 dans le secteur de Plémet, sur le territoire des communes de Plémet et Laurenan. La société civile (SC) Nouët Immo, propriétaire de plusieurs parcelles visées, a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Elle fait appel du jugement du 12 octobre 2023 rejetant sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la SC Nouët Immo, dans son mémoire enregistré le 19 avril 2023, avait soulevé devant le tribunal administratif notamment le moyen tiré du caractère disproportionné de l'arrêté contesté en ce que 40 % de la superficie cessible suffisait pour réaliser le projet. Le tribunal n'a ni visé, ni répondu à ce moyen, qui n'est pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SC Nouët Immo devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2020 du préfet des Côtes-d'Armor :

4. En premier lieu, le moyen de légalité externe, tiré de ce que l'arrêté contesté aurait dû être précédé d'un document d'arpentage, en application des articles R. 132-2 et R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté pour irrecevabilité comme étant présenté pour la première fois en appel alors qu'il relève d'une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés en première instance. En tout état de cause, il ressort du document d'arpentage produit en défense par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que le moyen manque en fait.

5. En deuxième lieu, la SC Nouët Immo ne peut utilement soutenir que le tracé alternatif Nord qui a été envisagé permettrait d'atteindre les objectifs de l'opération dans des conditions équivalentes au projet déclaré d'utilité publique tout en réduisant le recours à l'expropriation, alors que l'utilité publique d'un projet s'apprécie d'un point de vue global et qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la pertinence du tracé choisi pour la réalisation de l'opération projetée.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. ". La SC Nouët Immo soutient que l'étendue des parcelles déclarées cessibles par l'arrêté contesté est disproportionnée en ce que 40% de la superficie cessible suffisait pour réaliser le projet. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles que le préfet du Calvados avait envisagé, dans le cadre d'une négociation amiable préalable, de ne pas retenir dans le périmètre d'expropriation, seraient sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique, compte tenu en particulier de leur proximité avec le nouveau tracé de la RN 164 et du fait qu'elles comportent une construction. Contrairement à ce que soutient la SC Nouët Immo, il n'est donc pas établi que l'expropriant était en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans exproprier ces terrains.

7. En quatrième et dernier lieu, la SC Nouët Immo soutient que la construction de l'ouvrage prévu au lieu-dit de " la Poterie " impliquera un transit important de poids lourds dans le tissu urbain et donc d'importantes nuisances, principalement acoustiques, notamment s'agissant d'un centre de rééducation, pouvant engendrer sa délocalisation future. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du commissaire enquêteur du 12 décembre 2017, que le maître d'ouvrage a prévu d'édifier un merlon de 425 m de long devant ce centre de rééducation pour réduire l'impact acoustique résultant de l'élargissement de la RN 164 à cet endroit et, au niveau du lieu-dit de " la Poterie ", une protection acoustique complémentaire le long de la

RD 1 consistant en une glissière en béton armé. Le commissaire enquêteur a considéré que le maître d'ouvrage avait bien pris en compte ces nuisances qui n'étaient plus dans ces conditions rédhibitoires et a rendu un avis favorable à ce projet d'infrastructure routière. Les éléments mis en avant par la SC Nouët Immo ne permettent pas d'établir que ces seules nuisances étaient excessives au regard de l'intérêt que présente cette opération.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif, que la SC Nouët Immo n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2020 du préfet des Côtes-d'Armor déclarant cessibles les terrains nécessaires à l'aménagement à 2X2 voies de la R.N. 164 dans le secteur de Plémet, sur le territoire des communes de Plémet et Laurenan.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la SC Nouët Immo aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la SC Nouët Immo.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SC Nouët Immo devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile Nouët Immo et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03647
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;23nt03647 ?
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