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11/04/2025 | FRANCE | N°24NT02914

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 avril 2025, 24NT02914


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet de la Manche a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2400399 du 19 septembre 2024, le tribunal administra

tif de Caen a annulé l'arrêté du 8 février 2024 du préfet de la Manche en tant qu'il prononce une int...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet de la Manche a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2400399 du 19 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 8 février 2024 du préfet de la Manche en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l'encontre de M. A... (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 octobre 2024 et 20 janvier 2025, sous le n° 24NT02914, et un mémoire enregistré le 6 mars 2025 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Lebey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 19 septembre 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet de la Manche a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de réexaminer sa demande de renouvellement d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé les mémoires de productions déposés les 14 et 18 mars 2024 ainsi que les pièces complémentaires fournies à la demande du tribunal le 31 juillet 2024 ;

- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

sur le refus de titre de séjour :

- son droit à être entendu a été méconnu, ainsi que le principe du contradictoire et son absence d'audition par la commission du titre de séjour l'a privé d'une garantie et a influencé le sens de la décision du préfet ; l'avis de la commission du titre de séjour était trop ancien ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision méconnait l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il participe effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il a transmis à M. A... un formulaire de demande de titre de séjour dit " étranger malade " le 13 mars 2025 et que le moyen tiré du vice de procédure soulevé par M. A... n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2025.

II. Par une requête, enregistrée le 4 mars 2025 sous le n° 25NT00663, et un mémoire enregistré le 6 mars 2025 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Lebey, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Caen du 19 septembre 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution de la décision de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- sa requête contient des moyens sérieux ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé les mémoires de productions déposés les 14 et 18 mars 2024 ainsi que les pièces complémentaires fournies à la demande du tribunal le 31 juillet 2024 ;

- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

sur le refus de titre de séjour :

- son droit à être entendu a été méconnu, ainsi que le principe du contradictoire et son absence d'audition par la commission du titre de séjour l'a privé d'une garantie et a influencé le sens de la décision du préfet ; l'avis de la commission du titre de séjour était trop ancien ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;

- la décision méconnait l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il participe effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ;

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il a transmis à M. A... un formulaire de demande de titre de séjour dit " étranger malade " le 13 mars 2025 et que le moyen tiré du vice de procédure soulevé par M. A... n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a par une décision du 10 mars 2025.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 26 mai 1986, est entré irrégulièrement en France le 6 mars 2011. Le 1er mai 2012, il a fait l'objet d'une réadmission " Schengen " à destination de l'Italie. Une première obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre le 3 avril 2015, puis une seconde le 7 juin 2016. La légalité de cette dernière a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 21 septembre 2016. Un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français lui a été délivré, valable du 28 mai 2018 au 27 mai 2019, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 novembre 2021. Il en a sollicité le renouvellement le 30 juin 2020 et le 3 décembre 2021. Par un arrêté du 8 février 2024, le préfet de la Manche a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 19 septembre 2024, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 8 février 2024 du préfet de la Manche en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l'encontre de M. A... et a rejeté le surplus de sa demande. M. A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Il a également demandé à la cour d'ordonner, dans cette mesure, le sursis à exécution de ce jugement.

2. Ces deux recours sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.

Sur la requête n° 24NT02914 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) ".

4. Le jugement attaqué a visé les " autres pièces du dossier ", au nombre desquelles figuraient les mémoires de productions déposés au greffe du tribunal administratif de Caen les 14 et 18 mars 2024 ainsi que les pièces complémentaires fournies à la demande du tribunal le 31 juillet 2024, qui n'avaient pas à être autrement visés et analysés dès lors qu'ils ne comportaient aucune conclusion ni moyen. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier sur ce point doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions contestées :

5. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges les moyens tirés de ce que le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent et de ce que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé, que le requérant reprend sans apporter d'éléments nouveaux. Contrairement à ce que soutient M. A..., la délégation donnée à Mme Serre, secrétaire générale de la préfecture de la Manche, à l'effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Manche, à l'exception de certains actes dont ne fait pas partie l'arrêté en litige, n'est pas trop imprécise et générale.

6. En deuxième lieu, il est constant que le préfet de la Manche a soumis la demande de titre de séjour de M. A... à la commission du titre de séjour, pour avis. Il ressort des pièces du dossier que celle-ci s'est réunie le 25 novembre 2022 et qu'elle a émis un avis défavorable à sa demande. Si le requérant soutient qu'il s'est présenté en préfecture aux date et heure de sa convocation mais n'a pas été conduit devant la commission par le personnel de la préfecture, il ne produit aucun élément suffisamment probant pour établir qu'il est arrivé avant la séance de la commission. Par conséquent, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de fait tenant à ce que le préfet aurait considéré à tort qu'il ne s'est pas présenté à la réunion de la commission de séjour du 25 novembre 2022. En outre, M. A..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande, y compris postérieurement à la séance de la commission du titre de séjour, et ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités des décisions contestées, n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu, préalablement à une décision administrative défavorable, résultant du principe général du droit de l'Union européenne, ainsi que le principe du contradictoire auraient été méconnus.

7. En troisième et dernier lieu, il ressort des termes des décisions contestées que le préfet de la Manche a procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

8. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

9. Il est constant que M. A... est le père de deux enfants français, F... né en 2017 et C... né en 2018 et est séparé de leur mère, Mme E..., chez qui les enfants résident. Les pièces produites par M. A... pour établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants sont relatives, exceptées quelques photographies pour la plupart non datées, une demande d'aide liée au handicap de F..., et des attestations non circonstanciées, à son autre enfant, D..., né en 2016, pour lequel le préfet fait valoir sans être contredit qu'il est de nationalité britannique. Les tickets de caisse produits ne permettent pas de savoir pour quels enfants les achats de vêtements ou de jouets ont été effectués. Si M. A... fait valoir qu'il ne pouvait pas financièrement participer à l'entretien de ses enfants en raison de sa situation irrégulière qui ne lui permettait pas de travailler, il n'apporte aucun élément sur sa participation à l'éducation et même, de manière plus générale, à la vie de ses deux enfants français, F... et C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 2 juillet 2015 à une peine de six mois d'emprisonnement ferme pour vol aggravé par deux circonstances, le 25 avril 2018 à deux mois d'emprisonnement pour usage de faux documents administratifs, le 23 avril 2019 pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, le 31 août 2020 pour conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans assurance et en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, et enfin le 9 mars 2022 à trois mois d'emprisonnement avec sursis probatoires pour des faits de récidive de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Au vu de ces éléments, le préfet de la Manche n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant, eu égard aux caractères grave et répété, et pour la plupart récents, des faits commis par M. A..., que la présence de celui-ci représente une menace pour l'ordre public et en refusant, pour ce motif, de renouveler son titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte des points 4 à 10 que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait des liens intenses et réguliers avec ses deux enfants français. Son fils ainé, de nationalité britannique, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. M. A... n'a un droit de visite qu'une fois par mois, pendant 1h30 et les échanges par courriels avec la famille d'accueil et les services de l'aide sociale à l'enfance n'ont débuté qu'en 2023. Sa relation de couple avec une ressortissante française était très récente à la date de la décision contestée. En outre, ainsi qu'il a été dit, il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales et représente une menace pour l'ordre public, ce qui vient relativiser son insertion en France, alors même qu'il a eu une activité professionnelle. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; ". Le préfet ne s'est fondé, pour prendre la décision en litige, que sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas sur le 5° de cet article relatif à la menace pour l'ordre public. Par conséquent, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public au soutien de son moyen tiré de ce que la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En quatrième et dernier lieur, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une " probable sclérose en plaques en cours de bilan ". Si un médecin a indiqué, le 7 janvier 2025, soit postérieurement à l'arrêté contesté, qu'il était " très handicapé avec un syndrome ataxo-pyramidal majeur limitant son périmètre de marche à 50 mètres ", en tout état de cause, c'était avant son traitement de première ligne par le médicament Plegridy. Si M. A... indique que ce médicament n'est pas disponible en Tunisie, il n'établit pas qu'aucun autre traitement de la pathologie dont il souffre y serait disponible. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, il résulte des points 4 à 10 que le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté.

18. En second lieu, l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

19. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 10, M. A... a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour des faits graves, répétés et récents et représente une menace pour l'ordre public. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, il résulte des points 4 à 16 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

21. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 16, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2024 du préfet de la Manche. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur la requête n° 25NT00663 :

23. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions du recours de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande, les conclusions tendant à ce qu'il soit, dans cette mesure, sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le n° 25NT00663 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Caen du 19 septembre 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Article 2 : La requête n° 24NT02914 de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lebey et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24NT02914,25NT00663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02914
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24nt02914 ?
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