Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 25 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière de lui accorder le bénéfice de celles-ci.
Par un jugement n° 2406532 du 15 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de l'OFII du 25 octobre 2024, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2024 et 13 janvier 2025, l'OFII, représenté par la SCP Poupet et Kacenelenbogen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 15 novembre 2024 ;
2°) de rejeter la requête de Mme A....
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un vice de forme dès lors que la minute de ce jugement n'est pas signée ;
- les dispositions de l'article L. 551-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux situations dans lesquelles l'OFII refuse à un demandeur d'asile ayant présenté sa demande postérieurement au délai de 90 jours prévu par l'article L. 531-27 du CESEDA le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ; à supposer même que l'information relative au bénéfice des conditions matérielles d'accueil soit applicable au refus opposé à l'OFII à un demandeur d'asile ayant tardivement présenté sa demande, son absence ne saurait priver l'intéressé d'une garantie ; les autres moyens invoqués par Mme A... sont infondés.
La requête de l'OFII a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 10 janvier 1986 et entrée en France le 2 novembre 2023, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 25 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Rennes a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, et, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière de lui accorder le bénéfice de celles-ci. Par un jugement du 15 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de l'OFII du 25 octobre 2024, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. L'OFII fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, l'irrégularité invoquée, qui manque en fait, doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente. ". Selon l'article L. 551-10 du même code : " Le demandeur est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut lui être refusé ou qu'il peut y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16. ". En vertu de l'article L. 551-15 dudit code : " Les conditions matérielles d'accueil sont refusées, totalement ou partiellement, au demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : 1° Il refuse la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 ; 3° Il présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ; 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. ". En application de l'article D. 551-16 de ce code : " L'offre de prise en charge faite au demandeur d'asile en application de l'article L. 551-9 fait mention de la possibilité pour le demandeur d'asile de se voir refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou qu'il y soit mis fin dans les conditions prévues par les articles L. 551-15, L. 551-16 et D. 551-17 à R. 551-23. ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Mme A..., ressortissante marocaine née le 10 janvier 1986 et entrée en France le 2 novembre 2023, a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 25 octobre 2024 par les services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Elle a bénéficié, le même jour, d'un entretien portant sur l'évaluation de sa vulnérabilité. S'il ressort du compte-rendu de cet entretien que l'OFII lui a proposé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil conformément aux dispositions précitées de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne l'a toutefois pas informée, en méconnaissance de l'article L. 551-10 précité du même code, de ce que ce bénéfice pouvait lui être refusé ou qu'il pouvait y être mis fin dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 551-15 et L. 551-16 de ce code. Contrairement à ce que soutient l'OFII, l'article L. 551-10 précité ne prévoit aucune exception à cette obligation d'information et trouve à s'appliquer, ainsi d'ailleurs qu'il le précise explicitement, lorsque, comme en l'espèce, l'OFII édicte une décision refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, en application du 4° de l'article L. 551-15 de ce code, au motif que le demandeur n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France. Enfin, l'obligation d'information en litige constitue une garantie pour le demandeur d'asile, dès lors notamment que sa mise en œuvre lui permet de faire valoir des circonstances particulières de nature à expliquer sa situation, comme, par exemple, l'existence d'un motif légitime justifiant qu'il n'ait pas respecté ledit délai de quatre-vingt-dix jours pour présenter sa demande d'asile. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision contestée de l'OFII du 25 octobre 2024 au motif que cette dernière avait été prise au terme d'une procédure irrégulière.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 novembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 25 octobre 2024.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT03478