Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et M. D... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 février 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision de l'ambassade de France au Cameroun refusant de délivrer à M. D... F... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale, a refusé de délivrer le visa sollicité.
Par un jugement n°2300795 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mai et le 17 juin 2024, Mme C... et M. F..., représentés par Me Pronost, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 novembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 440 euros à verser à Me Pronost en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission de recours est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle des intéressés ;
- la décision de refus de la commission de recours méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : M. D... F... n'avait pas atteint l'âge de dix-neuf ans lorsqu'il a déposé, le 8 octobre 2021, sa demande de visa auprès des autorités consulaires françaises au Cameroun ;
- c'est à tort que le tribunal a fait droit à la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur, dès lors que la procédure de réunification familiale ne présente pas un caractère partiel, la demande de réunification familiale ayant été faite en prenant en compte l'intérêt de sa fille ;
- la décision de la commission de recours méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. D... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée en France le 2 avril 2021. M. D... E..., son fils, ressortissant camerounais, né le 4 novembre 2002, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'autorité consulaire française au Cameroun, laquelle a rejeté sa demande. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision de refus consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, à son tour, refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 9 février 2023. Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 27 novembre 2023, le tribunal a rejeté leur demande. Les intéressés relèvent appel de ce jugement.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de la commission de recours serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle des intéressés.
3. En deuxième lieu, pour justifier de la légalité de la décision attaquée, le ministre de l'intérieur a demandé au tribunal une substitution de motif en faisant valoir que la procédure de réunification familiale présentait un caractère partiel et le tribunal a procédé à la substitution de motifs sollicitée.
4. Il n'est pas contesté que la substitution de motifs à laquelle le tribunal a procédé n'a privé les requérants d'aucune garantie. Il ressort en outre des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure de réunification familiale et à la date de la décision en cause, aucune demande de visa n'avait été déposée au profit de la fille déclarée de Mme C..., Aurea Fursy Tchangou Bomba Maben, née le 9 octobre 2006. Si les requérants soutiennent qu'il était dans l'intérêt de l'intéressée, qui n'a pas obtenu son baccalauréat en 2022 et dont les résultats scolaires seraient " moyens ", de repasser cet examen au Cameroun avant de rejoindre sa mère et son frère en France, cette seule circonstance n'est pas de nature à justifier une réunification partielle de la famille pour des motifs tenant à l'intérêt de l'enfant concernée, alors même que les requérants n'avaient apporté aucune précision sur la nature de la prise en charge familiale et matérielle de cette enfant au Cameroun. En outre, si les requérants ont engagé, postérieurement à la décision en cause, des démarches en vue d'obtenir un visa de long séjour pour la fille de Mme B... au titre de la réunification familiale et que cette dernière a obtenu un visa de long séjour, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du refus opposé à
M. F.... Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) /3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective (...) ".
6. En l'espèce, les requérants n'apportent aucun élément sur les conditions de vie de D... au Cameroun, sur ses conditions d'hébergement, ni aucune précision sur son isolement allégué dans son pays d'origine ou sur la réalité et l'intensité des liens l'unissant à sa mère. Si Mme B... fait valoir que le père de ce dernier " n'est pas très impliqué dans la vie de ses deux enfants ", elle ne produit aucun élément à l'appui de ces affirmations, se bornant à produire quatre bordereaux de transfert d'argent entre 2022 et 2023 qui sont insuffisants pour démontrer qu'elle en aurait la charge effective. Par suite, la décision de la commission de recours ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... C... et M. D... G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... C... et M. D... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. D... F... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT01448