Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Marny Hôtel a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 et de lui maintenir le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 2013799 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2023, la société Marny Hôtel, représentée par Me Morisset et Me Lopez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration devra produire l'intégralité des pièces de procédure, le rapport de vérification, l'avis de mise en recouvrement et son accusé de réception ;
- en l'absence de preuve de la notification de la mise en demeure qui lui aurait été adressée, elle ne pouvait faire l'objet d'une procédure de taxation d'office ;
- la créance de 317 800 euros de la société RGB ne constitue pas un passif injustifié dès lors que la dissolution de cette société n'éteint pas la créance dont elle est titulaire et que l'absence de toute action en recouvrement de sa part ne suffit pas à présumer l'abandon de sa créance ;
- en ne procédant à aucune rectification lors d'un précédent contrôle quant au solde créditeur de 72 500 euros inscrit sur le compte courant de M. A..., l'administration a formellement pris position au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- l'affectation de la somme de 50 000 euros à la vente qui a été faite à la société H2A est une erreur comptable qui peut être rectifiée, cette somme se rapportant à une autre cession dont l'intégralité du prix a été soldée au titre de l'année 2014, et il n'y avait donc pas lieu de la réintégrer dans les " à nouveau " au 1er janvier 2016 ;
- par voie de conséquence, la décharge des pénalités doit être prononcée.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Marny Hôtel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Marny Hôtel relève appel du jugement en date du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'article L. 68 du livre des procédures fiscales, applicable au présent litige, dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du même livre : " Sont taxés d'office (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société Marny Hôtel n'a pas déposé dans les délais qui lui étaient impartis les déclarations de ses résultats des exercices clos en 2016 et 2017, ni répondu à la mise en demeure que lui a adressée l'administration fiscale le 21 juin 2018 et qui a été effectivement distribuée le 26 juin suivant. Elle se trouvait ainsi en situation de taxation d'office en application des dispositions précitées de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve de l'exagération des impositions correspondantes lui incombe.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôts sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".
5. S'agissant en premier lieu des créances de la société RGB, l'administration fiscale a considéré que le montant de 317 800 euros inscrit au crédit d'un compte de débiteur ou créditeur divers n'était justifié ni dans son principe, ni dans son montant. La société requérante, qui se borne à indiquer que cette dette ne s'est pas éteinte avec la liquidation judiciaire de la société RGB et que l'absence d'action en recouvrement de la part de cette société ne permet pas de présumer l'extinction de la créance dont celle-ci est titulaire, ne verse toutefois au dossier aucune pièce, telle un contrat de prêt, de nature à justifier de l'origine de cette dette. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a considéré cette créance de tiers comme un passif injustifié.
6. S'agissant en deuxième lieu de la somme de 72 500 euros inscrite au 1er janvier 2016 au crédit du compte 467 " Débiteurs créditeurs divers B... ", l'administration a considéré que cette somme constituait un passif injustifié en l'absence de justification de la réalité de la dette à l'ouverture de la période vérifiée. La circonstance que l'administration n'avait procédé à aucune rectification portant sur cette somme qui était déjà inscrite au bilan lors d'une précédente vérification portant sur l'exercice de l'année 2014 ne saurait être regardée comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait de l'entreprise au regard d'un texte fiscal, que la société requérante pourrait lui opposer sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
7. Enfin, l'administration a considéré que le montant de 50 000 euros figurant au compte 467100 " Débiteurs créditeurs H2A Hôtellerie " n'était pas justifié. Aucune des pièces produites au dossier ne permet d'établir que cette inscription comptable procèderait d'une erreur rectifiable en ce que ce montant correspondrait à une opération de vente antérieure de l'hôtel LCP détenu par la société Marny Hôtel à la société LCPS.
8. La société ne démontrant pas le caractère exagéré des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, elle ne peut donc demander à ce que les pénalités soient déchargées par voie de conséquence de la décharge des cotisations.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Marny Hôtel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté de sa demande. Les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Marny Hôtel est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Marny Hôtel et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00566
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