Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de la décision du 10 mai 2021 du directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture du ministère de la mer refusant de désigner le service du Parc naturel de la mer de Corail et de la pêche de Nouvelle-Calédonie comme autorité officiellement habilitée à valider les certificats de capture à l'exportation, ainsi que de la décision implicite du ministre de la mer du 31 octobre 2021 portant rejet du recours hiérarchique dirigée contre cette décision et à ce qu'il soit enjoint à la ministre de la mer de désigner le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche comme autorité compétente pour valider les certificats de capture délivrés en application du règlement CE n° 1005/2008, dans un délai de deux mois, ou à défaut et à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à ce ministre de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois.
Par un jugement n° 2200056 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2023, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représentée par la société civile professionnelle d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200056 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la décision du 10 mai 2021 du directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture du ministère de la mer, ainsi que de la décision implicite du ministre de la mer du 31 octobre 2021 portant rejet du recours hiérarchique dirigée contre cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à titre principal, de désigner le service du Parc naturel de la mer de Corail et de la pêche de Nouvelle-Calédonie comme autorité compétente pour valider les certificats de capture à l'importation, dans un délai de deux mois, ou à défaut et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit au regard de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et l'État ;
- elles méconnaissent le règlement CE n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 dès lors que les services de l'État ne disposent pas des prérogatives nécessaires pour exercer la mission de contrôle préalable à la délivrance des certificats d'importation des produits de la pêche.
Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Le 12 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que la mise en œuvre des dispositions du règlement CE n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ressortit à la compétence de l'État au titre des " relations extérieures " au titre du II (1°) de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Le 26 septembre 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a présenté des observations en réponse à cette communication. Il soutient que le moyen ainsi relevé d'office n'est pas fondé et doit être écarté.
Le 26 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré de la méconnaissance du règlement (CE) n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 est doublement inopérant, dès lors que, d'une part, ce règlement n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, laquelle constitue un pays et territoires d'Outre-mer de l'Union européenne où la décision (UE) 2021/1764 du Conseil du 5 octobre 2021 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne d'association ne prévoit pas l'applicabilité du droit communautaire dérivé et, d'autre part, la suprématie sur le droit interne conférée au droit communautaire dérivé ne saurait s'appliquer, compte tenu des stipulations de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, aux dispositions des lois organiques régissant la répartition des compétences entre les pouvoirs publics constitutionnels ou entre l'État et les autres collectivités publiques, telles la Nouvelle-Calédonie.
Le 2 octobre 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a présenté des observations en réponse à cette communication. Il soutient que le moyen ainsi relevé d'office n'est pas fondé et doit être écarté.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 55, 77 et 88-1 ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la décision (UE) 2021/1764 du Conseil du 5 octobre 2021 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne, y compris les relations entre l'Union européenne, d'une part, et le Groenland et le Royaume de Danemark, d'autre part ;
- le règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ;
- la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, ensemble la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 qui a autorisé sa ratification et le décret n° 96-774 du 30 août 1996 qui a décidé sa publication ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2005-1514 du 6 décembre 2005 relatif à l'organisation outre-mer de l'action de l'État en mer ;
- l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif au schéma de certification des captures pour les importations sur le territoire communautaire français à partir des navires de pêche de pays tiers et pour les exportations à destination des pays tiers des produits de la pêche visés par la réglementation communautaire sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ;
- l'arrêté du 25 octobre 2016 établissant la liste des missions en mer incombant à l'État dans la zone maritime de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Cathelineau (SCP Meier-Bourdeau Lécuyer et associés), avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a, par courrier du 28 avril 2021, demandé au directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, que le service du parc naturel de la mer de Corail et de la pêche, créé par un arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en date du 8 décembre 2020, soit désigné comme seule autorité compétente pour, dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 12 du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), certifier les captures de pêche dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie. En réponse, par un courrier du 10 mai 2021, ce directeur a rejeté cette demande, au motif que la compétence de délivrance d'un certificat de capture relevait de l'État du pavillon, et donc du Gouvernement de la République. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a formé un recours hiérarchique auprès du ministre le 31 aout 2021 qui, demeuré sans réponse, a fait naitre une décision implicite de rejet à l'issue d'un délai de deux mois. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ayant saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aux fins d'annulation de ces deux décisions, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 17 mars 2023 dont il est relevé appel devant la Cour.
Sur le cadre juridique du litige :
- En ce qui concerne les normes de valeur constitutionnelle et organique :
2. D'une part, aux termes de l'article 77 de la Constitution : " (...) la loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en œuvre : / - les compétences de l'État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ; (...). ". L'accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 stipule que : " (...). Document d'orientation. / 3. Les compétences / Les compétences détenues par l'État seront transférées à la Nouvelle-Calédonie dans les conditions suivantes : / - certaines seront transférées dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation politique ; / - d'autres le seront dans des étapes intermédiaires ; / - d'autres seront partagées entre l'État et la Nouvelle-Calédonie ; / - les dernières, de caractère régalien, ne pourront être transférées qu'à l'issue de la consultation mentionnée au 5. / (..) / 3.2. Les compétences partagées. / 3.2.1. Les relations internationales et régionales / Les relations internationales sont de la compétence de l'État. Celui-ci prendra en compte les intérêts propres de la Nouvelle-Calédonie dans les négociations internationales conduites par la France et l'associera à ces discussions. / La Nouvelle-Calédonie pourra être membre de certaines organisations internationales ou associée à elles, en fonction de leurs statuts (...) / La Nouvelle-Calédonie pourra avoir des représentations dans des pays de la zone Pacifique et auprès de ces organisations et de l'Union européenne. / Elle pourra conclure des accords avec ces pays dans ses domaines de compétence. / Elle sera associée à la renégociation de la décision d'association Europe-PTOM. / Une formation sera mise en place pour préparer des néo-calédoniens à l'exercice de responsabilités dans le domaine des relations internationales. / 3.3. Les compétences régaliennes. La justice, l'ordre public, la défense et la monnaie (ainsi que le crédit et les changes), et les affaires étrangères (sous réserve des dispositions du 3.2.1) resteront de la compétence de l'État jusqu'à la nouvelle organisation politique résultant de la consultation des populations intéressées prévue au 5. (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " I. - L'État est compétent dans les matières suivantes : / (...) / 6° Desserte maritime (...) entre la Nouvelle-Calédonie et les autres points du territoire de la République ; (...) statut des navires ; (...) / 12° Exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales, sous réserve des dispositions du 10° de l'article 22 relatives aux ressources de la zone économique exclusive ; / (...) / 14° Police et sécurité (...) de la circulation maritime, sous réserve du III du présent article ; / (...) / II. - L'État est également compétent dans les matières suivantes, sous réserve le cas échéant de l'application des dispositions mentionnées aux articles 28 à 38 : / 1° Relations extérieures ; / (...) ". Aux termes de l'article 22 de la même loi organique : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / (...) / 8° Desserte maritime d'intérêt territorial ; immatriculation des navires ; / (...) / 10° Réglementation et exercice des droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive. / (...) ".
- En ce qui concerne les normes du droit de l'Union européenne :
4. D'une part, aux termes de l'article 4 du Traité sur l'Union européenne : " 1. Conformément à l'article 5, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. / 2. L'Union respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale (...). ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 198 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Les États membres conviennent d'associer à l'Union les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés " pays et territoires ", sont énumérés à la liste qui fait l'objet de l'annexe II. ". La Nouvelle-Calédonie figure au nombre des pays et territoires d'outre-mer mentionnés à l'annexe II. En outre, aux termes de l'article 203 du même traité : " Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, établit, à partir des réalisations acquises dans le cadre de l'association entre les pays et territoires et l'Union et sur la base des principes inscrits dans les traités, les dispositions relatives aux modalités et à la procédure de l'association entre les pays et territoires et l'Union. ". Les dispositions du traité applicables aux pays et territoires d'outre-mer résultent donc des articles composant la quatrième partie de celui-ci ainsi que des décisions du Conseil de l'Union européenne déterminant les modalités et les caractéristiques de cette association, dont la dernière en date est la décision (UE) 2021/1764 du Conseil du 5 octobre 2021. Ainsi, en application de ces dispositions, ni les dispositions générales du traité, ni le droit dérivé (règlements, directives, décisions, recommandations et avis) ne sont applicables aux pays et territoires d'outre-mer sans référence expresse.
6. Enfin, le respect du droit de l'Union constitue une obligation tant en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution. Il emporte l'obligation de transposer les directives et d'adapter le droit interne aux règlements européens. En vertu des principes de primauté, d'unité et d'effectivité issus des traités, tels qu'ils ont été interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions et principes généraux du droit de l'Union, a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire, qu'elle résulte d'un engagement international de la France, d'une loi ou d'un acte administratif. Toutefois, tout en consacrant l'existence d'un ordre juridique de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne, dans les conditions mentionnées au point précédent, l'article 88-1 confirme la place de la Constitution au sommet de ce dernier. Il appartient au juge administratif, s'il y a lieu, de retenir de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée des obligations résultant du droit de l'Union la lecture la plus conforme aux exigences constitutionnelles autres que celles qui découlent de l'article 88-1, dans la mesure où les énonciations des arrêts de la Cour le permettent. Dans le cas où l'application d'une directive ou d'un règlement européen, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, aurait pour effet de priver de garanties effectives l'une de ces exigences constitutionnelles, qui ne bénéficierait pas, en droit de l'Union, d'une protection équivalente, le juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, doit l'écarter dans la stricte mesure où le respect de la Constitution l'exige.
- En ce qui concerne les normes du droit international public général :
7. L'article 91 (" Nationalité des navires ") de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer stipule que : " 1. Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l'État dont ils sont autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire. /2. Chaque État délivre navire auquel il accorder le droit de battre son pavillon des documents à cet effet. "
Sur la légalité des décisions litigieuses :
8. Aux termes de l'article 1er du règlement CE n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée : " Objet et champ d'application. / 1. Le présent règlement établit un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). / 2. Aux fins du premier paragraphe, chaque État membre arrête, conformément à la législation communautaire, les mesures appropriées pour assurer l'efficacité de ce système. Il met à la disposition de ses autorités compétentes des moyens suffisants pour qu'elles puissent s'acquitter des tâches qui leur incombent en vertu du présent règlement. / 3. Le système visé au premier paragraphe s'applique à toutes les activités de pêche INN et activités connexes menées sur le territoire des États membres auxquels le traité s'applique, dans les eaux communautaires, dans les eaux maritimes relevant de la juridiction ou de la souveraineté de pays tiers ou en haute mer. Les activités de pêche INN dans les eaux maritimes des territoires et des pays d'outre-mer visés à l'annexe II du traité sont traitées comme les activités menées dans les eaux maritimes de pays tiers. ". Aux termes de l'article 12 du même règlement : " Certificats de capture. 1. L'importation, dans la Communauté, de produits de la pêche issus de la pêche INN est interdite. / 2. En vue d'assurer le respect effectif de l'interdiction établie au paragraphe 1, les produits de la pêche ne sont importés dans la Communauté que lorsqu'ils sont accompagnés d'un certificat de capture conformément au présent règlement./ 3. Le certificat de capture visé au paragraphe 2 est validé par l'État du pavillon du navire de pêche ou des navires de pêche ayant réalisé les captures dont sont issus les produits de la pêche. Il est utilisé pour certifier que ces captures ont été effectuées conformément aux lois, aux réglementations et aux mesures internationales de conservation et de gestion applicables. / 4. Le certificat de capture contient toutes les informations indiquées dans le modèle figurant à l'annexe II et est validé par une autorité publique de l'État du pavillon disposant des prérogatives nécessaires pour attester l'exactitude des informations. En accord avec les États du pavillon, dans le cadre de la coopération prévue à l'article 20, paragraphe 4, le certificat de capture peut être établi, validé ou soumis par voie électronique ou être remplacé par un système de traçabilité électronique garantissant le même niveau de contrôle par les autorités. / (...). ". Aux termes de l'article 15 de ce règlement : " Exportation de captures effectuées par des navires de pêche battant pavillon d'un État membre. / 1. L'exportation de captures effectuées par des navires de pêche battant pavillon d'un État membre est subordonnée à la validation d'un certificat de capture par les autorités compétentes de l'État membre du pavillon, conformément à l'article 12, paragraphe 4, si cela est exigé dans le cadre de la coopération prévue à l'article 20, paragraphe 4. / 2. Les États membres du pavillon communiquent à la Commission quelles sont leurs autorités compétentes pour la validation des certificats de capture visés au paragraphe 1. ". L'article 10 de l'arrêté ministériel du 22 décembre 2009 relatif au schéma de certification des captures pour les importations sur le territoire communautaire français à partir des navires de pêche de pays tiers et pour les exportations à destination des pays tiers des produits de la pêche visés par la réglementation communautaire sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée dispose que : " Les territoires français de Nouvelle-Calédonie, (...) sont considérés comme des pays tiers au sens de la réglementation communautaire sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. / À ce titre, ils sont assujettis au contrôle, à la vérification et à la validation des certificats de capture et des documents complémentaires pour l'importation des produits de la pêche visés par la réglementation communautaire sur le territoire de la Communauté, y compris sur le territoire communautaire français (...). ".
- En ce qui concerne la méconnaissance de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie :
9. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit au regard de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et l'État, et qu'il méconnaît en particulier les dispositions du 10° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
10. En premier lieu, la mise en œuvre des prérogatives prévues par les dispositions, citées au point 7, du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008, qui comportent la délivrance de certificats de capture de produits de la pêche aux fins d'importation sur le territoire communautaire dans le respect de l'interdiction de la pêche INN et alors que la Nouvelle-Calédonie constitue, en sa qualité de pays et territoire d'Outre-mer associé à l'Union européenne, un " pays tiers " au sens du 3 de l'article 1er dudit règlement, ressortit à la compétence de l'État en matière d'" exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales " au sens du I (12°) de la loi organique statutaire et de " relations extérieures ", conformément au II (1°) du même article et en l'absence de toute autre disposition de ladite loi organique, et notamment de ses articles 28 à 33, y dérogeant expressément ou nécessairement. Dès lors, les compétences matériellement législatives et réglementaires conférées à la Nouvelle-Calédonie par la loi organique du 19 mars 1999, et notamment celles prévues par le 10° de son article 22 en matière de " réglementation et exercice des droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive ", ne sauraient s'étendre à la compétence sectorielle afférente dans le domaine des relations extérieures telle, notamment, que la mise en œuvre du droit dérivé de l'Union européenne à l'égard de produits locaux issues des ressources de la mer.
11. En second lieu, en tant qu'elle conditionne la capacité de délivrance des certificats de capture à la qualité d'" État du pavillon du navire de pêche " et la rattache ainsi à la nationalité du navire concerné, et nécessairement aux conditions de détermination de cette dernière, la mise en œuvre des prérogatives susmentionnées, prévues par le règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008, ressortit également à la compétence de l'État au titre du " statut des navires " mentionné au 6° du I de la loi organique statutaire.
12. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi organique statutaire doit donc être écarté.
- En ce qui concerne la méconnaissance du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 :
13. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions du 4 de l'article 12 du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008, pour avoir considéré que les services de l'État, nonobstant la nouvelle organisation des services de la Nouvelle-Calédonie, disposeraient des moyens pour assurer la compétence relative à la délivrance des certificats d'importation, alors qu'en pratique le SPNMCP est bien le seul service en Nouvelle-Calédonie disposant des informations nécessaires pour effectuer de tels contrôles.
14. En premier lieu, et conformément à ce qui a été dit au point 5, l'absence en l'espèce d'une quelconque référence expresse de mention d'application du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 dans les pays et territoire d'Outre-mer dans les textes y mentionnés, ce règlement ne peut être regardé comme applicable ratione loci en Nouvelle-Calédonie, en dépit de ce que ses dispositions ont vocation à être mises en œuvre, le cas échéant, à l'égard des captures effectuées par des navires de pêche dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie destinés à être importés sur le territoire de l'Union européenne, dès lors qu'elles ne peuvent être regardées comme imposant que la délivrance des certificats de capture s'effectue directement en Nouvelle-Calédonie, les autorités compétentes de l'État conservant toute latitude pour décider à quel échelon de leurs services elles entendent confier l'exercice de cette compétente.
15. En second lieu, le moyen, tel qu'il est articulé, conduirait nécessairement la Cour, ainsi appelée à exercer un contrôle de l'adéquation de la détermination de l'autorité compétente compte tenu des modalités concrètes d'exercice effectif de ses missions, à devoir apprécier la compatibilité, avec les dispositions de l'article 12 du règlement CE n° 1005/2008 du 29 septembre 2008, de la répartition des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie telle qu'elle résulte de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, prise sur le fondement de l'article 77 de la Constitution et des orientations de l'accord sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, rappelés aux points 2 et 3.
16. La suprématie sur le droit interne conférée au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi qu'aux actes qui en dérivent, sur le fondement des dispositions combinées des articles 55 et 88-1 de la Constitution, ne s'applique, dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle. En l'espèce, et comme il a déjà été dit, la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie met directement et précisément en œuvre les orientations de l'accord mentionné à l'article 77 de la Constitution, qui ont elles-mêmes valeur constitutionnelle.
17. Le moyen tiré de la méconnaissance du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 ne peut donc qu'être rejeté comme inopérant à ces deux titres.
- En ce qui concerne la circonstance qu'un service de la Polynésie française aurait été désigné pour exercer les attributions prévues par les articles 12 et 15 du règlement (CE) du Conseil n° 1005/2008 du 29 septembre 2008 :
18. Ce moyen, à le supposer effectivement soulevé, et pour autant que la situation y afférente puisse même être regardée comme établie, est en tout état de cause inopérant dès lors que le statut de la Polynésie française, collectivité d'Outre-mer régie par les dispositions de l'article 74 de la Constitution et par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, repose sur des fondements constitutionnels différents de celui de la Nouvelle-Calédonie.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2021 du directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture du ministère de la mer, ainsi que de la décision implicite du ministre de la mer du 31 octobre 2021 portant rejet du recours hiérarchique dirigée contre cette décision. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de ces décisions doivent donc être rejetées, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui fait obstacle à ce que, succombant dans la présente instance, il en puisse invoquer le bénéfice.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer, et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
S. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02193