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07/11/2024 | FRANCE | N°24PA00449

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 07 novembre 2024, 24PA00449


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 août 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2320341/3-3 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 2 août 2023 et a enjoint au préfet de police ou à to

ut préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... un titre de séjour mention " vie privée et fa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 août 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2320341/3-3 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 2 août 2023 et a enjoint au préfet de police ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 janvier et 22 mars 2024, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2320341/3-3 du 26 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 2 mai, 27 septembre et 2 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Bogliari, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Bogliari, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante russe née le 20 décembre 1998, est entrée en France le 25 décembre 2018 selon ses déclarations. Le 28 février 2023, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 août 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite. Le préfet de police fait appel du jugement du 26 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. Pour annuler l'arrêté contesté, pris notamment aux motifs que la requérante est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas d'une ancienneté de résidence en France, ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et ne déclare aucune activité professionnelle, les premiers juges ont relevé que la requérante justifie de sa résidence et de sa scolarisation en France jusqu'en 2015 et de son insertion professionnelle.

5. Le préfet de police soutient que Mme B... a quitté la France entre 2015 et 2018 pour résider en Lettonie avec ses parents, qu'elle a sollicité son admission au séjour en raison de ses attaches privées et familiales le 30 juillet 2019 et qu'elle a fait l'objet, le 22 mai 2020, d'un arrêté de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécuté. Il fait également valoir que Mme B... se prévaut d'une activité professionnelle en tant qu'employée d'hôtel, emploi qui ne présente aucune spécificité et qu'elle exerce sans autorisation de travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme exposé au point 3 du jugement attaqué, Mme B... est entrée sur le territoire national en 2007 à l'âge de 8 ans, y a été scolarisée jusqu'en 2015, a résidé avec ses parents en Lettonie pendant trois ans et est revenue en France en décembre 2018. En outre, si les parents de Mme B... se sont vus refuser le droit au séjour et ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 14 août 2023, soit, au demeurant, postérieurement à l'arrêté litigieux, il est constant qu'ils ont résidé régulièrement en France entre 2007 et 2015 puis à partir de 2018 et que Mme B... a quitté la Russie en 2007, à l'âge de 8 ans. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée établit exercer, depuis mai 2022, une activité professionnelle dans le domaine hôtelier. Par suite, Mme B... justifie, par les pièces produites en première instance, l'ancienneté et l'intensité de son insertion personnelle, professionnelle, et sociale en France.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 2 août 2023, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

I. C...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00449 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00449
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : BOGLIARI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24pa00449 ?
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