Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes B... et C... D..., venant aux droits de M. E... D..., leur père décédé en cours d'instance, ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure M. D... ou ses ayants-droits, en qualité de propriétaire(s), de mettre en sécurité l'installation électrique dans le logement sis 63 rue Grande à Voulx ainsi que la décision implicite de rejet de recours gracieux.
Par un jugement n° 2105145 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 15 septembre 2023 et le 22 octobre 2023, les consorts D..., représentées par Me Maignan-Artiga, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux née le 1er février 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal administratif de Melun n'a pas répondu à tous les moyens invoqués à l'appui de la demande d'annulation de l'arrêté en litige ;
- les premiers juges ont pris en compte des pièces produites par le préfet dans une autre procédure, ce que faisant, ils ont méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve ;
- ils ont entaché leur jugement d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation, ont dénaturé leurs écritures et des pièces du dossier dans leurs réponses aux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation, du vice de procédure pour méconnaissance de la procédure contradictoire, de l'absence de base légale de la décision attaquée ;
- c'est également à tort qu'ils ont estimé, d'une part, que le préfet n'était pas tenu de communiquer spontanément au propriétaire du logement le procès-verbal de gendarmerie du 1er octobre 2020 visé dans l'arrêté ainsi que les courriels de la mairie de Voulx des 20 et 30 novembre 2020 sur lesquels il s'est fondé pour prendre sa décision, d'autre part, que l'exactitude des motifs retenus par l'administration pour fonder l'arrêté en litige n'était pas sérieusement contestée et que la preuve n'était pas suffisamment rapportée de ce que le logement avait été remis à neuf avant d'être mis à disposition de l'occupant, enfin, que, compte tenu de la nature des risques dont il était fait état, un danger imminent pour la santé publique caractérisant une situation d'urgence était établi sans qu'elles puissent utilement faire valoir que le préfet aurait tardé à assurer l'exécution de sa décision ;
- les décisions contestées sont entachées d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation faute, pour l'occupant, d'avoir eu la qualité de locataire des lieux et, pour le logement, de représenter un danger ponctuel imminent pour la santé publique nécessitant une intervention en urgence.
La requête a été communiquée à la ministre de la santé et de l'accès aux soins qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 26 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2024 à 12 heures.
Par un courrier du 28 octobre 2024, la ministre de la santé et de l'accès aux soins a transmis les pièces demandées par la cour, qui ont été communiquées.
Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2024 et non communiqué, les consorts D... concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique
- les observations de Me Maignan-Artiga pour les consorts D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., propriétaire d'un logement situé 63 rue Grande à Voulx (77), a mis celui-ci à la disposition d'une personne faisant l'objet d'une mesure de tutelle confiée à un service départemental d'accompagnement tutélaire. Par un arrêté n° 20 ARS 54 SE, le préfet de Seine-et-Marne l'a mis en demeure ainsi que ses ayants-droits, en qualité de propriétaire, dans un délai de 48 heures, de mettre en sécurité l'installation électrique dans le logement en exécutant les mesures prescrites et, dans un délai de quinze jours, de faire procéder à la vérification de cette installation par un électricien qualifié Qualifélec, de faire réaliser si nécessaire des travaux de mise en sécurité par un électricien professionnel, de faire certifier par un organisme indépendant que les travaux avaient permis de mettre en sécurité l'installation électrique et de transmettre à la délégation départementale de Seine-et-Marne de l'Agence Régionale de Santé d'Ile-de-France le diagnostic correspondant ; enfin, d'exécuter tous les travaux annexes strictement nécessaires à titre de compléments directs des travaux prescrits, sans lesquels ces derniers demeureraient inefficaces. L'arrêté indique, qu'en cas d'inexécution des mesures prescrites dans le délai imparti, le maire de Voulx, ou à défaut le préfet, procéderait à leur exécution d'office aux frais de M. D... ou de ses ayants-droits, sans autre mise en demeure préalable, et que la créance en résultant serait recouvrée comme en matière de contributions directes. Par lettre du 1er février 2021, un recours gracieux a été exercé contre cet arrêté, resté sans réponse. M. D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux née le 1er février 2021. Suite à son décès survenu le 28 septembre 2021, ses deux filles ont repris l'instance. Elles relèvent appel du jugement du 18 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article L. 1311-4 du code de la santé publique dispose que : " En cas d'urgence, notamment de danger ponctuel imminent pour la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règles d'hygiène prévues au présent chapitre. / Lorsque les mesures ordonnées ont pour objet d'assurer le respect des règles d'hygiène en matière d'habitat et faute d'exécution par la personne qui y est tenue, le maire [...] ou à défaut le représentant de l'Etat dans le département y procède d'office aux frais de celle-ci. / La créance de la collectivité publique qui a fait l'avance des frais est alors recouvrée comme en matière de contributions directes (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) ".
3. En l'espèce, il ressort de l'examen de l'arrêté contesté que les mesures préconisées font suite à un procès-verbal de gendarmerie établi le 1er octobre 2020, ainsi qu'à des échanges avec la mairie de Voulx. Il en résulte que le logement appartenant à M. D..., mis gracieusement par celui-ci à la disposition de M. A..., majeur sous tutelle, se trouve dans un état de salubrité déplorable pour l'occupant, est extrêmement dégradé et ne bénéficie plus d'accès à l'eau et à l'électricité. Selon ce même procès-verbal, un tel état était de notoriété publique depuis des mois. Il mentionne ainsi que les services de gendarmerie étaient déjà intervenus l'année précédente au domicile de M. A..., sans évolution de la situation depuis lors faute d'intervention de l'association tutélaire. S'il résulte des dispositions citées au point 2 que l'urgence commande qu'il soit fait exception au caractère contradictoire de la procédure préalable avant la mise en œuvre d'une mesure de police spéciale en matière de salubrité, une telle situation doit toutefois être caractérisée. Or, il ressort au cas d'espèce des pièces du dossier que l'électricité était coupée sans qu'aucune desdites pièces ne fasse par ailleurs état de défaillances affectant les installations électriques équipant le logement. Par suite, en l'absence de caractérisation de la condition d'urgence, les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le préfet a fait application des dispositions de l'article L. 1311-4 du code de la santé publique.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Par conséquent, ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne et la décision implicite de rejet du recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mmes D... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105145 du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ainsi que l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne et la décision implicite portant rejet de recours gracieux née le 1er février 2021, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mmes D... une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Mme C... D... et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins ainsi qu'au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04077