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27/12/2024 | FRANCE | N°24PA02713

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 27 décembre 2024, 24PA02713


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2305895 du 16 m

ai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2305895 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 24 juin, 15 novembre et 11 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Sadoun, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305895 du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil, en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 14 avril 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai deux mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au titre de la procédure de première instance et de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'une dénaturation des faits ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie, en raison d'un séjour en France depuis plus de dix ans ;

- cette décision est entachée de méconnaissance des articles L. 423-7, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- cette décision est entachée de méconnaissance des 2°) et 5°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Sadoun, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... B..., ressortissant algérien né le 6 avril 1983, est entré en France le 16 octobre 2014. Le 17 mai 2022, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, en tant que ce jugement a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...). ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... A... B... est marié depuis le 28 septembre 2019 avec une ressortissante marocaine, qui vit régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident valable du 8 novembre 2017 au 7 novembre 2027 et que le couple est parent de deux enfants, nés en France le 1er mars 2020 et le 10 avril 2021. Il est constant que, contrairement aux mentions de l'arrêté attaqué, le requérant n'a jamais fait l'objet d'un refus de titre de séjour, bien qu'il se soit soustrait à une obligation de quitter le territoire français en date du 7 mars 2018. En outre, si cet arrêté précise que M. B... est mentionné au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement, il ressort des pièces du dossier que ces faits, en date du 5 février 2017, dont la matérialité est contestée par le requérant, sont demeurés isolés et n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... justifie de sa résidence en France depuis 2014. Dans ces conditions, compte tenu de l'ancienneté de la présence en France du requérant et de l'intensité de sa vie privée et familiale de M. B... sur le territoire national et nonobstant la circonstance que le requérant conserve des attaches familiales en Algérie, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et celle fixant le pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis dans toutes ses dispositions. Le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande et celle de l'arrêté du 14 avril 2023 dans toutes ses dispositions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B... un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme totale de 1 000 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2305895 du 16 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 14 avril 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé dans toutes ses dispositions.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme totale de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 décembre 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02713 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02713
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;24pa02713 ?
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