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10/01/2025 | FRANCE | N°23PA01359

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 10 janvier 2025, 23PA01359


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Dominique A... Architecture a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et de l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des

impôts.



Par un jugement n° 2016006 et 2016010 du 31 janvier 2023, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Dominique A... Architecture a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et de l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 2016006 et 2016010 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a notamment déchargé la société, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à sa charge pour la période litigieuse, a réduit ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés du montant du profit sur le Trésor réintégré par l'administration au titre des années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 avril 2023 et le 31 octobre 2024, la société Dominique A... Architecture, représentée par Me Morisset et Me Neto, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ne faisant pas suite à sa demande d'interlocution hiérarchique faite en réponse à la proposition de rectification, l'administration l'a privée d'une garantie substantielle prévue par la charte du contribuable vérifié ;

- la substitution de base légale l'a privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires afin qu'elle se prononce sur la question de fait de savoir si le bien immeuble en litige peut être regardée comme une résidence de plaisance ou d'agrément ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les charges de location d'un bien à Antibes n'auraient pas été supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; ce bien ne peut en tout état de cause être assimilé à une résidence de plaisance et d'agrément au sens du 4 de l'article 39 du code général des impôts ;

- l'administration ne rapporte pas davantage la preuve de ce que les dépenses relatives aux indemnités kilométriques n'auraient pas de caractère professionnel ;

- les intérêts de retard et les pénalités mises à sa charge sont assis sur des rappels injustifiés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juin 2023 et le 8 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Neto, pour la société Dominique A... Architecture.

Considérant ce qui suit :

1. La société Dominique A... Architecture a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiées au titre des années 2013 et 2014. La société requérante relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a fait droit que partiellement à sa demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ".

3. Le paragraphe 6 du chapitre Ier de la charte remise au contribuable prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur départemental ou régional. Leur rôle vous est précisé plus loin (page 16). Vous pouvez les contacter pendant la vérification ". Le paragraphe 4 du chapitre III de cette charte indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ".

4. La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par les passages précédemment cités de la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure d'imposition, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.

5. En l'espèce, d'une part, la demande d'entretien avec le supérieur hiérarchique formulée par la société en date du 3 octobre 2016 est postérieure à la proposition de rectification datée du 25 juillet 2016. D'autre part, cette demande ne faisait état d'aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance de la garantie prévue au chapitre Ier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant des charges liées à la location d'un appartement :

6. L'administration, qui est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune garantie de procédure prévue par la loi, sollicite la substitution des dispositions du 4 de l'article 39 du code général des impôts, applicables au litige, à celles du 1 du même article initialement invoquées pour constater que les charges de location d'un bien à Antibes (Alpes-Maritimes) par la société requérante n'étaient pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise.

7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...). 4. Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, d'une part, les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche et, d'autre part, les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; les dépenses et charges ainsi définies comprennent notamment les amortissements. / (...) Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux charges exposées pour les besoins de l'exploitation et résultant de l'achat, de la location ou de l'entretien des demeures historiques classées, inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ou agréés ou des résidences servant d'adresse ou de siège de l'entreprise en application des articles L. 123-10 et L. 123-11-1 du code de commerce, ou des résidences faisant partie intégrante d'un établissement de production et servant à l'accueil de la clientèle (...) ". Ces dernières dispositions visent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion commerciale normale, du fait qu'elle dispose d'une résidence ayant vocation de plaisance ou d'agrément, à laquelle elle conserve ce caractère et dont elle ne fait pas une exploitation lucrative spécifique. Par résidence de plaisance ou d'agrément au sens de l'article précité, il y a lieu d'entendre les locaux ayant un caractère notamment de prestige qui, sans être directement affectés à une exploitation lucrative spécifique, sont cependant utilisés par celle-ci dans le cadre normal de son activité, notamment à des fins commerciales ou publicitaires ou qui sont destinés à un tel usage.

8. D'une part, les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts ne sont pas susceptibles de fonder la réintégration des charges en litige dès lors que l'administration ne conteste plus l'utilisation du bien immobilier à des fins professionnelles.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Dominique A... Architecture a loué, à compter du 6 septembre 2012, une maison située à Antibes. Les pièces versées au dossier permettent d'attester de la réalité des projets conduits par la société dans cette région et l'administration ne conteste au demeurant plus l'utilisation de ce bien à des fins professionnelles. En outre, le constat d'huissier établi le 8 septembre 2016 témoigne de ce que cette résidence est pour partie vétuste et que l'autre partie, vide de toute occupation hormis un bureau, offre des équipements d'un confort rudimentaire. Il s'ensuit que le bien en question ne peut être qualifié de résidence ayant vocation de plaisance ou d'agrément, au sens des dispositions du 4° de l'article 39 du code général des impôts. Dans ces conditions, la société requérante, qui soutient que cette location répondait à un projet d'extension d'une agence à Antibes, est fondée à soutenir que la demande de substitution de base légale formulée par l'administration en cours d'instance doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les garanties procédurales dont elle soutient être privée du fait de cette demande.

10. Par suite, la société Dominique A... Architecture doit être déchargée, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition mis à sa charge en conséquence de la réintégration à son bénéfice imposable des charges liées à la location d'un bien immobilier à Antibes pour un montant de 15 300 euros en 2013 et 16 800 euros en 2014.

S'agissant des indemnités kilométriques :

11. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré au résultat imposable de la société Dominique A... Architecture des montants de 26 598 euros et de 37 252 euros au titre, respectivement, des exercices clos en 2013 et 2014, considérant que l'utilisation du véhicule personnel de M. A... faisait double emploi avec l'acquisition par la société d'un troisième véhicule, de marque BMW série 3. Il n'est pas contesté que ce véhicule, qui n'aurait été utilisé que ponctuellement par les salariés de la société, a pourtant parcouru 35 000 kilomètres en 2013. En tout état de cause, si M. A... soutient que ce véhicule n'était que rarement utilisé et aurait parcouru moins de 10 000 kilomètres en 2014, justifiant ainsi de l'utilisation de son véhicule personnel, il ne verse au dossier, pas plus en appel qu'en première instance, aucune pièce permettant d'établir l'effectivité de l'utilisation de son véhicule personnel dans le cadre des déplacements professionnels allégués ou l'engagement pour ce faire de frais justifiant les remboursements effectués à hauteur de 120 000 kilomètres par an. Dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, réintégrer ces charges au bénéfice imposable de la société Dominique A... Architecture.

En ce qui concerne les pénalités :

12. Conformément à ce qui a été exposé précédemment, la société requérante n'est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie qu'à hauteur de la réintégration injustifiée des charges liées à la location d'un bien immobilier à Antibes dans ses résultats imposables. Par suite, elle n'est fondée à obtenir la décharge correspondante des intérêts de retard et pénalités dont ces cotisations sont assorties que dans cette mesure.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dominique A... Architecture est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la déduction de son résultat imposable des charges liées à la location d'un bien immobilier à Antibes au cours des années 2013 et 2014.

Sur les frais d'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme quelconque au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés auquel a été assujettie la société Dominique A... Architecture au titre des années 2013 et 2014 est réduite respectivement d'un montant de 15 300 euros et 16 800 euros.

Article 2 : La société Dominique A... Architecture est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 correspondant à cette réduction des bases d'imposition.

Article 3 : Le jugement nos 2016006-2016010 du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de société Dominique A... Architecture est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Dominique A... Architecture et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01359 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01359
Date de la décision : 10/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-10;23pa01359 ?
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