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15/01/2025 | FRANCE | N°23PA00581

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 15 janvier 2025, 23PA00581


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) d'annuler la décision du 2 novembre 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté ses demandes tendant à obtenir la restitution de retenues pratiquées sur sa rémunération à la suite de son placement en congé de maladie entre le 12 octobre et le 13 décembre 2020, et le versement de l'augmentation de sa rémunération prévue par son nouveau contrat de travail applic

able depuis le 1er septembre 2020 ;



2°) d'annuler partiellement la décision du 25 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision du 2 novembre 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté ses demandes tendant à obtenir la restitution de retenues pratiquées sur sa rémunération à la suite de son placement en congé de maladie entre le 12 octobre et le 13 décembre 2020, et le versement de l'augmentation de sa rémunération prévue par son nouveau contrat de travail applicable depuis le 1er septembre 2020 ;

2°) d'annuler partiellement la décision du 25 février 2022 du garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qu'elle a pour partie rejeté ses demandes tendant à voir régulariser sa situation administrative et financière, ainsi que la décision du 16 mars 2022, confirmant cette décision.

Par un jugement n° 2209573/5-3 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2023, M. B..., représenté par Me Demmane, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2022 ;

2°) d'annuler les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice, du 2 novembre 2021, du 25 février 2022 et du 16 mars 2022, mentionnées ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a, par des erreurs matérielles, visé un " décret n° 86-83 du 17 janvier 1946 ", et mentionné, au point 3 de son jugement, une " décision du 2 novembre 2022 " ;

- c'est également à tort qu'il a estimé que M. B... a été placé en congé pour maladie pour les périodes du 12 au 18 octobre 2020 puis du 23 novembre au 13 décembre 2020, et que son nouveau contrat à durée déterminée avait été conclu le 2 avril 2021 ;

- il a omis d'examiner plusieurs moyens relatifs à la suspension de son contrat ;

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de communiquer à M. B... la demande qu'il a adressée au ministère le 15 novembre 2022, et de donner suite aux demandes que M. B... lui avait adressées afin qu'il demande au ministère la communication de certaines pièces ;

- le ministère de la justice ne pouvait, sans méconnaitre le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, se prévaloir de l'arrêté du 9 mars 2022 relatif à la gestion et au contrôle budgétaires du ministère de la justice, pour justifier sa décision du 2 novembre 2021 ;

- les décisions du 2 novembre 2021 et du 25 février 2022 sont entachées d'incompétence ;

- elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ;

- elles sont entachées d'erreurs de droit et d'erreurs de fait ;

- elles reposent sur des erreurs d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2024, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 26 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2024.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de :

- la tardiveté des conclusions présentées devant le tribunal administratif le 25 avril 2022, tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2021 ;

- l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation des décisions du 2 novembre 2021, du 25 février 2022 et du 16 mars 2022, relatives à la restitution des retenues pratiquées sur la rémunération de M. B... aux mois de juin et de juillet 2021, ces conclusions étant sans objet compte tenu de la restitution de ces sommes à M. B... au mois de février 2022.

Par deux mémoires complémentaires, enregistrés le 30 novembre et le 5 décembre 2024, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que les moyens susceptibles d'être relevés d'office, mentionnés ci-dessus, doivent être écartés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Demmane, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en contrat à durée déterminée à compter du 2 décembre 2019, pour une durée de trois ans, en qualité d'ingénieur " exploitation - maintenance " au ministère de la justice, avec une rémunération mensuelle brute de 4 600 euros. Il a été promu chef de section " exploitation - maintenance ", à compter du 1er septembre 2020, avec une rémunération mensuelle brute de 5 101,40 euros. A cet effet, un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu le 2 avril 2021, pour une durée de trois ans, avec effet rétroactif au 1er septembre 2020. M. B... a été placé en congé de maladie pour les périodes du 12 au 18 octobre 2020, du 30 octobre au 22 novembre 2020 et du 23 novembre au 13 décembre 2020. Par deux courriers des 11 août et 22 septembre 2021, M. B... a sollicité la restitution de retenues pratiquées sur sa rémunération à la suite de son placement en congé de maladie, et le versement de l'augmentation de sa rémunération prévue par son nouveau contrat de travail. Le ministre de la justice lui a répondu par un courrier en date du 2 novembre 2021 et par un courrier électronique du 25 février 2022, confirmé le 16 mars 2022. M. B... fait appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces courriers.

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif :

2. En premier lieu, les erreurs matérielles dont le jugement du tribunal administratif est entaché en ce qui concerne la date du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, la date de la lettre du ministre de la justice du 2 novembre 2021, les dates des périodes de congés de maladie de M. B... et la date de son nouveau contrat de travail à durée déterminée, sont sans incidence sur la régularité de ce jugement.

3. En deuxième lieu, si M. B... soutient que le tribunal administratif aurait omis d'examiner plusieurs moyens relatifs à la suspension de son contrat, il ne précise pas quels étaient ces moyens.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 611-10 de ce code, le rapporteur " peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ". Il ne ressort ni de ces dispositions, ni d'aucun autre texte ou d'aucun principe applicable, que le juge devrait communiquer aux autres parties, les demandes qu'il peut ainsi adresser à une partie. M. B... ne saurait donc se plaindre de ce que le tribunal administratif ne lui a pas communiqué la demande qu'il a adressée au ministère de la justice le 15 novembre 2022. Il ne saurait davantage se plaindre de ce que le tribunal n'a pas donné suite aux demandes qu'il lui avait adressées en vue de certaines autres mesures d'instruction.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2021 relative au versement de l'augmentation de la rémunération de M. B... :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. "

6. Il ressort de la lettre du ministre de la justice du 2 novembre 2021 que la rémunération de M. B... a été revalorisée en exécution de son nouveau contrat à compter du mois d'avril 2021, et de son bulletin de paie du mois d'avril 2021 qu'il a alors bénéficié d'un rappel de 3 359,38 euros correspondant à l'augmentation de sa rémunération entre les mois de septembre 2020 et de mars 2021.

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de la réponse que M. B... a apportée par courrier électronique le 12 novembre 2021 à la lettre du ministre de la justice du 2 novembre 2021, qu'il a reçu notification de cette lettre le 10 novembre 2021, et qu'elle mentionnait les délais et les voies de recours. De plus, le ministre de la justice a, par un courrier électronique du 28 décembre 2021, confirmé les termes de cette même lettre, en précisant expressément : " Il n'y a donc aucune régularisation de salaire en attente concernant la mise en œuvre du contrat de travail ". Or, M. B... n'a présenté au tribunal administratif ses conclusions tendant à l'annulation de cette lettre que le 25 avril 2022, tardivement au regard des dispositions citées ci-dessus. Ces conclusions doivent donc en tout état de cause être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions relatives à la restitution des retenues pratiquées sur la rémunération de M. B... aux mois de juin et de juillet 2021 :

8. Il ressort de la lettre du ministre de la justice du 2 novembre 2021 qu'en l'absence de production par M. B... du décompte de la totalité des indemnités journalières qu'il avait reçues de la sécurité sociale, les services du ministère ont rejeté sa demande datée du 11 aout 2021, tendant à la restitution des sommes retenues sur sa rémunération pour un montant total de 6 291 euros aux mois de juin et de juillet 2021. Il ressort toutefois du courrier électronique qu'ils lui ont adressé le 25 février 2022, et qu'ils ont confirmé le 16 mars 2022, ainsi que du bulletin de paie de M. B... pour le mois de février 2022, que les services du ministère lui ont restitué cette somme au mois de février 2022. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif, puis devant la Cour, tendant à l'annulation des décisions par lesquelles ces services auraient refusé de lui restituer cette même somme, sont sans objet. S'il entend soutenir que l'administration lui serait encore redevable d'une somme de 4 383,17 euros, il ne produit en tout état de cause aucune pièce de nature à l'établir.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions relatives à la restitution de la retenue pratiquée sur la rémunération de M. B... au mois de février 2021 :

9. Il ressort de la lettre du ministre de la justice du 2 novembre 2021 que les services du ministère ont rejeté la demande de M. B... datée du 11 aout 2021, tendant à la restitution de la retenue pratiquée sur sa rémunération du mois de février 2021 pour un montant de 1 380 euros, en conséquence de son placement en congé de maladie à demi traitement du 24 novembre au 13 décembre 2020. Or, M. B... n'a présenté aucun recours administratif sur ce point par la suite, et n'a, ainsi qu'il a déjà été dit, présenté au tribunal administratif ses conclusions tendant à l'annulation de cette lettre que le 25 avril 2022, tardivement au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Ces conclusions doivent donc en tout état de cause être rejetées comme irrecevables.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2025.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLET La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00581
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : DEMMANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;23pa00581 ?
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